“Don’t wanna be an American idiot / Don’t want a nation under the new mania / And can you hear the sound of hysteria? / The subliminal mindfuck America.” Ainsi débuta ce lundi le concert de Green Day au Luxexpo Open-Air, premier rendez-vous d’une série estivale organisée par den Atelier. Affichant complet depuis des semaines, ce show était porté par un des plus gros groupes du circuit. Un groupe qui tente toujours le (forcément périlleux) équilibre entre punk-rock authentique et refrains de stade, se soldant par un pop-punk mâtiné d’accents emo. Un groupe politique, habituellement critique envers son pays et son gouvernement, mais qui n’a pas vraiment actionné cet aspect revendicateur en cette chaude soirée, malgré une entrée en matière qui aurait pu le laisser penser. C’est que les californiens, on l’a bien senti, étaient avant tout là pour le fun (et une bonne poignée de dollars).
Le morceau d’ouverture, American Idiot, est tiré de l’album éponyme, sorti en 2004, un des disques emblématiques du groupe, qui contribua à asseoir Billie Joe Armstrong et sa bande aux devants de la scène alternative américaine, dix ans après la bombe Dookie qui révéla le trio au monde. Sans surprise, la setlist dénombrait une dizaine de titres issus de ces deux albums majeurs, autant d’hymnes repris en cœur par un large public (16 000 personnes) conquis d’avance.
Côté scénographie, la production n’a pas fait dans la demi-mesure, à coups de feux d’artifice (aux déflagrations un peu trop envahissantes) et d’effets pyrotechniques ponctuant les refrains les plus entêtants. Des flammes dont on ressentait la chaleur jusqu’à la régie sonore, un véritable réchauffement micro-climatique. Clou du spectacle, un dirigeable bardé des mots « bad year », en référence à une célèbre marque de pneus, survola la foule en fin de set, sur Jesus of Suburbia, larguant ses bombes gonflables sur le public. L’adolescent que j’étais à la sortie de Dookie n’aurait sans doute jamais imaginé que ce groupe de flemmards aux cheveux hirsutes se serait un jour retrouvé dans un tel décor, avec autant de démesure (en tout cas pour un groupe punk), devant autant de gens.
La tournée est intitulée The Saviors Tour, en référence au titre de leur dernier opus, mais c’est presque anecdotique. Ce concert sonnait comme le début de l’été : un moment entre amis, quelques bières bien fraîches, une odeur de transpiration latente, de la musique nostalgique, du beau temps. Le public était intergénérationnel : des néo-punks imberbes aux cheveux bleus ou roses, arborant des pancartes instagrammables ; des cinquantenaires mal rasés, en chemise en lin, faisant du air guitar sur les riffs de Holiday ; des fans de rock tatoués, t-shirt noir bardé d’un nom groupe vaguement similaire ; des dames d’allure respectable ayant rangé leur laptop et reprenant en cœur les paroles de When I Come Around. Une seule envie pour tout ce monde : qu’on nous laisse profiter de ces vibes estivales et qu’on nous réveille fin septembre.
Sur les quatre semaines séparant ce lundi 30 juin du 28 juillet, date de la venue des Guns N’ Roses sur le même site, ce ne sont pas moins de 65 000 spectateurs qui se retrouveront sur le bitume (pas aussi chaud qu’on aurait pu craindre) du Luxexpo Open-Air. Entre ces deux mastodontes du rock américain, un grand écart stylistique nous offrira dans l’ordre Sting, Martin Garrix, Justin Timberlake et Damso. Pas un lineup pour tous les goûts, mais une grosse machine logistique (300 personnes impliquées dans l’organisation) et une place essentielle dans la stratégie commerciale de den Atelier, qui nous confie que ces six événements représentent trente pour cent de leurs ventes annuelles de tickets. Si on prend en compte le prix élevé de ces concerts (quasi cent euros pour Green Day, le double pour Guns N’ Roses), l’impact sur le chiffre d’affaires est d’autant plus conséquent.
Une réussite notable donc pour den Atelier, d’autant plus qu’une autre scène extérieure est programmée en parallèle à Neimënster, avec une orientation un peu plus indé, et des résultats tout aussi enthousiasmants pour ce qu’on n’ose plus trop appeler « la petite salle de Hollerich ». En effet, à l’heure d’écrire ces lignes, trois des cinq événements sur le parvis de l’ancienne abbaye affichent complet, dont Fontaines D.C., qui jouait encore au Gudde Wëllen il y a à peine six ans.
Après un passage luxembourgeois par la Rockhal en 2017, den Atelier a visé juste en invitant Green Day à ouvrir cette série de méga-concerts estivaux. On a vécu une grande fête rock, avec des tubes, des reprises de tubes (Ziggy Stardust de David Bowie, Bohemian Rhapsody de Queen) et un public chaud comme la braise. Le set s’acheva sur Good Riddance (Time of Your Life), interprété en solo par Billie Joe Armstrong, accompagné d’un spectateur invité à jouer la partie de guitare. Une expérience qui tourna court quand le guitariste d’un soir sembla confondre le morceau avec Wonderwall d’Oasis, et fut congédié sur le champ. Une mésaventure qui eut l’effet de renforcer encore plus la communion avec le public, avant que ne retentisse un véritable feu d’artifice dans le ciel du Kirchberg.
“It’s something unpredictable / But in the end, it’s right / I hope you had the time of your life”.