Cité des sciences à Belval

L’État concierge

d'Lëtzebuerger Land vom 13.03.2015

Quinze ans que ça dure – et soudain, tout doit aller très vite. Il y a quinze ans, le gouvernement CSV-DP décida de faire de la reconversion des friches industrielles sa priorité politique numéro un et d’y investir un milliard d’euros pour la construction d’infrastructures publiques, culturelles et éducatives. Il y a dix ans ouvrit la Rockhal, premier bâtiment achevé sur le site. Mais, depuis lors, les relations entre propriétaire et utilisateurs n’ont jamais été clarifiées. À qui appartiennent les bâtiments érigés sur le site avec l’argent public ? D’ici l’achèvement des principaux chantiers des équipements de l’État à Belval, en 2017, il y en aura 21 – occupés par seize acteurs publics différents, plus des sous-locataires privés.

Chaque locataire, ne serait-ce que d’un studio ou d’un emplacement de parking, sait les emmerdes qu’il traverse pour faire réparer une porte, isoler une fenêtre ou remplacer un robinet, impliquant d’interminables négociations avec le propriétaire pour savoir qui est en charge. Et surtout : qui paye les réparations, propriétaire ou locataire ? Depuis dix ans, le ministre des Travaux publics, Claude Wiseler (CSV) ne prenait pas de décisions claires sur le sujet. Qu’adviendra-t-il des bâtiments achevés et mis à disposition des acteurs publics ? Qui est en charge d’assumer les missions du propriétaire ? L’Administration des bâtiments publics, qui gère la majorité des infrastructures publiques à travers le pays, était plus que réticente pour reprendre cet important parc immobilier à Belval.

Or, le Fonds Belval, établissement public agissant comme maître d’ouvrage pour le compte de l’État sur la friche, ne devait avoir qu’une durée de vie limitée (comme ce fut d’ailleurs imaginé pour le Fonds Kirchberg dans les années 1960) et cesser d’exister après la fin de tous les chantiers, c’est-à-dire après quinze ou 25 ans. L’actuel ministre du Développement durable et des Infrastructures, François Bausch (Déi Gréng), vient de déposer le projet de loi tant attendu étendant les missions du Fonds Belval à la fois en ce qui concerne les charges à assumer et le périmètre géographique. Dorénavant, le Fonds pourra aussi construire des équipements publics sur d’autres friches – ce qui serait prioritaire par exemple sur la lentille Terres Rouges, en mauvais état –, et surtout assumera les missions de gérance, de transformation, de modernisation, de maintenance et d’exploitation des infrastructures publiques.

L’urgence du projet de loi est liée à l’Université du Luxembourg. Depuis que le gouvernement a décidé que l’Université ne serait pas en charge de la gestion de ses équipements, il était devenu urgent de trouver une solution. Car les travaux de déménagement ont commencé en début d’année, les responsabilités et les charges doivent être clarifiées avant l’accueil des premiers étudiants à la rentrée d’automne. La loi doit passer le parlement dans les prochaines semaines. Elle chiffre l’entreprise : 19 millions d’euros par an à partir de 2018. Un peu moins avant. C’est énorme. Pour ce prix-là, le Fonds Belval prendra en charge la consommation d’énergie et l’entretien constructif et courant des surfaces communes, mais aussi les frais d’exploitation, comme le gardiennage, la sécuritr, l’information ou la location d’espaces comme les parkings du site ou le centre de congrès de l’Uni.lu.

Dans le projet de loi, on lit des phrases comme « il est donc nécessaire, pour optimiser la rentabilité de cet investissement, de veiller à une exploitation active et commerciale de l’infrastructure » (du centre de congrès, ndlr. ; p.12). Alors que le précédent gouvernement, de centre-droite, voyait la solution de la maîtrise des coûts des équipements publics dans le private-public partnership – qui n’a été appliqué que pour le campus scolaire de Mersch, sans qu’une évaluation publique sur les possibles économies n’ait été réalisée jusqu’à présent –, il est intéressant qu’un gouvernement libéral de centre gauche ne jure que par une structure centralisatrice, qui a par ailleurs aussi des visées commerciales.

josée hansen
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