Après un premier semestre marqué au niveau mondial par des incertitudes de tous ordres susceptibles d’affecter leur activité, les banques européennes ont finalement connu une belle première moitié d’été. Publiés en juillet, leurs résultats semestriels étaient en nette progression pour la majorité d’entre elles. Et le 1er août elles recevaient un satisfecit de la BCE pour leur réussite aux stress tests organisés au premier semestre. De quoi confirmer le regain de faveur constaté auprès des investisseurs depuis début 2025.
Certaines banques ont vu leurs revenus croître de plus de dix pour cent par rapport au premier semestre 2024 : c’est le cas de la française BPCE, des britanniques HSBC Continental Europe et Barclays, de l’espagnole BBVA et de l’allemande Commerzbank. Au Luxembourg, au deuxième trimestre la BGL a connu une hausse de 9,2 pour cent de son produit net bancaire par rapport à la même période un an plus tôt.
Les progressions sont encore plus spectaculaires du côté du bénéfice net semestriel, qui a crû respectivement de 71 pour cent et de 61 pour cent chez les Françaises SG et Banque Postale, et jusqu’à une hausse de 156 pour cent à la Deutsche Bank. Et, sans pour autant afficher de fortes hausses, certaines banques ont enregistré un bénéfice record au premier semestre : c’est le cas des deux grands groupes italiens, Intesa Sanpaolo et UniCredit, qui parlent de 2025 comme « our best year ever ».
Les résultats ont surtout été portés par la banque de détail. La baisse des taux, entamée en juin 2024, a relancé les prêts immobiliers aux ménages et les crédits aux entreprises, tout en diminuant les coûts de refinancement et les rémunérations consenties sur les dépôts d’épargne. En France la banque de détail est même redevenue le moteur de la croissance des résultats, avec des revenus en hausse et des coûts en baisse pour cause, notamment, de réduction drastique des réseaux d’agences.
Seul bémol, le coût du risque. Les banques craignent toujours de faire face à des impayés sur les crédits, notamment de la part des PME, tous secteurs confondus. À fin mars 2025, le montant des créances douteuses (NPL selon le sigle anglais) s’élevait à quelque 378 milliards d’euros soit environ 2,3 pour cent de l’encours total de crédit. Compte tenu de la politique de provisionnement des banques, cela signifie un « coût du risque » de 0,57 pour cent, le niveau le plus élevé depuis décembre 2020. Mais il marquait une tendance à la baisse dès le deuxième trimestre dans plusieurs banques.
Début août, l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de la BCE annonçaient que les banques européennes avaient passé haut-la-main les stress tests qu’elles organisent tous les deux ans depuis 2010 (ceux de 2020 ayant été retardés d’un an pour cause de pandémie). Ces « tests de résistance » sont des exercices comptables destinés à mesurer l’impact sur différents postes, et notamment sur le niveau du capital, de scénarios macro-économiques défavorables.
En 2025, ces tests ont concerné 96 banques. La BCE et l’ABE ont examiné les 51 plus grandes, qui représentent les trois-quarts des actifs bancaires de la zone euro. En parallèle, la BCE s’est intéressée, avec pratiquement la même méthodologie, à 45 banques de taille plus réduite.
Le scénario envisagé en 2025 était celui de d’une baisse totale de 6,3 pour cent du PIB européen sur la période 2025-2027. Une chute comparable à celle testée en 2023, mais plus forte que celles imaginées en 2018 (- 2,7 pour cent) et en 2021 (- 3,6 pour cent). Deux nouveautés par rapport à l’édition précédente : le scénario noir évoquait une « escalade des tensions géopolitiques et commerciales », et pour la première fois étaient prises en compte les nouvelles exigences en capital liées à l’application de l’accord de Bâle III.
Dans l’hypothèse la plus défavorable, les banques testées essuieraient des pertes de 547 milliards d’euros sur une période de trois ans. Ce montant est, en valeur absolue, supérieur à celui calculé dans les précédents stress tests. En revanche, le ratio de fonds propres CET1 (pour Common Equity Tier 1, indicateur-clé de la solidité financière d’une banque) ne perdrait en moyenne que 3,7 points, passant de 15,8 pour cent fin 2024 à 12,1 pour cent fin 2027. Cette diminution est inférieure à celle apparue lors des tests menés en 2023 (- 4,8 points). Le ratio prévu pour 2027 en cas de survenance du scénario noir reste satisfaisant, et supérieur de près de deux points à celui qui ressortait en 2023.
Aucune grande banque n’est tombée au-dessous du minimum des exigences en fonds propres, même si, selon l’ABE, le tiers d’entre elles ont connu une chute du ratio supérieure à la moyenne. La BCE considère que le secteur bancaire européen a montré sa résilience malgré la sévérité du scénario et « qu’il serait en mesure de continuer à soutenir l’économie de l’U.E en période de tension ».
Ces bonnes nouvelles sont intervenues dans un contexte de poursuite du mouvement de consolidation, sur une base domestique ou transnationale. Une grande effervescence règne en Italie, où, alors qu’UniCredit a renoncé à son offre sur Banco BPM sous la pression du gouvernement Meloni, Monte dei Paschi di Sienna cherche toujours à mettre la main sur Mediobanca, au moment où cette dernière s’intéresse à Banca Generali. En Espagne BBVA a déclaré maintenir son projet, annoncé en mai 2024, d’une OPA hostile sur son concurrent Sabadell malgré la contre-offensive de cette dernière, qui a vendu à Santander sa filiale britannique TSB pour 3,1 milliards d’euros. L’OPA devrait être officiellement lancée en septembre, malgré les strictes conditions (condamnées par Bruxelles) édictées fin juin par le gouvernement socialiste espagnol, mal disposé vis-à-vis d'une opération susceptible de réduire la concurrence.
Au niveau transnational, les banques françaises sont très actives. BPCE a racheté 75 pour cent des parts de la Novo Banco, quatrième banque portugaise, le Crédit Mutuel a racheté la banque régionale allemande OLB tandis que le Crédit Agricole montait à vingt pour cent du capital de Banco BPM, délaissée par UniCredit. Cette dernière, bridée en Italie, a doublé (à vingt pour cent) sa participation dans la banque grecque Alpha Bank et lorgne toujours sur l’allemande Commerzbank.
Grâce à ses bons résultats le secteur bancaire européen fait désormais figure de chouchou des marchés financiers, après avoir été longtemps boudé. L’indice Euro Stoxx Banks, qui suit 28 établissements cotés en bourse (à l’exclusion donc des banques publiques et mutualistes) a progressé de plus de soixante pour cent depuis le 1er janvier 2025, l’essentiel de la hausse ayant été acquis en avril-mai puis à partir du 15 juillet.
L’évolution des cours, très contrastée d’une banque à l’autre, a modifié la hiérarchie au profit des banques italiennes et espagnoles. Ainsi BNP Paribas, longtemps première banque de la zone euro, a été dépassée dès juin 2024 par Santander, puis au printemps 2025 par UniCredit et par Intesa San Paolo. La banque française est aujourd’hui au coude-à-coude avec BBVA pour conserver sa quatrième place.
Dans une note sectorielle, la banque canadienne RBC a décrit le parcours boursier des banques européennes comme celui « d’un train lancé à grande vitesse ». RBC faisait autant allusion à la progression récente des cours qu’au potentiel de hausse. Les experts estiment en effet que, lorsque l’on compare leur capitalisation boursière à leurs actifs, de nombreuses banques européennes sont encore sous-valorisées : c’est le cas par exemple, malgré la hausse récente des cours, de SG ou de Raiffeisen Bank International. Mais, même pour d’autres « gros bras » comme BNP Paribas, Deutsche Bank ou ABN AMRO, dont la valeur en bourse a bien progressé, la situation reste fragile car « les nuages géopolitiques et macroéconomiques pointent encore à l'horizon, rendant le secteur quelque peu vulnérable à toute mauvaise nouvelle » estime RBC.
Les banques de l’U.E fidèles à leurs engagements climatiques
En novembre 2021, après la COP 26 de Glasgow plusieurs dizaines d’établissements financiers avaient rejoint la « Net Zero Banking Alliance » (NZBA) en faveur du climat lancée au mois d’avril précédent, sous l’égide de l’Onu, avec 43 adhérents.
Quelques défections ont été enregistrées dans les trois premières années, mais la grande vague est intervenue après l’élection de Donald Trump en novembre 2024 quand plusieurs grandes banques américaines, soucieuses d’éviter un clash avec un président ouvertement climato-sceptique, ont quitté l’alliance. Goldman Sachs, Citi, Wells Fargo, JP Morgan Chase, Bank of America et Morgan Stanley ont été suivies, au premier semestre 2025 par des établissements canadiens, australiens et japonais. Les banques européennes restaient néanmoins fidèles à leurs engagements, jusqu’aux annonces des départs de HSBC le 11 juillet, de Barclays le 1er août et d’UBS le 7 août.
Ces trois banques, accusées de n’avoir jamais été très engagées dans le projet, ont protesté de leur bonne foi. Barclays a ainsi affirmé conserver son objectif de « mobiliser 1 000 milliards de dollars pour le financement durable et la transition énergétique », une stratégie qui lui aurait rapporté plus de 630 millions de dollars en 2024. Les banques des pays de l’UE restent pour le moment adhérentes à la NZBA, qui compte toujours quelque 130 membres dans le monde, représentant environ 54 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Reste à savoir pour combien de temps.