Harcèlement sur une employé handicapé de l'administration judiciaire

Le petit chef

d'Lëtzebuerger Land vom 29.10.2009

C’est une histoire de harcèlement inouïe, de violence extrême au travail sur un collègue handicapé. Pendant au moins trois ans, celui-ci a vécu un véritable calvaire sans que les autres employés ne s’en rendent compte ou n’osent broncher – peut-être aussi parcequ’ils étaient soulagés qu’un autre servait de paratonnerre. Les deux protagonistes étaient affectés au service des photocopies de l’administration judiciaire. Se comportant comme le maître des lieux – conduite justifiée par le simple fait qu’il avait plus d’ancienneté queles autres – il faisait régner la terreur dans ce microcosme de la photocopie.

Le bourreau avait pris l’habitude de piéger sa victime dans les anciens locaux de la Cour supérieure de justice, plus précisémentaux toilettes du rez-de-chaussée, dans une annexe du local des photocopies, dans un bureau réservé aux enquêtes et aux expertiseset à la cave où se trouvent les archives. Deux à trois fois par semaine.Il a été condamné pour attentats à la pudeur et viols.

Les humiliations subies par le jeune handicapé ont été insupportables à tel point qu’il a sombré dans la dépression et l’alcool. Il a notamment été forcé de poser en petite tenue devant l’objectif de l’appareil photo de son oppresseur. Pendant son travail, celui-ci le mettait au pas en l’insultant, en dénigrant son travail et en le menaçant de procédures disciplinaires. Terrorisée, la victime n’osait pas se défendre lorsque commencèrent les avances, les attouchements, les fellations. D’emblée, il lui avait bien fait savoirque l’homosexualité « n’était pas son truc », mais cette informationne sembla pas avoir été interprétée par son soupirant comme un refus clair et net. L’avocat de l’accusé plaida devant les juges que la victime n’avait jamais manifesté d’opposition, qu’elle avait participé volontairement aux actes sexuels et qu’elle ne s’était pas trouvée sous l’emprise morale de son client. Celui qui se jugeait être son supérieur hiérarchique lui avait d’ailleurs aussi fait croire qu’il était son protecteur. Or, l’expertise psychiatrique a été formelle : la victime souffrait « d’un extrême manque de confiance, d’uneabsence totale de capacité à s’imposer et d’un sentiment de dépendance vis-à-vis de ses supérieurs, d’où son impossibilité de se défendre contre les avances et exigences sexuelles » de son agresseur. Et l’expertise effectuée sur l’agresseur n’a pas détectéde déficience intellectuelle qui permettrait de conclure qu’il n’avait pas été à même de s’en rendre compte.

Le tribunal en a conclu qu’il avait bien conscience qu’il était en traind’abuser de sa victime. Le « climat d’angoisse permanente » qu’il avait instauré au service des photocopies rendait toute résistance impossible. Les juges sont d’avis que cette « manipulation mentale » a permis l’assouvissement de ses désirs sexuels. Il a profité de sa vulnérabilité et « l’a progressivement déstabilisé, le mettant sous son emprise, lui retirant en cela toute parcelle de liberté. Il lui a retiré toute capacité de résistance, tout sens critique pour abuser contre songré, » notent-ils dans le jugement rendu le 15 octobre. Les faits sont « d’une gravité indiscutable », poursuivent-ils, et le fait que la victime n’avait pas été en mesure de se défendre « amplifie encore davantage le caractère répugnant des infractions ». 

Après une pitoyable déclaration comme quoi il était en traitementpsychiatrique et avait « réussi de se défaire de son homosexualité », le tribunal s’est montré clément en retenant que l’inculpé avait fait preuve de remords sincères et qu’il n’était pas indigne de son indulgence – une peine de prison de quatre ans avec sursis intégral. Il devra payer 10 152,30 euros à sa victime et il lui est défendu de l’approcher pendant cinq ans. Pendant cette période-là, il ne pourra par exemple pas remplir des fonctions, emplois ou offices publics ou enseigner ou être employé dans une école. 

Il risquait une peine maximale de cinq ans de prison ferme. Les juges ont sans doute estimé à raison que l’incarcération ne pourrait plus rien changer à la situation. Mais mesuré à cette aune, l’argument est tout aussi valable pour une bonne partie des détenus de Schrassig.

anne heniqui
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