Responsable stratégique de la promotion de l’image de marque du Luxembourg depuis deux ans, Beryl Koltz, revient sur les valeurs, les objectifs et les moyens mis en œuvre pour faire connaître le pays à l’international

Une image à cultiver

d'Lëtzebuerger Land du 23.12.2022

D’Land : Cela va faire dix ans que l’initiative de la Promotion de l’image de marque du Luxembourg a vu le jour au sein du ministère des Affaires étrangères. Peut-on revenir sur les moments-clés de cette histoire ?

Beryl Koltz : La question de la promotion du Luxembourg à l’étranger remonte bien avant cela, aux années 1990. Le besoin d’une action pour valoriser l’image du pays se faisait déjà sentir. La multiplicité d’acteurs impliqués, la diversité des messages, des supports, des cibles, des langues, des images rendait une coordination indispensable pour déployer des discours cohérents. Il faut attendre le programme gouvernemental 2013-2018 pour que des moyens soient mis à disposition. C’est alors que le Comité interministériel et interinstitutionnel de pilotage est créé et que Tania Berchem, devient la première coordinatrice pour la promotion de l’image de marque au sein du ministère des Affaires étrangères et européennes. Avant de lancer une communication, il était important de définir ce qui constitue la « personnalité » et les forces du Luxembourg. L’approche participative était plutôt novatrice pour l’époque : sondages, entretiens individuels, groupes de discussion et une consultation citoyenne en ligne allaient déterminer les valeurs de référence d’un pays dynamique, ouvert et fiable. La signature « Let’s make it happen » et l’identité visuelle avec le X ont été présentés en 2016, également au terme d’un processus participatif.

À qui est destiné cette promotion du Luxembourg, aux citoyens à l’intérieur du pays ou à l’étranger ?

Les deux vont de pair. Il s’agit de fédérer sous cette même bannière toutes les parties prenantes de la promotion du Luxembourg, c’est-à-dire tous les acteurs ayant un lien avec le Luxembourg, y compris les résidents. Quant aux groupes cibles des messages ainsi développés, il s’agit du public international. Une image de marque bien développée au niveau national doit en effet permettre de faire rayonner de plus en plus le Luxembourg et ses valeurs à l’international.

Qui sont ces parties prenantes ?

Nous distinguons deux sortes d’acteurs. D’abord ceux impliqués activement dans la promotion du pays, le ministère des Affaires étrangères et européennes lui-même bien entendu – dont l’équipe Image de marque fait partie – mais aussi par exemple le ministère de l’Économie, notamment par le biais du tourisme. Ensuite ceux dont la mission ou les actions donnent des arguments pour la promotion du Luxembourg. Je pense par exemple à la gratuité des transports publics qui a été citée dans les médias du monde entier mais l’on pourrait aussi parler de l’actrice Vicky Krieps qui a reçu le European Film Award de la meilleure actrice. Le Comité LMIH (pour les initiales du slogan Let’s make it happen, ndlr), comprend ainsi des représentants des ministères et administrations, des agences de promotion sectorielles, des chambres professionnelles et des autres partenaires institutionnels. Ce sont une vingtaine de structures, elles-mêmes reliées à d’importants réseaux. Notre cellule a un rôle de facilitateur et coordinateur pour que tout le monde soit sur la même longueur d’onde et parle d’une même voix.

Quel constat avez-vous dressé en arrivant en 2020 ?

En 2019, une évaluation a été menée pour mesurer la perception de l’initiative auprès des parties prenantes et en évaluer l’impact en termes d’image à l’étranger. Deux besoins se sont faits sentir : il faut se déployer davantage à l’international et au-delà du visuel, du slogan, il est nécessaire de proposer plus de contenu aux différents acteurs. Nous avons alors développé une stratégie, avec de nouveaux objectifs, des thèmes prioritaires et un narratif. Notre approche est centrée sur l’humain et se donne pour objectif de faire connaître les valeurs et les visages du Luxembourg. On peut décrire notre vision du Luxembourg comme un acteur engagé sur la scène internationale, un allié fort dans le cadre d’une croissance durable, un facilitateur d’idées innovantes pouvant contribuer à un monde meilleur. Parallèlement aux trois valeurs, nous avons édicté trois aspects essentiels, trois thèmes prioritaires dont découle le narratif : créativité (dynamique), diversité (ouvert) et durabilité (fiable).

Quel est alors ce narratif ?

En tant que réalisatrice de films, j’ai eu à cœur de raconter des histoires mettant en avant des personnes. Ici le personnage principal, c’est le Luxembourg. Pour que l’histoire fonctionne, qu’elle soit crédible, il faut qu’elle soit authentique. Avec la participation de nos membres, nous avons puisé dans les origines de la population du Luxembourg. Ce qui a toujours caractérisé le pays, c’est son rapport à la terre. L’approche du cultivateur est un mélange de pragmatisme et de capacité d’adaptation qui continue à caractériser un Luxembourg qui sait faire preuve de réactivité et de flexibilité, et a su se réinventer au cours de son histoire. L’idée maîtresse se résume ainsi : au Luxembourg, toutes les conditions sont réunies pour qu’une personne, un projet ou une entreprise puissent y prendre racine et s’y développer durablement. Le Luxembourg est devenu une « terre de culture(s) commune ». Avec ce narratif, viennent des slogans où le verbe cultiver et son équivalent anglais to grow permettent des déclinaisons dans tous les secteurs de la promotion du Luxembourg. Je vous livre quelques phrases qui seront autant de titres, d’accroches, de slogans à utiliser : « Demain se cultive ici » ou « Luxembourg, Where good things grow ».

On ne les a pas encore vues ces phrases…

En effet, chaque chose en son temps. Il ne faut pas s’impatienter et prendre le temps de mettre en place les bons outils. La grande réalisation de cette année est la plateforme internet lmih.lu qui met à disposition une quantité impressionnante de ressources comme des photos, des vidéos, des textes, du matériel promotionnel… Le système est très intuitif : on remplit la case « Je suis » (une ambassade, une entreprise, une association…) et celle « Je veux » (réaliser une affiche, un clip, un support digital…) et le site vous guide dans les démarches. Pour y arriver, l’équipe a travaillé sur de nombreuses procédures. Cela ne se voit pas forcément vers l’extérieur, dans le public, mais c’est essentiel à la bonne marche de la promotion du pays. Ainsi, nous avons réalisé des chartes très détaillées quant aux règles d’utilisation de la marque LuXembourg. Nous avons défini et cerné les critères et affectations en matière de partenariats, pour assurer un maximum de cohérence et de transparence. En 2022, 17 projets ont été soutenus pour un montant de 281 300 euros, par exemple Lët’z Arles, Festival des migrations, World Rescue Challenge. Projets auxquels il faut ajouter la cinquantaine de partenariats comportant uniquement du matériel promotionnel ou du placement de la marque LuXembourg. Nous avons aussi tissé des partenariats avec des créateurs et des artisans pour développer la gamme d’objets et produits. C’est la LuXembourg Collection comme autant de morceaux du Luxembourg à offrir. Des assiettes avec des photos de Romain Urhausen, des affiches et cartes postales dessinées par des illustrateurs luxembourgeois, un calendrier de l’avent, mettant l’accent sur les produits du terroir et leurs producteurs via un storytelling sur chaque producteur. Le principe d’économie circulaire est mis en avant avec des objets créés à partir de la récupération du parquet de la maison communale d’Esch-sur-Alzette comme un ouvre-bouteille par Raoul Gross ou une horloge par Olaf Recht.

Quelle sera la suite ?

Maintenant que ces outils fondamentaux sont sortis, 2023 sera l’année tournée vers l’international. La frontière est ténue entre promotion, communication et sensibilisation, mais notre travail, c’est avant tout la promotion. Il n’appartient pas à notre cellule de directement prendre en charge des campagnes de communication dans les médias internationaux. Ce n’est pas notre rôle et avec 1,8 million d’euros de budget annuel, nous n’en avons pas les moyens. L’idée est de passer par les parties prenantes pour atteindre les groupes cibles qui ne sont pas forcément les mêmes selon les différents secteurs. Notre rôle est de mettre en marche une dynamique, un mouvement, une communauté avec, comme toujours, une méthode participative. Cela passe par des groupes de travail, des formations, l’organisation de rencontres et échanges pour établir, par exemple, une stratégie de presse et relations publiques internationales communes. Par exemple, il faut avoir une réflexion commune sur le planning de publication sur les réseaux sociaux, choisir des hashtags communs… Nous allons développer un programme de visages du Luxembourg issus du monde de l’entrepreneuriat, de la culture ou du sport. Des personnes qui incarnent nos trois priorités de créativité, diversité et durabilité.

Y a-t-il des moments ou des lieux particulièrement visés pour mettre le Luxembourg en avant ?

Beaucoup de choses vont se décider dans les mois à venir. Mais, bien évidemment, il y a des occasions à ne pas manquer comme des visites d’État, les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ou l’Expo d’Osaka en 2025. Quant aux lieux, il est intéressant de mener une veille sur l’image du Luxembourg à l’étranger. Nous réalisons des études d’image et un mapping des pays qui mesure la notoriété et le degré de sympathie du Luxembourg. Il en ressort que certains nous connaissent bien et nous considèrent bien, les Belges en tête. D’autres n’ont pas une bonne image car ils manquent d’une connaissance de qui nous sommes, la France par exemple. D’autres encore nous connaissent mal, mais ont un a priori positif. C’est le cas du Canada. Cela donne de bons indicateurs pour savoir où faire des efforts.

Les actions de promotion de pays ou de régions sont de plus en plus courantes et visibles. Vous êtes vous inspirés de ce qui se fait ailleurs ?

Il me semble qu’en matière de promotion de l’image de marque, on peut distinguer deux types de pays. Ceux qui ont des points saillants remarquables, identifiés qu’il agit avant de tout de relier par un fil rouge. La Suisse a ainsi adopté des messages cohérents et des images très claires en s’appuyant sur ses atouts. D’autres pays ont des atouts moins saillants. Leur nation branding implique le développement d’une stratégie, d’un concept, pour ensuite y aligner les actions et mesures principales. C’est ce qu’a mis en avant l’Estonie en tant que digital nation. Je pense que le Luxembourg se rapproche plutôt de ce deuxième cas de figure. D’où l’importance d’une stratégie forte allant de pair avec une série d’actions.

Quels seraient les écueils, les limites à vos projets ?

Le budget limité et la petite taille de l’équipe impliquent d’être efficaces. Et pour l’être, il faut que l’effort soit collectif. Le risque le plus grand est de ne pas fédérer les différents partenaires qui ne porteraient pas le même message. Un autre écueil serait de ne pas trouver ou réussir à maintenir un équilibre transsectoriel. Là aussi, un manque de coordination entre les volontés de chacun nuirait à l’ensemble de la mission. Enfin, je dirais encore une fois qu’il faut être patient et persévérant : il n’y a pas de résultats du jour au lendemain..

France Clarinval
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