Équité entre les enfants

Le quart de la honte

d'Lëtzebuerger Land vom 15.04.2016

On ne retrouvera pas ces classements dans les brochures en quadrichromie vantant les qualités du Luxembourg dans la concurrence des nations : dans la majorité des tableaux statistiques publiés hier, jeudi, par l’Unicef dans son rapport Équité entre les enfants – Tableau de classement des inégalités de bien-être entre les enfants des pays riches, le grand-duché se classe parmi les derniers des 34 pays analysés. Parce que le système socio-politique n’abolit pas, mais au contraire reproduit et aggrave les inégalités sociales des enfants par rapport à leurs parents. Alors que l’écart entre les hauts et les bas revenus se creuse (comme partout en Europe), les effets de ces inégalités se ressentent à l’école, dans le système de santé ou encore dans le sentiment de satisfaction dans la vie : plus les conditions matérielles des parents sont difficiles, plus les enfants cumulent problèmes de santé (mauvaise nutrition, manque d’activité physique...) et problèmes scolaires et moins ils sont satisfaits de leur vie.

Cette semaine, deux organisations non-gouvernementales tiraient l’alarme quant à la dégradation des conditions de vie des enfants, l’Unicef et la Caritas, qui consacre elle aussi son Sozialalmanach 2016 aux inégalités. Comme l’Unicef, la Caritas rappelle à nouveau que l’ascenseur social qu’est censée constituer l’école ne fonctionne pas au Luxembourg. Ainsi, note l’Unicef, 25 pour cent des enfants les plus défavorisés éprouvent un retard de trois années de scolarisation par rapport aux 25 pour cent les plus favorisés en mathématiques – c’est énorme. Sans égard à leur intelligence, les enfants socialement défavorisés ont d’office un retard considérable à rattraper.

Autre constat : dans toute l’OCDE, la tendance du risque de pauvreté s’est inversée depuis les année 1980 : désormais, ce ne sont plus les personnes âgées qui risquent en premier de tomber dans la pauvreté, mais leurs petits-enfants. Ainsi, selon le calcul courant du taux de risque de pauvreté – soit un revenu de moins de soixante pour cent du revenu médian, ce qui correspond ici à 16 962 euros annuels pour une personne seule ou 35 620 euros pour un couple avec deux enfants –, 25 pour cent des enfants vivent en pauvreté au Luxembourg (contre seulement seize pour cent des adultes). 25 pour cent, c’est un sur quatre qui abandonne le sport parce que ses parents ne peuvent plus lui financer ni l’équipement, ni l’inscription au club ; qui devient obèse parce que ça fait longtemps que les frites et les sodas ont remplacé la salade et les pommes ; qui ne peut pas participer aux colonies de vacances de l’école parce que la participation aux frais est trop élevée ; qui ne va ni au théâtre, ni au cinéma parce que c’est trop cher. Un enfant sur quatre a d’office moins de chances de réussir à l’école que ses collègues plus riches, un enfant sur quatre signale avoir des problèmes de santé quasi tous les jours. Et comme le marqueur socioéconomique est si dominant au Luxembourg, beaucoup d’enfants considérés comme pauvres sont moins satisfaits de leur vie.

Alors bien sûr, le revenu médian est élevé au grand-duché, mais il est fortement corrélé avec le coût de la vie : logement, nourriture, habits, tout ici est plus cher qu’ailleurs en Europe. Le Liser (Luxembourg Institute of Socio-Economic Research) est en train d’établir un indice de dépravation spécifique aux enfants, qui analysera quelles dépenses en faveur d’un enfant un ménage ne peut plus assumer. Ça va des meubles à changer en passant par les vacances jusqu’à l’accès à internet. Mais déjà sans cela, on ne peut que constater que les politiques de transferts sociaux des dernières années ont échoué. Voire, pire, craindre que des décisions du gouvernement Bettel-Schneider-Braz, comme celle d’accorder la même allocation familiale à tous les enfants, sans égards au revenu des parents, sont à l’avantage des revenus plus élevés et ne contribuent aucunement à abolir ces inégalités.

josée hansen
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