Marchés publics en Europe

Plus simples et responsables

d'Lëtzebuerger Land du 17.01.2014

Au terme de plus de deux ans de travail entre Institutions européennes, on voit poindre la mise en place de nouvelles règles pour les marchés publics et les concessions d’ici 2016. Les députés européens ont en effet adopté à une très large majorité le 15 janvier un «  paquet » législatif visant à moderniser et simplifier la commande publique dans l’UE. Il s’agit de garantir la qualité et l’efficacité des services offerts aux citoyens dans le respect des critères sociaux et environnementaux tout en facilitant l’accès des PME.

Aux deux directives existantes sur les marchés publics datant de 2004 (l’une plus générale, la seconde couvrant les services liés à l’eau, à l’énergie et aux transports ainsi que les services postaux) s’ajoute une nouvelle directive relative aux concessions de travaux (auparavant incluses dans les textes sur les marchés publics) et de services qui clarifie et harmonise ce mode de gestion des services publics confiée pour un temps à une entité privée qui en assume le risque opérationnel en échange d’une rémunération des usagers. « La réforme de la commande publique – qui représente 19 pour cent du PIB de l’EU – est un outil pour la bataille pour l’emploi et la croissance. Nous avons atteint un vrai progrès dans la simplification et la qualification », a rappelé le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier.

Ces trois textes s’appliqueront aux contrats à partir d’une valeur de cinq millions d’euros. Pour ce qui est des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs auront plus de latitude en matière de procédure, car ils ne seront plus limités au critère de choix des offres au regard du prix le plus bas. Pour faire leur choix parmi les soumissionnaires aux appels d’offre et déterminer « l’offre la plus avantageuse d’un point de vue économique », ils pourront tenir compte de critères plus variés tenant compte de la durabilité des produits, des coûts du cycle de vie et de critères sociaux. De plus, les entreprises qui postulent devront « respecter les lois en matière d’environnement et en matière de travail, sous peine d’être exclues. Par ailleurs, des « partenariats d’innovation » permettront aux autorités d’avoir recours aux appels d’offres pour résoudre un problème spécifique par le biais d’une innovation, sans préjuger de la solution dans les détails.

Une autre nouveauté tient à l’encadrement de la sous-traitance. « Car la sous-traitance tire les coûts vers le haut avec une zone grise qui facilite la violation des législations sociales et environnementales », a expliqué le rapporteur Marc Tarabella (S&D, Belgique). Les États auront ainsi la possibilité – et non l’obligation – d’instaurer une responsabilisation solidaire des sous-traitants avec un principe de paiement direct au sous-traitant (sauf pour les concessions). Dans le cadre de la « chasse aux offres anormalement basses», les directives imposent aussi aux pouvoirs adjudicateurs de demander au soumissionnaire des précisions sur le contenu de sa proposition.

Les textes précisent en outre, pour la première fois que sont excluent du champ d’application des trois directives (marchés publics et concessions) des coopérations entre entités publiques, ou entre une entreprise liée et une entité publique. Ils entérinent le principe du contrôle analogue de l’autorité publique sur l’entreprise liée comme elle le ferait sur ses propres services, pour autant qu’au minimum 80 pour cent du chiffre d’affaires soient détenus par l’entité publique (la commission proposait 90 pour cent) et que la mission de service public les liant soit clairement établie.

Pour faciliter les soumissions des PME, les directives sur les marchés publics introduisent la possibilité – et non l’obligation – de diviser en lots les contrats dépassant 500 000 euros, avec l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de justifier pourquoi il ne le fait pas (le principe « appliquer ou expliquer »). Est aussi instaurée l’auto-déclaration pour répondre aux appels d’offres qui, en limitant la paperasse, permettra de réduire les coûts administratifs et financiers des soumissionnaires (surtout les PME), de même que la réduction du seuil de chiffre d’affaires minimum nécessaire pour pouvoir envoyer une offre.

La future directive sur les concessions, quant à elle, en précise la définition car le terme revêt une signification très différente d’un État membre à l’autre actuellement. Les députés ont insisté sur la différenciation de ce mode de gestion délégué au privé des marchés publics en mettant en avant la notion-clé de risque d’exploitation et sur leur durée limitée. Elle vise aussi à desserrer les contraintes procédurales des entités concédantes tant dans la phase cruciale de négociation que dans celle d’exécution du contrat, tout en les sécurisant juridiquement car le contentieux juridique en la matière au niveau national et devant la Cour de justice de l’UE est abondant. « C’est la preuve qu’il fallait clarifier les règles » a indiqué le rapporteur Phillipe Juvin (PPE, France). Il souligne de plus que « le choix du mode de gestion le plus approprié, la liberté de définir les services d’intérêt général, ou encore la possibilité de prévoir des critères de qualité et d’efficacité des services publics, ont constitué des avancées fondamentales par rapport au texte initial ».

Les États membres réunis en Conseil de l’UE ont encore à entériner ces textes qui, une fois publiés au Journal officiel de l’UE, doivent être transposés dans le droit national dans les deux ans. Le Luxembourgeois Frank Engel (CSV), rapporteur pour son groupe politique le Parti populaire Européen (Démocrates-Chrétiens), a lui exprimé ces craintes sur cette transposition : « Les États risquent de réintroduire leur vues nationales, ce qui serait contraire à l’objectif initial de simplification ».

Sophie Mosca
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