Netflix vs Thermomix

d'Lëtzebuerger Land du 01.11.2019

Comme l’écrivait un philosophe, « l’homme n’est pas fait pour le travail, la preuve : ça le fatigue ». On peut raisonnablement penser que c’est à la paresse que l’homme doit l’essentiel des progrès techniques. Quelle meilleure motivation pour faire un effort que la perspective de pouvoir se mettre les doigts de pieds en éventail ?

La découverte du feu ou l’inventiovn de l’agriculture par l’homme des cavernes lui a ainsi permis de ne plus perdre des journées à entretenir des braises ou à chercher des baies comestibles au travers de contrées hostiles. Si la perspective de libérer un peu de temps pour jouer aux osselets au fond d’une grotte humide a favorisé de si grandes inventions, on imagine l’enthousiasme actuel pour les nouvelles technologies, alors que l’offre de loisirs s’accroit chaque jour. 

Le magazine Times estimait, au mois de mai dernier, qu’il y avait 32 600 heures de streaming disponibles sur Netflix. Cela représente quatre ans de visionnage en continu, ou 24 ans à raison de quatre heures par jour, ce qui semble le maximum pour toute personne estimant cette activité incompatible avec d’autres activités telles que dormir, manger, se laver, voire travailler. Où trouver encore ces quatre heures dont nous ne disposions pas auparavant ? De même que l’invention de la télévision dans les années 1920 a précédé de peu celles du lave-vaisselle et du lave-linge électriques, il faut compter sur les nouvelles technologies. S’il y a bien un domaine qui semble prometteur, c’est celui des robots domestiques, dont l’essor de l’intelligence artificielle nous promet de rentrer dans une nouvelle ère.

Si vous avez un jardin, investir dans une tondeuse robot vous épargnera environ une heure par semaine. Même chose pour un robot aspirateur, qui s’occupera du ménage avec, pour les plus perfectionnés, une fonction de lavage des sols. Tremblez poils de chat et briques Lego abandonnées. Certes, vous aurez un peu l’impression d’être entouré par des espèces d’énormes blattes électriques qui rampent autour de vous, à l’intérieur comme à l’extérieur, mais vous pouvez les programmer pour qu’elles ne fonctionnent qu’en votre absence.

Moins anxiogène, pour préparer les repas en cinq minutes, un Thermomix s’impose. Il y a forcément une personne parmi vos collègues, amis ou familles qui a déjà essayé de vous convertir à la magie de ce robot hors de prix qui vous indique pour chaque recette quels ingrédients ajouter, les pèse, les mélange, les râpe, puis les cuit. Vous en aurez pour un peu plus de mille euros, mais vous gagnerez sans doute une trentaine de minutes par jour.

Pour le reste des corvées, les prochaines innovations semblent s’orienter vers des machines à plier ou repasser le linge, qui libéreront encore peut-être quelques minutes pour vos soirées télé et encombreront un peu plus votre buanderie. Rajoutons encore les assistants vocaux, pour éviter de se lever pour allumer la lumière ou changer de station de radio. Si l’on épargne cinq secondes à chaque fois, c’est quelques minutes de gagnées à la fin de la journée. Si l’on fait les comptes, on peut tout au plus gagner une heure par jour. Bref, il reste encore des progrès à faire !

Les fans de science-fiction sont certainement un peu déçus qu’aucun androïde ne soit encore commercialisé. Le cinéma nous promettait un Terminator T-800 pour 2029 et on prétend nous vendre du rêve avec un Thermomix TM6 en 2019 ! On a encore du mal à croire que l’on est vraiment entré dans le XXIe siècle. Pas de R2D2 pour piloter votre Millenium Falcon à l’horizon. Au mieux, vous aurez un GPS amélioré branché directement sur les commandes de votre Tesla et qui fera « demi-tour dès que possible » à chaque fois qu’elle détectera un embouteillage. Ceci dit, au vu de l’état du trafic, on peut estimer qu’une véritable voiture autonome libérerait largement deux heures par jour à tout résident luxembourgeois et jusqu’à quatre heures pour tous les frontaliers, qui deviendraient alors les personnes les plus cultivées du monde. À moins que cela ne soit vraiment que de la science-fiction…

Cyril B.
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