Sans « le cas Reding », peut-être que l’on n’en parlerait pas du tout, de ces élections européennes, qui se tiendront partout en Europe entre le 4 et le 7 juin. Au Luxembourg, le vote se fait le même jour que les élections législatives, le 7 juin, et son enjeu se fait toujours éclipser par l’échéance nationale dans le débat. La polémique qui entoure la candidature de la commissaire européenne en tant que tête de liste du CSV et son annonce de préférer un troisième mandat à Bruxelles à un siège à Strasbourg (d’Land, 20 février 2009) aura au moins fait parler de ces élections mal aimées des Luxembourgeois.
Pourtant, comme s’acharnent à le souligner tous les politiques nationaux ainsi que les députés européens actuels, l’importance de la politique européenne ne cesse de croître, les directives encadrant de plus en plus les législations nationales. Pour les Luxembourgeois, cette échéance européenne présente deux nouveautés : d’une part, les quatre grands partis politiques (CSV, LSAP, DP et Verts) présentent des listes séparées de celles des élections nationales, et de l’autre, les électeurs n’auront plus à choisir que parmi six candidats. Le vote étant obligatoire, beaucoup de gens ne vont probablement découvrir les noms de candidats qu’au moment d’entrer dans l’isoloir. Pour les citoyens ressortissants d’un des pays membres de l’Union européenne, qui, selon le traité de Maastricht de 1992, ont aussi bien le droit de vote actif que passif, la démarche doit pourtant être plus active : ils doivent s’inscrire sur les listes électorales. Une modification de la loi électorale à la dernière minute, entrée en vigueur le 19 décembre 2008, a permis de rouvrir ces listes, qui, selon l’ancienne loi étaient clôturées quatorze mois avant l’échéance, donc en avril 2008 déjà. En début de cette année, les communes ont donc dû relancer, à la hâte, les inscriptions, et ce jusqu’au 12 mars – il ne reste plus que treize jours pour le faire.
Or, comme par le passé, les citoyens européens sont plutôt réticents à un tel engagement. Ainsi, à Esch-sur-Alzette, il y eut quelque 690 inscriptions l’année dernière, on y aurait dépassé la barre des 700 aujourd’hui. À Luxembourg-ville, on comptait plus de 2 500 inscriptions de non-Luxembourgeois en début de semaine. En 1999, première échéance où cette possibilité s’est présentée, il y eut 9 811 inscriptions. Les 11 715 électeurs originaires des quatorze pays membres de l’Union de l’époque inscrits à l’échéance de 2004 représentaient alors un taux de neuf pour cent des plus de 132 000 ressortissants communautaires résidant alors au grand-duché (chiffres : Sesopi-CI). Une inscription reste valable aux prochaines échéances et implique l’obligation de voter, jusqu’à la demande du citoyen d’être rayé de la liste. Les conditions d’inscription ont également été révisées fin 2008 : désormais, il suffit de deux années de résidence pour le droit de vote actif, contre cinq pour le droit de vote passif, donc pour se porter candidat.
Alors que les syndicats et organisations de défense du droit des étrangers s’inquiétaient, dans un avis commun sur le projet de réforme de la loi électorale, que la réduction du nombre de candidats par liste risquait de « sonner le glas des candidatures étrangères », et que l’Asti s’offusquait de la limitation du nombre de candidats communautaires par liste à deux (il ne peut dépasser la moitié), on constate en fait une augmentation du nombre de candidats non-Luxembourgeois. Avec le Français Claude Frisoni, directeur de l’Abbaye de Neumünster, au LSAP, et la Portugaise Tania Matias, secrétaire syndicale, au CSV, les deux grands partis présentent chacun une candidature européenne, contre zéro sur douze en 2004. Comme en 2004, les Verts ont une seule candidate non-Luxembourgeoise, Maria Mendel-Ramalho, Portugaise. Les autres partis n’ont pas encore publié leurs listes.
Le défi de faire participer plus de citoyens européens aux élections du 7 juin a tout d’un sprint : après le vote en dernière minute de la réforme, il fallait non seulement organiser l’accueil des intéressés dans les communes, mais aussi faire connaître cette nouvelle possibilité dans la communauté visée – et tout ça en moins de trois mois. Le 21 janvier, le ministère de l’Intérieur a envoyé, en collaboration avec le syndicat des communes Syvicol, une circulaire aux administrations communales les appelant à collaborer au mieux à cette entreprise. « Il est à prévoir, y lit-on, que, suite aux nouvelles dispositions légales et grâce à la sensibilisation et à l’information des intéressés, de nombreux ressortissants communautaires viendront présenter une demande d’inscription. » Les communes y sont invitées à ouvrir leurs bureaux les samedis et de se faire le relais de la campagne de sensibilisation.
Certaines, comme la Ville de Luxembourg (« Je vis ici, je m’inscris pour voter ici ») ou celle d’Esch (« Pour qu’on t’écoute, inscris-toi ! ») ont lancé leurs propres campagnes, tout comme le CSV, qui publie actuellement des annonces avec le slogan « Je vis en Europe. Je vote pour l’Europe ». Afin de toucher la population internationale et, accessoirement, avoir un réservoir de candidats pour les communales de 2011, où les non-Luxembourgeois sont également admis au vote, le parti vient même de créer une section internationale.