La commune de Larochette deux ans après le rejet par ses voisines et trois mois avant l’élection d’un nouveau maire

Fiels meu amor

Larochette été 2017
Foto: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land vom 14.07.2017

Patient zéro Sociologiquement, une fusion entre les trois micro-communes Fischbach (1 200 habitants), Nommern (1 300) et Larochette (2 200) était contre-intuitive. En forçant un peu les traits, on pourrait faire un tableau par oppositions : anciens villages agricoles contre bourgade post-industrielle, bungalows modernes dans cités dortoirs contre maisons mitoyennes dans des ruelles parsemées de cafés, Luxembourgeois et expatriés contre immigrés, classe moyenne contre classe ouvrière. Ceux d’en haut (sur la colline) versus ceux d’en bas (dans la « Bidden ») : c’est un peu Merl-Belair versus Pfaffenthal en milieu rural.

Les maires de Fischbach (douze ans d’ancienneté), de Nommern (18 ans) et de Larochette (26 ans) ne se représenteront plus aux élections communales de cet octobre. Le résultat du référendum du 9 novembre 2014 les avait choqués par sa violente clarté. Le « non » recueillait 76 pour cent à Fischbach et
70 pour cent à Nommern. Seule Larochette votait en faveur de la fusion : le « oui » y recueillait 66,5 pour cent. Le soir même, le maire de Larochette, Pierre Wies, parlait d’un « affront » et d’un « camouflet pour moi personnellement mais aussi pour beaucoup de gens dans ma commune ». Ce qui faisait de ce référendum local un cas politique national, c’est que Larochette (ou la « Fiels ») est connue comme le village le plus portugais du Luxembourg : 960 de ses habitants (soit 44 pour cent de la population) sont de nationalité portugaise, devant les Luxembourgeois qui sont à 883 (41 pour cent). À Fischbach et à Nommern, les Luxembourgeois représentent 72, respectivement 76 pour cent de la population.

La presse ne fut pas tendre avec les frondeurs de Nommern et de Fischbach. Le Journal notait : « Toleranz zelebriert man gerne nach außen, doch in der Wahlkabine kann man seinen Ängsten vor dem Fremden freien Lauf lassen ». Le Tageblatt commentait : « Die ‘Luxemburger’ aus Fischbach und Nommern wollten nicht mit den ‘Portugiesen’ gemeinsame Sache machen. » Le Wort écrivait de son côté que le résultat du référendum « hat uns einen Spiegel vorgehalten. Und was wir darin erkennen, ist beschämend ». (Ces éditoriaux valaient une vague de lettres et d’appels indignés aux rédactions.)

La bulle Les élus locaux avaient dramatiquement sous-estimé l’ampleur de la fronde. En 2010, un sondage Ilres avait indiqué que la partie était risquée, mais gagnable, donnant le « oui » à 45 pour cent à Fischbach et à 48 pour cent à Nommern. En rétrospective, le maire de Nommern, Marc Eicher estime que « nous avons tous été victimes du populisme ! C’est la première fois qu’on a vu noir sur blanc au Luxembourg que le vote pouvait conduire à de tels résultats ». « Il n’y a pas de remèdes contre le populisme, estime-t-il, on a tenu des workshops thématiques, distribué des brochures, organisé trois réunions publiques… Mais, en fin de compte, cela n’aura pas fait de différence. »

Quelques mois avant le référendum, les premières traces de dissension étaient apparues à Nommern et à Fischbach : dépliants, blogs, posts sur Facebook et autocollants sur les voitures. Les trois communes avaient acheté les services de Marc Glesener, ancien rédacteur en chef du Wort reconverti dans la communication. « Les communicants nous ont dit : ‘Ne vous focalisez pas sur les gens qui se plaignent ; n’oubliez pas la majorité silencieuse’ », se rappelle la maire de Fischbach, Marianne Brosius-Kolber. Puisque c’était ce qu’elle voulait entendre, elle y croyait. Pourtant, à quelques jours du référendum, elle consulte la liste des électeurs de sa commune native. À chaque nom, elle s’interroge : « Va-t-il voter oui ou non ? » Elle se rend alors compte que ce sera tout sauf évident.

Le réveil Le lendemain du référendum, elle a rendez-vous chez son kiné. Celui-ci n’est pas du tout surpris du résultat du vote. Sur les derniers mois, il avait demandé aux patients de la région comment ils comptaient voter : trois sur quatre auraient répondu qu’ils étaient contre une fusion ; pour que leurs enfants n’aient pas à aller en classe « avec les Portugais ». Dans les jours suivants, Brosius-Kolber aura les mêmes retours de la part de différents commerçants de la région. Probablement par bienséance politique, l’appréhension face à la mixité sociale fut peu verbalisée publiquement. Brosius-Kolber estime donc avoir été confrontée à une « peur latente » : « Si on avait eu des questions concrètes, on aurait pu réagir. Mais, du moins vis-à-vis de moi, la grande majorité des électeurs a fait profil bas. Nous n’étions donc tout simplement pas conscients qu’il s’agissait d’une question de nationalité. »

La peur que leurs enfants se retrouvent mélangés aux élèves lusophones de la Fiels hante les habitants de Nommern et de Fischbach depuis des décennies. Dès le début des discussions de fusion, les maires étaient conscients que la moindre perspective d’une centralisation des écoles ferait capoter le référendum. La convention signée entre les trois maires et le ministre de l’Intérieur Dan Kersch (LSAP) stipulait donc que toutes les antennes scolaires resteraient ouvertes au moins jusqu’en 2029. Mais les électeurs ne se fiaient pas à cette garantie. « Le ministre de l’Intérieur nous avait même prévenus : ‘Êtes-vous conscients que la convention deviendra loi ? Vous ne pourrez plus y revenir », se souvient Marianne Brosius-Kolber. « Je suis maire depuis 18 ans ; les gens me faisaient confiance, dit Marc Eicher. Puis, d’un jour à l’autre, sur une question, ce n’est plus le cas ».

Gérer l’hétérogénéité Sur la page 43 du « Bildungsbericht 2015 » de l’Université du Luxembourg se trouve une carte qui détaille, commune par commune, le pourcentage d’élèves orientés vers l’enseignement secondaire. D’après cette infographie, entre dix et vingt pour cent des enfants de Larochette sont orientés vers le lycée « classique », contre 60 à 70 pour cent dans la commune voisine de Fischbach. Ces chiffres sont brutaux, au point que le ministre de l’Éducation Claude Meisch (DP) a décidé d’abandonner l’approche granulaire et crue et de lui préférer une « regionalspezifische Analyse » qui diluera les inégalités scolaires – souvent extrêmes – entre communes.

Vingt pour cent des élèves de la Fiels parlent le luxembourgeois comme première langue, alors que, dans les communes de Nommern et de Fischbach, ce taux se situe autour de soixante pour cent. La présidente du comité de l’école de Larochette, qui enseigne depuis vingt ans dans la commune, évoque « une prise de conscience » sur les dernières décennies : « Ce sont nos enfants, alors comment faire pour qu’ils puissent bien avancer ? Notamment durant l’alphabétisation en allemand. » Les enseignants de la Fiels invitent les parents à l’école lors de journées portes ouvertes. « Souvent, les parents ne connaissent pas notre système scolaire. Alors nous leur expliquons notre fonctionnement, comment ils peuvent aider leurs enfants avec les devoirs à domicile ». Pour elle, la mixité sociale est une bonne chose en soi : « Comme enseignante je dois pouvoir gérer l’hétérogénéité. La mixité est toujours une chance. Elle reflète notre société. »

Jo, jo… Sou ass dat « Ce ne sont pas des racistes, ils sont simplement… ignorants », dit José Dos Santos Mendes, conseiller communal à Larochette depuis 2005, à propos du refus des communes voisines de fusionner. Comment a-t-il ressenti leur vote ? « Comme une exclusion, répond-il sans hésiter. Ils ne voulaient pas vivre avec nous. » Dos Santos Mendes est cafetier et patron d’une firme fournisseuse de boissons ; il est donc régulièrement en contact avec les associations des villages environnants. « Ils n’ont jamais osé me dire pourquoi ils avaient voté ainsi. Lorsque je leur pose la question, on me dit : ‘Jo, jo, sou ass dat…’ »

Élu une première fois il y a douze ans, Mendes Dos Santos (par ailleurs membre du CSV) était un des premiers conseillers communaux portugais au Luxembourg. Un engagement politique qui était pour lui évident, « parce que je fais partie de cette commune ». Il n’a pourtant jamais demandé la nationalité luxembourgeoise. « On vient d’où on vient. Pour moi, c’est une question de respect… paternel, familial. » Ses enfants – tout comme ses cinq petits-enfants – sont Luxembourgeois, ce serait « un devoir civique ». Mais Mendes Dos Santos n’assiste plus aux réunions du conseil communal où il se fait excuser. (Il se dit déçu des nouveaux élus qui auraient « détruit » le travail des équipes qui les avaient précédés.)

Foot & TNT L’intégration des Portugais ne fut pas un long fleuve tranquille. Les conflits allaient se cristalliser autour du football. Marginalisés au sein du club local, l’AS Rupensia, les immigrés portugais créeront leur propre association en 1968 et le baptiseront : Grupo Desportivo dos Lusitanos de Larochette. La commune refusant de leur louer un terrain, ils en occuperont un et l’aménageront grâce aux machines « empruntées » sur les chantiers de leurs lieux de travail. Une nuit en 1977, à quelques jours de l’inauguration, les deux buts seront dynamités « par un voisin dérangé dans sa tranquillité dominicale », comme le supposera l’Asti quelques années plus tard. (Le « Bommeleeër » de Larochette ne sera jamais trouvé.) Suivront des années de bagarres physiques et judiciaires aux alentours des terrains de foot et devant les tribunaux. Ce ne sera qu’en 1998 que, bon gré mal gré, les joueurs luxembourgeois et portugais feront la paix (manque de joueurs) et créeront l’AS Rupensia-Lusitanos de Larochette.

Il y a différentes hypothèses tentant d’expliquer pourquoi la Fiels est devenue une commune majoritairement portugaise. Dans le troisième tome de Retour de Babel (2007), Daniel Cardoso, ouvrier, syndicaliste et figure de la vie associative locale, témoigne de son arrivée à Larochette en 1964. Selon lui, « le secrétaire de la commune avait aménagé des chambres dans une ancienne caserne et usine à chaussures qui lui appartenait. […] C’est devenu un point d’arrivée, ainsi qu’un point de départ pour d’autres localités du pays. […] Comme le propriétaire de la caserne était secrétaire communal, il donnait plus de facilités pour les papiers. Ceci explique pourquoi il y a une si grande communauté portugaise à Larochette. »

Dans son mémoire de licence présenté en 2004, Les migrants portugais entre le village d’accueil et le village d’origine – Étude de géographie sociale dans les villages de Larochette et de Fiolhoso, Jorge Freire Coimbra avance d’autres facteurs : la présence de personnes parlant le portugais, le caractère touristique de la région et, surtout, des logements disponibles et abordables. Car, dans les années 1970, Larochette était frappée par une violente désindustrialisation. L’industrie textile, présente depuis des siècles dans la vallée, se trouvait en phase terminale. Les Draperies de Larochette font faillite en 1970, victimes collatérales de l’abolition du service militaire : les livraisons à l’armée avaient représenté un tiers de sa production. La fabrique de vêtements Vestimenta, qui dans les années 1950 avait été le plus grand employeur du village avec plus de 120 salariés, ferme en octobre 1984. Quelques mois plus tard, c’est au tour de la manufacture de vêtements JP Ginter-Ginter de plier sous la concurrence internationale. Dans les années 1960, la population de Larochette avait plongé en-dessous des mille habitants, contre 1 600 en début du siècle. Si le nombre d’habitants a depuis augmenté, c’est que les immigrés portugais avaient emménagé dans les vétustes et humides maisonnettes d’ouvriers souvent vieilles de plusieurs siècles, que les Luxembourgeois et Italiens avaient abandonnées.

Protection du patrimoine à la portugaise Dans son mémoire, Jorge Freire Coimbra fait une cartographie de toutes les maisons de Larochette selon la nationalité de ses occupants. La présence portugaise se concentre dans le centre historique du village, tandis que les Luxembourgeois habitent les pavillons dans des cités plus récentes. Les anciennes maisons mitoyennes ont été retapées lors des week-ends et grâce à la solidarité communautaire. À Larochette, les immigrés portugais ont sauvé une bonne partie du patrimoine séculaire qui, sans eux, serait tombé en ruine.

Le nouveau Plan d’aménagement général (PAG) classe quelque 300 maisons (sur un total 800 unités) comme bâtiments, gabarits et alignements protégés. La partie écrite du PAG adoptée en janvier 2017 contient une multitude de prescriptions spécifiques pour la « zone du secteur sauvegardé », c’est-à-dire pour tous les bâtiments situés dans l’axe de la vue sur le château qui surplombe le village et la vallée de l’Ernz Blanche. Le PAG insiste sur le purisme local : sont ainsi interdits « tous pastiches d’une architecture étrangère à la région ». Les fenêtres doivent être à deux ouvrants « divisés chacun en un carreau carré et un carreau rectangulaire », les bancs de fenêtres et les escaliers d’entrée « en pierre naturelle de la région ou similaire », les gouttières verticales en zinc. Quant aux volets roulants, ils sont « à éviter ».

Étrangement, seulement six propriétaires ont réclamé contre le nouveau PAG, alors que, dans le Ville de Luxembourg, 1 088 réclamations avaient été introduites. Ce contraste s’explique soit par le patient travail de sensibilisation du SSM lors de réunions citoyennes, soit par le fait que la population immigrée a une conscience moins aiguë des enjeux financiers que comporte un nouveau PAG pour son patrimoine.

Longtemps, la protection du patrimoine était « plus pragmatique et moins bureaucratique », se rappelle le bourgmestre, Pierre Wies. Elle était personnellement supervisée par Georges Calteux, directeur du Service des sites et monuments nationaux entre 1982 et 2004. « Il débarquait fréquemment dans la Fiels à bord de sa Citroën, raconte Wies. Il sortait une palette de couleurs et conseillait les propriétaires sur la peinture à utiliser pour rénover la façade et les fenêtres. Moi, je me tenais à côté et je notais les codes de couleurs ».

La prochaine maire ? La trentenaire Natalie Silva habite depuis dix ans à Larochette, et elle pourrait en devenir la prochaine bourgmestre. Silva est issue d’une famille cap-verdienne et « relativement catholique » d’Ettelbruck. Après avoir terminé ses études en relations publiques à Bruxelles, elle fait un stage au secrétariat général du CSV, puis y est embauchée en amont des législatives de 2004. Depuis, elle s’occupe de la logistique d’évènements, prépare les campagnes électorales et maintient le contact avec les sections locales et les milliers de membres. Natalie Silva est donc une femme d’appareil, ancrée dans le parti et connue de ses membres actifs.

En octobre 2011, aux élections communales de Larochette (tenues à la majorité relative), elle finit deuxième avec 329 suffrages, devançant d’une voix Frank Reuter, qui démissionnera en octobre 2012. Le maire, qu’elle qualifie de « père politique » lui transmet certains dossiers, dont celui de l’école, et l’introduit dans les méandres de la politique communale. Silva célèbre tous les mariages, qu’elle prépare longuement par des entretiens avec les fiancés. Elle est étonnée par l’immédiateté des réactions aux décisions politiques : les gens qui l’arrêtent dans la rue, les questions matinales devant les grilles de l’école.

Le siège de maire lui servira-t-il de tremplin pour les prochaines législatives ? Natalie Silva ne veut se prononcer sur la question. Les barons des villages périphériques pèsent peu dans la circonscription Centre. Ainsi, ni Pierre Wies en 2004, ni Marianne Brosius-Kolber en 2004 et en 2013 (avec pourtant une progression de 4 000 voix entre les deux échéances) n’avaient réussi leur entrée au Parlement sur les listes du CSV. Face aux candidats puisant dans les larges réservoirs de voix de la capitale et de Hesperange, une base locale de 2 166 habitants ne suffit pas pour s’imposer. Et encore moins lorsque seulement 672 habitants ont le droit de vote, comme c’est le cas dans la Fiels.

« Méi weltlech, manner duerflech » Ce jeudi matin, au dernier jour des inscriptions, 226 étrangers (sur un total de 1 283) s’étaient inscrits sur les listes électorales de Larochette. Cela fait à peu près un Fielser non-luxembourgeois sur six, ce qui correspond grosso modo à la moyenne nationale. (En 2011, 259 étrangers étaient inscrits, dont certains ont depuis pris la nationalité luxembourgeoise.) Rodrigo Pereira Macedo est l’un d’eux. Il vote pour les personnes qu’il connaît, « pas pour un Luxembourgeois ou pour un Portugais ». Mais, selon lui, « les deux communautés restent séparées » par ce qu’il désigne de « deux mentalités différentes ».

Parmi les Portugais plus âgés, habitant souvent depuis une quarantaine d’années au Luxembourg, de nombreuses personnes ne parlent qu’un français très approximatif. « Les deux communautés vivent harmonieusement l’une à côté de l’autre, mais les contacts restent rares », conclut également Jorge Freire Coimbra dans son mémoire de licence. « Pour une vraie intégration, il ne suffit pas d’habiter l’un à côté de l’autre et de passer le temps libre à regarder le football sur la chaîne portugaise. Il est nécessaire de s’intéresser à ce qui se passe dans les communes et dans le pays où on habite », avait déclaré le maire de la Fiels en 2003 face au Contacto. L’analyse est peut-être un peu trop pessimiste.

D’abord parce que, dès la deuxième génération, l’intégration linguistique réussit. Ensuite parce que tous les anciens Fielser interrogés se disaient fiers de la tradition luso-luxembourgeoise de leur village. Lucien Leopard est en train de siroter un mini sur la terrasse de l’Hôtel du Château. Cet ancien cheminot, âgé aujourd’hui de de 85 ans, a grandi à Larochette. Il a déménagé en 1962, mais revient régulièrement en visite, « tant que la santé le permet et tant qu’ils me laisseront le permis de conduire ». Sa lecture du référendum : « Les paysans se disaient : ‘Que faire de ces Fielser ?! Et, en plus, ils l’ont dit avec des Friemenhassser-Wierder », dit-il. Une passante chante les louanges de Larochette comme village « méi weltlech, net sou nodroend, net sou dierflech » : « C’est l’Europe ici. Larochette a toujours été une ville ouverte. » Certains Luxembourgeois parlent le portugais, ayant grandi dans des rues majoritairement lusophones.

Mais cet ethos multiculturel n’a que marginalement influencé les résultats du deuxième référendum, celui de juin 2015. À la question sur le droit de vote pour les étrangers, 27,1 pour cent des Fielser ont répondu « oui », contre 26,8 pour cent à Fischbach et 23,2 pour cent à Nommern. (La moyenne nationale était de 21,98 pour cent). Et lors des deux dernières législatives, les résultats entre les trois communes ne variaient que minimalement.

Entre eux, les Portugais de la deuxième génération parlent le luxembourgeois plutôt que le portugais. « Je suis de la génération où tout se mélange », dit Ken Ferreira Hilario, gérant du Café de l’Europe, que ses parents avaient ouvert en 1989. Les vitres du bar sont décorées par les étoiles européennes flanquées des drapeaux portugais et luxembourgeois. À côté de lui, sur la terrasse, est assis Stéphane Ruiz, vêtu d’un T-shirt du groupe trash metal Slayer. Il est arrivé « par hasard » de Bordeaux à Larochette en 1986. Il a repris le café à musique Little Woodstock à la sortie du village d’Ernzer, un endroit qu’il avait d’abord fréquenté comme client avant d’y travailler comme barman et enfin comme gérant.

Ruiz dit ne pas s’intéresser à la politique et ne s’est pas inscrit sur les listes électorales. « Ce sont toujours les mêmes qui passent, les mêmes vieux Luxos qui se partagent le pouvoir entre eux. » Il regrette que les fêtes de rue soient devenues plus sages et que les nuits blanches ne soient plus accordées qu’avec parcimonie. « Il n’y a plus de mélange comme avant. Il y a vingt ans, les Luxembourgeois et les Portugais faisaient la fête ensemble. Mais les gens, ça a changé. » Le Little Woodstock serait ainsi fréquenté « à 90 pour cent par des Luxembourgeois ». Et d’ajouter : « C’est devenu plus communautaire... Comme un petit vent de nationalisme qui remonte dans tout le pays. »

Fusion inéluctable La fusion aurait apporté neuf millions d’euros supplémentaires aux trois communes. « À partir de maintenant, nous n’aurons plus que 200 000 euros par an, dit Marianne Brosius-Kolber. Les dotations de l’État baissent et nous n’avons pas d’autres recettes. Nous avons fini de construire la maison-relais, mais pour l’avenir nous ne pourrons plus faire grand-chose. Et ce n’est même pas une question de Prunkbauten. Dans l’argumentation des gens, parce qu’ils ont payé tellement cher leur terrain, ils doivent avoir droit à des services. » La commune de Nommern a un peu plus de réserves : sur son territoire se trouve une décharge qui lui rapporte un euro la tonne de gravats, c’est-à-dire un peu plus d’un demi-million d’euros par an. « La fusion ne passera plus par référendum, il faudra donc la décréter d’en haut », dit Marc Eicher. Pour Marianne Brosius-Kolber, tôt ou tard, une fusion serait inéluctable, « c’est juste dommage qu’elle se fasse par résignation et non de manière volontaire. »

La mort des Grands Hôtels À Larochette, les entrées provenant du tourisme faiblissent. Les anciens Grands Hôtels ont été soit démolis (Hôtel Résidence), soit mis en vente (Hôtel de la Poste), soit fonctionnent au ralenti (Hôtel du Château). Comme la plupart des immigrés, Mendes Dos
Santos se rappelle encore la date exacte de son arrivée au Luxembourg : le 2 janvier 1980. Il commence à travailler comme serveur à l’Hôtel du Château, un établissement alors connu dans tout le Grand-Duché. « On était 24 ouvriers et on faisait 300 repas par service. Aujourd’hui, il n’y a plus que quatre personnes qui y travaillent ». En 1983, il ouvre son propre café-restaurant, la Fielser Stuff, un bistrot-restaurant au carrelage multicolore, peint en vert clair, équipé d’une machine Zubito et réputé pour ses « poulets grillés à la portugaise ».

Seul le camping Bierkelt, sur les hauteurs du village, connaît un mini-boom. Vendu en 2015 à la chaîne néerlandaise Iris Parc, le camping cinq étoiles avec 430 emplacements mise sur le « glamping » (lisez : « glamour camping ») : des grandes tentes avec plancher en bois, mobilier colonial, douches et Wifi. Iris Parc veut injecter plusieurs millions d’euros pour construire des nouvelles piscines, un grand toboggan et créer 130 places de camping supplémentaires. Comme l’explique Paul Visser, ancien propriétaire qui, en tant que project manager, accompagne les travaux de transformation, l’idée serait d’attirer des touristes « affluent » (les hôtes sont à quasi 90 pour cent des Hollandais). Il veut compenser la « sous-offre » en bas dans le village par une « animation » non-stop sur le site, ainsi transformé en « camping-club ».

Bernard Thomas
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