Rome au Festival Touch of Noir

Des bourrasques dans un salon

Rome sur scène à Dudelange
Foto: Kévin Kroczek
d'Lëtzebuerger Land vom 22.11.2019

Le week-end dernier était particulièrement prolifique d’un point de vue musical. Entre Herbie Hancock à la Philharmonie, The Libertines à l’Atelier, Björk à la Rockhal, le festival Sonic Visions ou bien encore le Panzfestival à Grevenmacher, le public grand-ducal avait l’embarras du choix, tous genres confondus. Parmi cet agenda chargé, s’est notamment démarqué le lancement du festival Touch of Noir à Dudelange, avec trois concerts à guichets quasi fermés du groupe autochtone Rome, du vendredi 15 au dimanche 17 novembre.

Rome, c’est un des groupes made in Luxembourg les plus likés sur Facebook avec plus de 24 000 followers. Chantre d’une certaine mouvance néofolk, Rome est donc suivi par une niche des plus fourmillantes. La musique du band ultra productif fondé par Jerome Reuter sied parfaitement à l’ambiance dark proposée par le festival depuis près d’une décennie. Elle se situe entre musique industrielle allemande, telle qu’on peut se l’imaginer, et folk pur jus. En somme, une musique cross-genre résolument adulte, chaude et âpre à la fois, et développée par toute une imagerie immédiatement reconnaissable pour autant qu’on accepte de s’y pencher. En janvier dernier, le groupe de l’auteur-compositeur-interprète, enfant du pays longtemps en vadrouille à l’étranger, a publié chez Trisol Music Le Ceneri di Heliodoro. Un intriguant opus que la formation a présenté trois soirs durant à Opderschmelz.

En milieu de semaine dernière, les deux premières dates sont annoncées sold-out. On s’étonne tant on sait qu’il est difficile de remplir ne serait-ce qu’une salle, d’autant plus dans un contexte ultra concurrentiel. De mémoire, le festival n’a pas toujours attiré les foules et ce malgré une programmation souvent solide et en adéquation avec l’atmosphère automnale. Dimanche, en début de soirée, on pénètre donc dans le grand auditoire, métamorphosé pour l’occasion. L’espace est coupé en deux par un large rideau noir. À l’avant, un coin bar avec tireuse à bière et préparation minute de cubas libres, ainsi qu’un stand de merchandising, révélant l’étendue de la discographie de Rome. De l’autre côté du rideau a été mis au point un espace lounge avec banquettes et tribunes recouvertes de coussins. John Rech, le directeur des lieux présent ce soir-là, a voulu réaménager l’endroit en espace salon convivial. Les lumières feutrées mixées à la musique de fond, du Jacques Brel, donnent en effet une atmosphère chaleureuse à ce cocon éphémère. Une atmosphère très vite contrebalancée avec l’arrivée sur scène des trois musiciens de Rome.

Laurent Fuchs est à la batterie est aux percussions, Eric Becker est à la guitare électrique et à la basse et enfin Jerome Reuter – qui lève son verre au public en entrant dans l’arène – est à la voix et à la guitare acoustique. Très vite, le ton est donné, la musique est puissante, la voix porte mais se noie parfois dans les instruments et effets sonores. Les sons préenregistrés, de très bon gout malgré tout, parasitent un peu la nature live de la performance. Même si les poils s’hérissent à l’écoute de certains morceaux comme The West Knows Best, plus que le côté chanson à texte et politique qui ressort, ce sont surtout les relents de musique industrielle qui secouent l’audience. Lorsque la formation se transforme en trio de percussionnistes, les tribunes tremblent, les lumières s’adaptent aux coups assénés. Ces moments intenses sont comme des bourrasques dans un salon. La prestation se termine dans un ultime fracas. Un rappel de quatre morceaux est donné.

Kévin Kroczek
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