La mise de l’espace
SES et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont présenté mercredi les modalités du plus gros prêt jamais consenti par le bras financier de l’Union européenne à une entreprise luxembourgeoise. L’opérateur de satellites basé à Betzdorf (photo : sb) lève 300 millions d’euros auprès de l’institution financière basée au Kirchberg pour financer l’acquisition de trois satellites qui seront mis en exploitation en 2024. Ils sont construits par la firme européenne Thales Alenia Space. Deux d’entre eux appartiennent à la classe des satellites de nouvelle génération capables de reconfigurer leurs services en fonction des besoins des clients. Initialement destinés à une activité vidéo (pendant longtemps vache à lait de SES), ils pourraient se vouer au transfert de données internet selon les opportunités du marché.
Cette confiance (inédite par son ampleur) de la BEI en les affaires de SES (et indirectement celles de Thales) matérialise aussi l’engagement politique de l’Union européenne dans le spatial. Par les capitaux injectés dans ce type de projet, les États membres et la Commission souhaitent s’assurer une souveraineté dans l’espace, notamment face aux investissements consentis par les États-Unis et la Chine. pso
« Verdissement »
Le Statec a publié cette semaine un communiqué au titre triomphal : « L’économie verte devient plus dynamique que l’économie dans son ensemble ! ». On y lit que « l’emploi vert » aurait plus que doublé entre 2017 et 2020 pour atteindre 22 454 équivalents temps plein, soit 4,7 pour cent de l’emploi total national. La valeur ajoutée aurait, quant à elle, « presque triplé » depuis 2008, « l’économie verte » atteignant trois pour cent du PIB en 2020. Or, ce « découplage » de l’économie verte est surtout dû à un secteur économique : la construction. Ce sont les nouvelles exigences énergétiques, applicables depuis 2016 pour les nouvelles constructions résidentielles (photo : sb), qui ont accéléré le verdissement des statistiques. Le Statec note ainsi que 68 pour cent de la croissance de l’économie durable est liée « à la construction de maisons passives ». Arrivent ensuite les services de gestion des eaux usées et des déchets, ainsi que le recycling. L’agriculture bio a connu, quant à elle, une augmentation linéaire de sept pour cent entre 2019 et 2020. Elle ne représente que 5,2 pour cent des surfaces agricoles. Le gouvernement affiche comme objectif de quadrupler ce taux et d’atteindre les vingt pour cent d’ici 2025. bt
« Survivre »
Ce samedi, 14 janvier, la filiale Naturata à Steinsel fermera ses portes, à peine neuf mois après les avoir ouvertes. C’est le premier repli de la chaîne bio depuis 1989. Doté de 500 mètres carrés de surfaces de vente, le magasin de Steinsel était le quatorzième du réseau ; il avait ouvert en avril 2022, c’est-à-dire moins de deux mois après le début de la guerre en Ukraine. Änder Schanck (photo : sb), le fondateur et spiritus rector du groupe Oikopolis, parle d’une question de « survie » : « De Puffer geet net onendlech, iergendwann muss een un de Speck ». Dans toute l’Europe, la guerre et l’inflation ont entraîné le secteur bio dans une crise profonde. Ce serait « déi schwieregst Zäit, déi ech bis elo matgemaach hunn », dit Schanck, qui ne veut exclure d’autres fermetures, « on regarde à gauche et à droite, nous examinons tout, nous allons économiser, nous voulons survivre. » Au début de la pandémie, Naturata battait encore tous ses records et engrangeait des beaux bénéfices (442 790 euros en 2020), les confinements et l’épargne forcée incitant les ménages à dépenser plus pour la nourriture. Mais les difficultés de Naturata devenaient nettement perceptibles dès 2021, lorsque la chaîne accusait une perte de 1,3 million d’euros. L’inflation n’a pas arrangé les choses. Selon le Statec, les prix alimentaires ont augmenté de onze pour cent sur une année. Il sera également intéressant de voir comment Cactus, dont le chiffre d’affaires est vingt fois supérieur à celui de Naturata, se tirera d’affaire. Pour 2021, le groupe affichait un résultat après impôts de 59 807 892 euros, un profit entièrement reversé aux actionnaires sous forme de dividendes. Les comptes annuels de 2022, normalement publiés en juillet, nous renseigneront sur l’atterrissage. bt
« Bénéfice raisonnable »
La Cour constitutionnelle vient de démonter la loi sur les baux commerciaux de 2018. Dans un arrêt tombé le 23 décembre, les juges estiment que le plafonnement des prix de la sous-location constituait « une restriction disproportionnée », empêchant de percevoir « un bénéfice raisonnable », et exigent « une intervention réparatrice du législateur ». À l’origine de ce retournement, une affaire de bail plaidée devant le Tribunal de Paix d’Esch-sur-Alzette en 2022. Vingt ans plus tôt, une société avait pris en location un local commercial pour un loyer mensuel de 7 950 euros. Ce local, elle le sous-loua ensuite à un commerçant pour 16 000 euros, soit plus du double. (En 2018, le loyer se réduit, mais le différentiel s’amplifie : 5 000 euros à la location contre 14 500 à la sous-location.) Le sous-locataire finit par se rebiffer, et exigea le recouvrement du montant qu’il estimait avoir payé en trop. (La loi sur le bail commercial était entretemps entrée en vigueur. Elle stipule que le loyer de sous-location ne peut être supérieur au loyer de location, « sauf en cas de sous-location où des investissements spécifiques à l’activité du sous-locataire ont été effectués par le preneur ». Le gouvernement voulut ainsi « assécher un commerce de la sous-location qui s’est développé ces dernières années surtout à Luxembourg-Ville », en luttant contre les opérations spéculatives. Les juges de la Cour constitutionnelle estiment qu’il s’agit là d’un « but d’intérêt général qui justifie l’intervention du législateur ». Mais, il ne faut rien exagérer, préviennent-ils. Une mesure comme le plafonnement du prix de la sous-location, devrait être « adéquate et proportionnée ». Or, elle ne le serait pas, puisqu’une telle limitation empêcherait le premier locataire (celui qui loue pour sous-louer) de couvrir ses « frais d’exploitation, notamment les frais généraux et les frais administratifs, et de percevoir un bénéfice raisonnable sur l’opération économique en cause ». Cette jurisprudence déclare donc la loi comme non conforme à la Constitution. Retour à la case départ. Aux législateurs de définir ce qu’est un « bénéfice raisonnable » pour une opération économique déraisonnable. bt
Fêter la voiture
Environ 53 700 nouveaux véhicules ont été immatriculés l’année passée, dont 42 092 voitures et 4 000 camionnettes. Ce chiffre a été présenté mercredi par Manuel Riggiu, directeur de la Société nationale de circulation automobile, lors d’une conférence de presse sur l’Autofestival. C’est avec des sentiments mitigés que le secteur anticipe le festival 2023 : si l’inflation et les prix de l’énergie retardent les décisions d’achat, les chiffres de vente restent relativement élevés par rapport aux pays voisins. Les clients resteraient incertains et se demanderaient s’il y avait déjà suffisamment de stations de recharge pour les voitures électriques. L’intérêt pour celles-ci augmente cependant : elles représentent quinze pour cent des nouvelles voitures immatriculées, souvent achetées en leasing. (Sur l’ensemble du parc automobile, qui compte environ 500 000 véhicules, elles ne représentent que trois pour cent). La part des voitures diesel est en baisse depuis 2019, et se situe actuellement à 35 pour cent ; bientôt, elles ne seront plus en tête de liste. Désormais un véhicule nouvellement immatriculé sur deux est à essence. Autre constat qui a été présenté hier : la charge en CO2 des nouveaux modèles diminue. Alors qu’elle était encore de 160 grammes par kilomètre en 2019, elle est désormais de 120. Vers la fin de la conférence de presse le président de la Fédération des Distributeurs Automobiles et de la Mobilité, Philippe Mersch, rappelait le charactère tant folklorique qu’économique du festival depuis les annés 1960 : « Den Autosfestival ass a bleift e klengen Deel vun der Lëtzebuerger Normalitéit. » sm
Think tank
Avec un retard à l’allumage d’une décennie par rapport au patronat, les syndicats ont enfin lancé, ce jeudi, leur fabrique à idées. À l’inverse d’Idea, excroissance de la Chambre de commerce, la nouvelle « plateforme de réflexion » de la Chambre des salariés, baptisée « Improof », fonctionnera principalement avec des experts internes, épaulés par des « intervenants externes, tant nationaux qu’internationaux ». (La chambre patronale dispose, il est vrai, d’autres moyens : elle investit presqu’un million d’euros par an dans Idea.) La plateforme Improof se proclame autonome, même si son comité de coordination est jusqu’ici exclusivement composé d’employés de la CSL. La volonté d’ouvrir le débat est pourtant manifeste. Parmi les auteurs du blog, on retrouve ainsi l’ancien directeur de l’Administration de contributions directes, Guy Heintz, ainsi que la présidente du Mouvement écologique, Blanche Weber. Dans sa première contribution, celle-ci met les pieds dans les plats : « Die Klärung der Frage, wie Umweltsteuern eingeführt werden können, die sozial gerecht sind und nicht am Indexsystem scheitern, darf von niemandem mehr hinausgezögert werden », écrit-elle. Improof pourrait donc ouvrir un canal de discussion entre organisations syndicales et environnementales. bt