Ticker du 2 decembre 2022

d'Lëtzebuerger Land du 02.12.2022

Franz au pays des chaebols

Le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), a endossé ses habits de voyageur de commerce. Durant la moitié de la semaine, il a parcouru la Corée, accompagné par le Grand-Duc héritier et entouré par une pléthore de représentants patronaux. Les communiqués officiels permettent de suivre ces déplacements harassants : Signatures de protocoles d’accord et d’entente (l’un sur l’innovation, l’autre sur les ressources spatiales), inaugurations officielles (d’une fabrique érigée par la société Rotarex, « détenue intégralement par des actionnaires privés luxembourgeois », précise le communiqué), entrevue bilatérale « de courtoisie » (avec le ministre des PME et des start-up, le Lex Delles coréen), visites chez les maison-mères (Circuit Foil) et enfin passage au War Memorial où le Grand-Duc héritier a honoré les 85 volontaires luxembourgeois : « À leur échelle, ils ont contribué à la réussite de la Corée, à l’émergence d’une nation qui est devenue un partenaire commercial ». Vis-à-vis de ses hôtes, le ministre luxembourgeois a insisté sur l’importance de travailler avec des pays qui partagent « les mêmes valeurs et objectifs à long terme ». Les temps de l’opportunisme mercantiliste de Krecké et Schneider seraient-ils révolus ? (Le Luxembourg ouvrira une ambassade à Seoul en 2023.) Potentiellement plus lucratif : « Un dîner de travail avec les principaux investisseurs industriels coréens ». Mercredi, la délégation luxembourgeoise a continué sa mission asiatique, s’envolant vers Osaka (Japon). Au programme : Une autre « cérémonie officielle de signature », cette fois-ci pour l’Exposition universelle 2025. Le communiqué du ministère estime que « cette signature constitue une étape importante dans la formalisation de la participation » et cétéra. bt

Deux (2)

Ce lundi à la commission des finances, le gouvernement a déposé en dernière minute son amendement visant à exclure le gaz et le nucléaire de la taxe d’abonnement (Tabo) réduite pour les fonds d’investissements « verts ». (En décembre 2020, le Luxembourg avait calqué cet incitatif fiscal sur une taxonomie dont les contours restaient encore très flous.) Déroger au level-playing field, et ne serait-ce que pour préciser un avantage fiscal, il n’en faut pas tant pour rendre nerveux les politiciens luxembourgeois. Laurent Mosar (CSV) critique le « gold plating » : « Nous allons plus loin que ce que nous devons faire. Par le passé, le Luxembourg avait 75 pour cent de tous les fonds, aujourd’hui, on est tombé à 53 pour cent », dit-il, et met en garde contre le concurrent irlandais. De son côté, le député vert, François Benoy, célèbre sur les réseaux sociaux une victoire « contre le greenwashing sur la place financière ». Or, le représentant du ministère des Finances a quelque peu douché les espoirs des Verts : Seulement deux (sic) fonds auraient jusqu’ici déposé une demande pour bénéficier de la taxe d’abonnement réduite. bt

A Paler Shade of Green

Issu d’une collaboration entre une dizaine de médias européens (dont Le Monde et le Handelsblatt mais également le Wort et Luxembourg Times), une enquête interroge, de nouveau, sur la crédibilité des fonds « durables » (article 9, c’est-à-dire la catégorie la plus sévère). 46 pour cent de ces fonds dits « super-verts » ou « dark green » investissent dans des énergies fossiles, selon l’investigation. (Avec 43 pour cent, les 673 fonds « super-verts » au Luxembourg ne dérogent pas à la tendance.) Lorsqu’on regarde les montants, l’image est un peu moins désastreuse : Moins de deux pour cent du total des avoirs de ces fonds sont investis dans le pétrole, le gaz ou le charbon : 1,4 pour cent en moyenne européenne, 1,6 pour cent au Grand-Duché. Interrogé par le consortium journalistique, Blackrock, le plus grand gestionnaire d’actifs mondial, explique investir dans des firmes « which are engaged in alternative energy […] and derive at least 25 per cent of revenues from sustainable businesses ». Sycomore Asset Management, qui domicilie également un fonds « super-vert » au Luxembourg, déclare au Wort favoriser les entreprises avec un « glaubwürdiger Übergangspfad ». Les exigences réglementaires se durcissent l’année prochaine, et certains gestionnaires dégradent préventivement leurs fonds d’article 9 (vert foncé) à article 8 (vert pâle). bt

Le fruit du marchandage

Pierre Gramegna a effectué hier sa rentrée à la tête du Mécanisme européen de stabilité (ESM selon le sigle en anglais). L’ancien ministre des Finances, 64 ans, reprend du service tout juste six jours après avoir été nommé par ses anciens pairs de la zone euro et onze mois après avoir cédé les rênes de la rue de la Congrégation à sa nouvelle partenaire de parti Yuriko Backes. Le ministre libéral bénéficie d’un retournement inattendu. Selon le media conservateur Il Foglio et le média économique allemand Handelsblatt, Pierre Gramegna serait l’objet d’un marchandage politico-économique entre l’Allemagne et l’Italie, la monnaie d’échange pour s’offrir l’assurance d’un ESM dépourvu d’ambition contre le rachat d’une compagnie aérienne, Ita Airways, en détresse.

Le 19 septembre, le sort du candidat du Grand-Duché semblait scellé. Le Luxembourg et le Portugal, en concurrence pour placer leur poulain à la tête du fonds de secours doté de 500 milliards d’euros, jetaient l’éponge face à l’impossibilité de réunir les 80 pour cent des suffrages nécessaires, l’Allemagne, la France et l’Italie ne s’entendant pas sur un nom. Mais l’élection, le 26 septembre, de la candidate d’extrême droite, Giorgia Meloni, à la présidence du gouvernement italien a bouleversé l’équilibre des forces. D’abord, selon le Handelsblatt, Mario Draghi nourrissait une aversion personnelle envers Pierre Gramegna (photo : Conseil européen). Est-ce pour cette raison que la tentative de lobbying du Luxembourg auprès de l’ancien président de la Banque centrale européenne n’a pas porté ses fruits ?

Ensuite, le nouveau ministre de l’Économie, Giancarlo Giorgetti, s’est rapproché de son homologue allemand, Christian Lindner, dans une volonté de s’assurer à court, moyen et long termes les bonnes volontés de la première économie européenne, l’endettement italien menaçant le bloc économique. Trois jours avant son déplacement, l’Italien a viré sa cuti et offert son soutien à Pierre Gramegna, « le premier choix » de l’Allemagne. « Pierre Gramegna steht für stabile Staatsfinanzen und marktwirtschaftliche Grundüberzeugungen », a ainsi dit Christian Lindner. Ce lundi, la presse internationale relate qu’un consortium impliquant principalement Lufthansa pourrait reprendre la compagnie Ita Airways, née sur les cendres d’Alitalia (déclarée en faillite en 2021), exsangue et à la recherche d’argent frais. Pour la petite histoire, Mario Draghi penchait plutôt pour une cession de la compagnie aérienne nationale à une alliance capitalistique menée par Air France.

Pierre Gramegna occupe depuis hier un ESM en quasi stand-by. L’institution née durant la crise de la dette souveraine a financé des programmes d’assistance financière pour cinq pays, mais elle reste sous-employée avec ses 250 collaborateurs, estime le Handelsblatt. Sa réforme de 2021 devrait renforcer ses responsabilités, mais d’autres (comme le directeur général sortant Klaus Regling ou Jean-Claude Juncker qui a recruté ce dernier) caressent l’idée d’en faire la pierre angulaire de l’architecture financière de l’Union européenne. Pour le média économique allemand, Pierre Gramegna ne voudrait pas toucher au mandat actuel de l’organisation intergouvernementale. Et c’est pour cela qu’il aurait le plein soutien de Berlin. Accessoirement, selon la presse internationale, les capacités de communication de l’ancien ministre des Finances luxembourgeois, polyglotte aguerri, auraient séduit le conseil des gouverneurs. Le managing director de l’ESM est élu pour cinq ans et peut être reconduit une fois. Il reçoit un salaire de base de 206 451 euros annuels. pso

Aperam s’abstient

Selon les informations du Land, le leader mondial de l’acier inoxydable basé à Luxembourg, Aperam, n’a pas renouvelé sa demande de chômage partiel auprès du comité de conjoncture, qui s’est réuni le 22 novembre. La société principalement détenue par la famille Mittal qui a signé des résultats records sur les trois derniers semestres et qui rachète ses actions, avait inscrit la grande majorité de ses employés (52 sur 57) du siège administratif (qui chapeau les manufactures européennes) au chômage partiel conjoncturel en octobre (mesure qui permet de ne pas travailler et de toucher une allocation ; d’Land, 11.11.2022).

Les membres du dernier comité de conjoncture ont néanmoins constaté la semaine dernière une nouvelle augmentation des demandes de chômage partiel : de sept unités. Au total, 115 entreprises ont introduit une demande d’octroi de chômage partiel afin de bénéficier des dispositions de cette mesure pour décembre 2022. Le comité a donné son accord pour cent demandes. 77 d’entre elles relèvent de source conjoncturelle, quatorze de source structurelle (liées à un plan de maintien dans l’emploi). Neuf sont motivées par un lien de dépendance économique. Les mesures concernent 9 160 salariés, contre 8 312 le mois dernier. Le prochain comité de conjoncture se réunira le mardi 20 décembre 2022. pso

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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