Cette semaine, les élèves du Maacher Lycée prenaient possession de leurs nouveaux locaux, immaculés. Polaris, les architectes de l’annexe, ont autant travaillé sur l’espace extérieur que sur l’intérieur

Bancs sur blanc

d'Lëtzebuerger Land vom 27.02.2015

« Ce que je voudrais vraiment, c’est que maintenant, les enseignants et les élèves s’approprient ce lycée. Parce qu’en fait, le bâtiment n’est jamais qu’un support ! » lance Carole Schmit, conceptrice, avec François Thiry, de la nouvelle annexe du Maacher Lycée. Nous sommes une semaine avant l’ouverture, avant que les quelque 900 élèves du lycée prennent possession des salles de classe qui remplacent le bâtiment provisoire en bois qui leur a servi d’école durant trois ans, le temps du chantier. Dans les allées d’une blancheur douce, murs, armoires, meubles conçus sur mesure pour aller avec la façade en plaques d’ardoise artificielle dans différents tons de blanc, arrangées selon un calepinage très précis. Les derniers ouvriers en costume rouge feu ou bleu ciel font comme un ballet de couleurs à la Bob Wilson. Le site est désert, en pleines vacances scolaires, ne serait-ce que pour l’une ou l’autre technicienne de surface qui vaque à ses charges habituelles.

Le Maacher Lycée est en quelque sorte l’antithèse du Lënster Lycée. Ouvert en septembre, le Lycée de Junglinster a coûté le prix « normal » d’un lycée au Luxembourg : 105 millions d’euros pour 37 000 mètres carrés. Et, surtout, G+P Muller Architectes ont conçu un bâtiment qui joue sur une approche « ludique » de l’école, essayant de la rendre attractive avec des couleurs gaies – du jaune et de l’orange vifs en éléments de façade. Rien de tout cela à Grevenmacher. Ici, le blanc prend le contre-pied de cette propension à vouloir par force créer une ambiance de préscolaire dans un lycée ; il uniformise et fonde un espace public commun à tous, capable de plaire aux élèves comme aux enseignants.

Plusieurs grands défis attendaient les architectes au début du chantier : il fallait construire assez vite (le chantier n’a duré que trois ans) une annexe sur un site difficile, en plein centre-ville, dans un quartier résidentiel de surcroit, et en forte pente. Sur le même site se trouvaient déjà une école fondamentale dans un bâtiment historique et un bâtiment conçu par Alain Kugener, architecte local, dix ans plus tôt et qui allait rester en fonction. L’ancien bâtiment principal du Maacher Lycée, construit à la fin des années 1960, était vétuste et irrécupérable. Le nouveau devait prendre son emprise sur ce même site. « Nous voulions créer un seul et unique campus à partir de ces éléments disparates, explique François Thiry. C’est pourquoi nous avons soigné les espaces extérieurs. Nous les avons traités comme des espaces publics. » Des matériaux de base, comme les éléments de façade en plaques d’ardoise artificielle où les carrelages sont utilisés avec une extrême précision dans les grilles, les dessins utilisés à l’extérieur continuant ceux de l’intérieur. « On a sculpté les volumes sur la maquette, jouant sur la hauteurs de corniche par exemple, pour éviter des volumes trop massifs », indique François Thiry. Bien que, du rez-de-chaussée de l’ancien bâtiment on arrive, par la passerelle, de plain pied au troisième étage du nouveau bâtiment, tellement la pente est forte, il fallait créer ce sentiment d’unité par les moyens de l’architecture.

Car, deuxième difficulté du chantier : le budget était extrêmement serré. En tout et pour tout, honoraires, mobilier et équipements techniques compris, cette annexe (sans salles de sports ou de cantine, qui se trouvent dans le deuxième bâtiment, mais avec une grande salle des fêtes au dernier étage, accessible directement par l’extérieur) aura coûté 29,5 millions d’euros pour 13 000 mètres carrés. Soit, en budget de construction, moins de 1 300 euros par mètre carré brut, « difficile de faire moins cher » affirme François Thiry. Les économies ont été réalisées sur le choix de matériaux, tous assez rudimentaires mais utilisés avec soin, ou sur les volumes, aussi compacts que possibles, notamment en ce qui concerne leur hauteur. Le plus impressionnant est que rien dans ce bâtiment ne donne l’impression d’austérité. Au contraire : les salles de classe classiques, les « niches pédagogiques » imaginées par les architectes dans chaque département, les ateliers pratiques, les couloirs et les salles communes – tout ici est pensé et réalisé avec soin pour le détail et toujours avec une touche d’originalité.

Ce qui semble devenir de plus en plus difficile, avec des cahiers des charges complexes de par leurs instructions techniques, notamment en ce qui concerne l’isolation, la climatisation ou l’inertie énergétique. Mais Polaris est allé au-delà de ces instructions concernant notamment la domotique ou le ventilation (mécanique et automatique) des salles de classe. Ils ont aussi travaillé sur des détails aussi inattendus que l’acoustique des couloirs – par l’utilisation de blocs massifs mélangés à de l’argile, simplement repeints de différentes couleurs ou des surfaces verticales micro-perforées qui absorbent le bruit –, ou la luminosité dans la salle des profs ou dans les salles d’enseignement, où le blanc domine aussi pour refléter au maximum la lumière naturelle. Les longs couloirs qui donnent sur les salles de classe se différencient par des dessins aux murs, indiquant, avec des éléments graphiques simples, si on se trouve dans le bloc scientifique, l’aile artistique ou le couloir des maths. Les murs sont rythmés par des vitrines illuminées de l’intérieur, qui permettront aux enseignants et aux élèves de personnaliser leurs espaces respectifs avec des objets qui leur semblent importants.

« C’est aussi un moyen de casser cet anonymat des grands bâtiments, de donner une orientation discrète dans un bâtiment où, par ailleurs, tout se ressemble », concède Carole Schmit. Cette élégance discrète se retrouve dans le soin de tous les détails – les dessins graphiques aux plafonds, voire même l’équipement des sanitaires ou des ateliers. Si la maison géométrique blanche est actuellement la norme de la maison de luxe, il est certain que le Maacher Lycée, longtemps à la traîne côté renommée par rapport à ses concurrents d’Echternach ou, nouvellement de Junglinster, reprend du poil de la bête dans son écrin de luxe.

josée hansen
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