L’angoisse du Nouvel An

d'Lëtzebuerger Land du 21.12.2018

« Tu fais quoi le 31 ? » Je ne compte plus le nombre de fois que l’on m’a posé cette question depuis la fin de l’été. Car à peine la rentrée digérée, la soirée du Nouvel an semble être la préoccupation principale de la fin d’année. Même le crucial dilemme entre la bûche au beurre ou la bûche glacée pour le soir de Noël semble dérisoire à côté de cette sacro-sainte St-Sylvestre.

Je fais quoi le 31 ? Même cas de conscience chaque année. Je n’aime pas le Nouvel An. Je vous le dis, c’est comme ça. Peut-être parce que je prends chaque fois un an de plus la veille. Peut-être parce que la fin de quelque chose me plonge toujours dans une grande nostalgie. Peut-être aussi parce que quand j’y réfléchis, et encore plus après quelques coupes, je réalise que je ne vivrai plus jamais une année qui se termine par 18 et ça me rend soudainement très triste. Voilà, si jamais vous ne l’aviez vous-même pas encore réalisé... c’est chose faite et de rien pour la bonne ambiance.

Bref, vous l’aurez compris, si je suis prête à fêter tout et n’importe quoi 364 jours par an, je suis une blasée du Nouvel An et de ses traditions. La pire de toutes ? Ces fichues bonnes résolutions ou autres façons de se rajouter de la pression en plus de s’organiser THE réveillon qui va tout déchirer. Car il faut s’amuser le 31, ou du moins prétendre que la soirée a été joyeuse, comme un présage pour l’année à venir.

Il y a donc les plus organisés, ceux qui prévoient ça d’année en année, à coups de location de chalet avec jacuzzi et vue sur les montagnes enneigées pour fêter ça en famille ou entre amis. Ceux qui « tournent » : raclette en 2016 chez Michel, pierrade en 2017 chez Ben, alors 2018 c’est tartiflette chez Hélène ! Ceux qui optent pour les menus-forfaits de la St Sylvestre dans les restaurants du pays ou ceux qui préfèrent – et je les comprends – fuir le froid du Luxembourg et troquer l’indigestion de fromage contre un bon gros jet lag. Ce sont les mêmes qui, dès l’aube, abreuveront les réseaux sociaux de photos de feux d’artifice vue sur mer, pieds dans le sable et noix de coco à la main, tandis que d’autres choisiront d’écumer les bars de la capitale jusqu’au petit matin en ayant bien pris soin d’avoir posé congé le 2 janvier, histoire de s’en remettre.

Quand bien même on s’en fiche et qu’on resterait bien à regarder la rétrospective des meilleurs moments TV de l’année en mangeant du traiteur sur son canapé, enfants couchés et téléphones coupés, les comme moi finiront par se laisser haper par l’enthousiasme d’un de ces fanatiques du réveillon. Peut-être même que l’année prochaine, on « tournera » à notre tour et qu’on s’exclamera, « cette année, c’est fondue chez moi ! ».

Reste que si j’écoute ma coiffeuse, la tendance serait plutôt de mon côté. « Le Nouvel An, c’est plus ce que c’était », m’a-t-elle confié. Il paraîtrait même que les anti-cotillons comme moi seraient de plus en plus légion. À en croire la nette réduction du taux de brushing et de chignons en ce dernier jour de l’année, ne rien avoir envie de faire le 31 serait presque du dernier chic.

Salomé Jeko
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