Un chant tout droit venu d’outre-tombe qui se désintègre. Des tapotements insistants. Une guitare électrique en écho. Des images et des sensations pour un sentiment de plénitude. Avec Everyday, Arthur Clees fait une entrée solo retentissante sur la scène musicale autochtone. Le morceau est extrait de Stay, Temporary Home qui vient de paraitre sur le label berlinois Macro. L’artiste a la vingtaine, il étudie la composition jazz à la Hochschule für Musik de Dresde, accompagne plusieurs formations au vibraphone et le soir, il compose et expérimente. On a récemment appris qu’il a été retenu pour la résidence artistique Taller de Musics et qu’il ira à Barcelone fin novembre pour y créer un projet éphémère. En bref, c’est un artiste à surveiller. La pochette de ce premier opus, électronique et expérimental, est minimaliste et géométrique. L’illustration signée Viet Hoa Le ne reflète en rien la concentration d’énergies, positives et négatives, qui émanent du projet. Douze titres pour 39 minutes de musiques qui font cogiter, qui inquiètent, qui enthousiasment, qui foutent le cafard et qui remuent, bref, qui ne laissent pas indiffèrent.
L’introduction Stay débute sur un son inversé et saturé. Quelques notes au piano accompagnent une voix grave avant une accélération qui laisse entrevoir quelque chose de lumineux. Of Silence, morceau à part dans le projet, brode une atmosphère fragile autour de la voix d’une berceuse inquiétante chantonnée par Kateryna Kravchenko. La chanteuse ukrainienne forme d’ailleurs un duo avec Arthur Clees. Ils se produiront notamment sur scène le 25 février prochain à Neimënster. Parenthèse fermée. Memoir est un morceau plus ouvert et revendique un côté fusion et hip-hop. À noter que l’artiste a aussi composé pour des rappeurs autochtones, signant notamment la prod de Bojack de Culture the Kid, qui a connu un certain succès en début d’année. Solemn est un pur son d’ambient, un terrain d’expérimentation aux frottements dissonants. Don’t Go Away So Easily, Temporary et Show Me s’enchaînent avec une cohérence indéniable. Un point commun tout de même, leur mélancolie. Autre trinité heureuse avec Everyday, Afterdance et Home, meilleurs morceaux du disque. Une chorale samplée et des effets de voix du meilleur effet forment un mariage heureux. Taking My Breath précède I’ll Hold You, la conclusion d’un disque dont on sort lessivé. Impression confirmée après plusieurs écoutes.
Arthur Clees explique avoir eu une révélation lorsqu’il s’est rendu compte qu’il était tout à fait possible de faire de la musique, tout seul, avec son laptop. Banco. Il joue, compose, chantonne et accumule au cours des années de nombreux beats et sound collages, jusqu’à trouver sa propre patte musicale dont Stay, Temporary Home représente la quintessence. En démarchant des labels spécialisés, il a tapé dans l’oreille de Macro Recordings, qui distribue le projet. Arthur Clees cite volontiers James Blake, Nicolas Jaar ou encore Aphex Twin comme sources d’inspiration. Mais ses goûts vont au-delà. Avec Ben Bley, Rolan Eberhardt et Luca Garofalo, il a notamment formé Jambal, un jazz band aux sonorités londoniennes. Sur Stay, Temporary Home, on pense encore à des artistes phares du mouvement de l’hantologie comme James Leyland Kirby alias The Caretaker, dans la manière qu’a Arthur Clees à créer de la mélancolie en barre avec des sonorités qui font penser au temps qui passe. Le musicien ne cesse de construire des mélodies, des rythmiques et des atmosphères pour les malmener, les tordre dans tous les sens avec son armada de patches et de plugins.
Le morceau Stay a été clippé par Milo Hatfield. L’esthétique homemade sied au projet et à ses aspirations lo-fi. Construit sur des mots clés, mélancholie en tête, le court film tourné au milieu des dunes de La Haye est visionnable sur YouTube et constitue une modeste mais bonne porte d’entrée dans l’univers d’Arthur Clees.