West Side Story

Créer avant tout

d'Lëtzebuerger Land du 13.07.2000

Claude Mangen, le metteur en scène propose une version nouvelle de la West Side Story. La pièce restera en V.O. anglaise. Mais avec l'histoire de base, ce sera une des seules choses à ne pas bouger. Le metteur en scène veut créer avant tout, même dans une adaptation. Il insiste aussi : West Side Story est un réel travail d'équipe, tout le monde apporte sa touche créative dans ce projet.

 

d'Land : Au départ, sur quoi vous êtes-vous appuyé pour faire cette West Side Story ?

 

Claude Mangen : Sur la pièce. Pour moi, comme metteur en scène, je n'ai aucun intérêt à reproduire ce qu'on connaît et qu'on a déjà vu. Alors je me suis posé la question 'que faire avec West Side Story ?'. Ce qui m'intéresse d'abord, c'est l'agression qui se trouve dans cette pièce et qui, à mon avis, sort très mal du film et aussi d'une version des années cinquante un peu sucrée, un peu maquillée, je trouve.

 

Que voulez-vous montrer avec cette pièce ?

 

Il y a vraiment cette agression des Jets contre les Sharks. Pour moi, le couple Tony-Maria est la pointe d'un iceberg et en dessous il y a plein d'autres relations. Et je voulais absolument montrer un monde d'aujourd'hui, c'est-à-dire un monde qui est en construction. C'est pour cela qu'on a décidé de le faire sur un grand chantier en guise de décors.

Un décor, donc, en construction, et qu'allons-nous voir dans ce décor ?

Il y a des nomades, des jeunes qui vivent nulle part, qui se retrouvent dans un No Man's Land et qui doivent défendre un territoire. Pour moi, ce qui est très important, c'est de montrer cette génération qui se trouve sur un grand chantier. On a la tradition du XXe siècle, mais beaucoup de valeurs ne fonctionnent plus et il faut refaire un nouveau monde. Et nous, on refait le monde à travers du vieux. Nos costumes sont tous recyclés, on voulait prendre la mode de la rue et en faire du nouveau. Les personnages n'ont pas d'armes, mais ils se défendent avec les objets qu'ils trouvent, des tournevis, du matériel. Et chacun défend son territoire. Moi, je veux montrer une histoire beaucoup plus cruelle que celle des années cinquante.

 

Vous voulez montrer la dureté qui émane de l'histoire. Mais paradoxalement la musique reste gaie.

 

Oui, la musique est gaie, mais c'est quand même une tragédie. Il y aura pas mal de morts à la fin. Ce qui est très intéressant, c'est de voir que la musique fonctionne avec ce concept de mise en scène. Cela a vraiment été la grande surprise pour moi.

 

Et comment ça se passe avec les chanteurs, danseurs et acteurs qui vous entourent ?

 

Il faut dire que j'adore travailler avec des gens pleins de passion. On a mélangé des danseurs amateurs, des danseurs professionnels, des chanteurs professionnels, des chanteurs amateurs, des acteurs. On fait un mélange et ça marche très bien. Les chanteurs dansent, les danseurs chantent et vice versa. Et tout ça, les quarante personnes qu'on a, ça fait vraiment une grande énergie. Et en plus même le décor a sa propre énergie. Les containers, les dalles préfabriquées, les tonneaux ont tous leur énergie.

 

Alors quand on vous écoute et quand on voit la mise en scène, on pourrait presque dire qu'il n'y a pas de premier rôle.

 

Si, il y a quarante premiers rôles pour moi. Et en plus dans la pièce, il y a une chanson chantée par Nobody, j'ai inventé ce nouveau rôle. On voit cette fille partout, elle est un peu nomade, elle a ses affaires sur elle, elle cherche où s'installer et à la fin elle chante cette fameuse chanson Somewhere there must be a place for us. C'est là aussi un peu mon message : il doit y avoir un lieu pour ces jeunes-là qui rêvent de l'Amérique, mais c'est plutôt une idée de l'Amérique.

 

Léa-Sarah Polacci
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