L’ironie est presque trop flagrante. « L’apaisement » du trafic à Merl a fini par agacer et irriter de nombreux riverains. En quinze ans de carrière politique, il n’aurait jamais reçu de mails et messages aussi « hefteg », estime Patrick Goldschmidt. Présenté comme successeur potentiel de Lydie Polfer, l’échevin libéral aux mobilités joue sa crédibilité. En 2023, il avait demandé à garder le ressort (risqué) de la mobilité. Peut-être dans l’espoir d’aiguiser son profil de libéral moderne et éco-responsable, un créneau qu’essaie également d’occuper sa concurrente interne Corinne Cahen. Patrick Goldschmidt vient d’essuyer un sérieux revers. « Comme toute nouvelle mesure, la première semaine est la plus compliquée », avait-il annoncé. Elle sera catastrophique. Le « projet pilote » était censée durer six mois. Au bout de dix jours, l’échevin a retiré l’ensemble des mesures à Merl. L’expérience aura duré du 7 au 17 juillet.
Sur le papier, l’idée était bonne : « Évincer le trafic parasitaire » des quartiers résidentiels (en commençant par le Limpertsberg, Hollerich et Merl) grâce à des sens unique, voies réservées au bus et culs-de-sac. La Ville veut canaliser la rush hour sur les grands axes et les autoroutes. Pour se rendre à leurs bureaux sur la Cloche d’Or, de nombreux employés prennent la sortie Bertrange, descendent la route de Longwy (une analyse du transit y a compté 8 445 voitures en 24 heures), traversent Merl-Hollerich, pour remonter enfin vers le Ban de Gasperich. Goldschmidt dénonce l’effet des applications GPS, dont les algorithmes dirigent le trafic vers les rues secondaires pour éviter les bouchons sur les axes principaux. (Le slogan de l’application Waze est ainsi « outsmarting traffic, together ».)
Au Limpertsberg, la commune a installé une armada de « Berliner Kissen » (« gendarmes couchés », en français) et étendu la zone 30. À Merl, l’approche était plus ambitieuse : Créer un dédale de sens uniques, afin de dissuader les automobilistes de s’aventurer dans les quartiers résidentiels. Or, l’exécution était bien maladroite. Car le tracé créait un nouveau raccourci dans lequel les flux automobiles se sont illico engouffrés. De petites ruelles jusque-là paisibles se voyaient inondées par un déluge de voitures et de camions. « Une erreur », concède Patrick Goldschmidt ; la gestion du trafic aurait été « mal préparée ». Il a donc décidé de stopper net le projet pilote à Merl, en attendant de consulter les riverains à la rentrée. Or, l’élan pourrait bel et bien être brisé.
Car la gaffe de Merl a fragilisé la position de Goldschmidt au sein de la majorité (et du DP). Bien qu’ayant voté pour les mesures d’apaisement, le conseiller communal Claude Radoux (DP) estime ainsi qu’il ne faudrait pas non plus punir les gens qui se rendent au travail en voiture. Ce serait la position de la majorité actuelle : « Ech soen et vläit e bëssi méi haart… » Le conseiller Déi Gréng, François Benoy, critique la lenteur et l’insuffisance des changements : « Sur les mesures d’apaisement, Patrick Goldschmidt a le soutien de l’opposition. Mais il est freiné et bloqué par sa propre majorité. » Au début du mois, l’échevin avait répliqué à l’opposition : « Vous dites qu’on peut toujours faire plus. Mais j’entends aussi des gens qui disent qu’on peut faire moins. »
La documentation officielle insistait sur le « caractère temporaire » d’une opération d’apaisement soumise à une « période d’essai ». Elle promettait également que « l’accessibilité » du quartier serait maintenue pour les riverains. Certains se sont illico plaints de devoir désormais faire un petit détour pour sortir de leur quartier. « C’est vraiment incroyable ! », lâche Goldschmidt. « Dat muss een de Leit awer zoumudde kënne ! » Il rappelle que la question du trafic était de très loin la plus soulevée lors des Apéri’tours, menés l’été dernier par Lydie Polfer. « Also ech zéien dat duerch », annonce-t-il.
Belair et Bonnevoie sont les deux prochains quartiers à l’ordre du jour. Pour le premier, le conseil échevinal n’aurait pas encore trouvé de « dénominateur commun », admet Goldschmidt, les uns plaidant pour des mesures « plus radicales », les autres pour des variantes « plus perméables ». Quant à Bonnevoie, il espère présenter un concept à l’automne. L’échevin veut concentrer le trafic sur la Rocade de Bonnevoie et le boulevard d’Avranches, et boucher les Schläichweeër en provenance de Hamm et d’Itzig. « Ce n’est pas interdit », rappelle Patrick Goldschmidt. « Si nous donnons cette alternative aux automobilistes, nous ne pouvons pas leur reprocher de la choisir ».