Récidive de la part des juges de la Cour constitutionnelle qui viennent de se prononcer pour la seconde fois quant à la constitutionnalité, ou plutôt l'inconstitutionnalité des règlements ministériels. Sans surprise, les juges de la juridiction suprême ont retenu vendredi dernier que « l'article 12, § 7, point 1, alinéa 2 de la loi modifiée du 14 février 1995 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques est contraire à l'article 36 de la Constitution ». Après avoir déclaré, en mars de cette année, non conforme à la Constitution le règlement ministériel fixant le programme et la procédure de l'examen de maîtrise dans l'exercice des métiers, les juges n'ont cette fois-ci point laissé de doute à la portée générale de leur premier arrêt en la matière (cf. d'Letzebuerger Land n° 44/98, article « Risque d'anomie »). L'article 36 de la Constitution, dont le caractère non-équivoque est souligné par les magistrats, s'oppose à ce qu'une loi attribue l'exécution de ses propres dispositions à une autorité autre que le Grand-Duc : « dans la mesure où une loi prévoit son exécution par voie de règlement ministériel, elle est contraire à l'article 36 de la Constitution ». Le ministre de la Justice. Luc Frieden, qui prétendait lors du premier arrêt qu'il s'agissait « d'une décision isolée, ne se rapportant qu'à un seul cas très précis » se trouve ainsi définitivement contredit dans son estimation et doit se faire à l'idée que la décision de la Cour constitutionnelle s'applique de facto à tous les règlements et arrêtés ministériels ainsi qu'aux règlements du gouvernement en conseil. Le ministre doit trouver d'urgence une solution, car la totalité des réglementations décidées discrétionnairement par le gouvernement ou un de ses membres est actuellement sujette à être déclarée inconstitutionnelle. Il est un fait que la Cour constitutionnelle ne peut se prononcer qu'au cas par cas, qu'elle n'est pas habilitée à rendre des arrêts ayant une portée générale. Mais, l'organisation de la Cour constitutionnelle prévoit aussi qu'une juridiction peut être dispensée de saisir la Cour constitutionnelle si celle-ci « a déjà statué sur une question ayant le même objet ». La formulation de l'arrêt de la Cour ne laisse pas de doute quant à sa portée implicitement générale que les juges des autres juridictions peuvent difficilement ignorer. Ce qui avait amené le président du Tribunal administratif, Georges Ravarini (cf. Pasicrisie luxembourgeoise n° 1/98) à mettre en garde devant une multitude de recours possibles sur base d'anticonstitutionnalité d'un règlement ministériel : En 1997, pas moins de 131 règlements, arrêtés ou règlements du gouvernement en conseil ont été publiés au Mémorial touchant une ribambelle de domaines. Le récent arrêt risque de surcroît de connaître un écho beaucoup plus large, étant donné qu'il déclare non constitutionnel le règlement ministériel déterminant les conditions d'utilisation de contrôle et de vérification des appareils de dépistage de l'alcoolémie au volant. En d'autres termes, l'éthylomètre ne pourrait plus être produit comme preuve devant les tribunaux. Le parquet général et le parquet de Diekirch ont certes immédiatement réagi, soutenant que l'article incriminé renvoie expressément à un règlement grand-ducal d'exécution et que dès lors, « les systèmes de dépistage de la conduite d'un véhicule dans un état alcoolique prohibé par la loi gardent [leur] caractère de légalité ». Il appartiendra cependant aux juges des tribunaux saisis de trancher cette affaire ou de saisir... une fois de plus, la Cour constitutionnelle.
marc gerges
Kategorien: Institutionen
Ausgabe: 29.10.1998