E Stéck Vollek

Roland, Guy, Svetlana et Roman

d'Lëtzebuerger Land du 04.07.2002

« J'ai toujours voulu écrire une pièce qui parle des relations entre les gens de l'Est et ceux de l'Ouest. » Jean-Paul Maes marque une pause, avant de continuer : « c'est difficile de parler des deux côtés sans schématiser, d'autant plus que je suis de l'Ouest. » Pour la onzième édition du festival de Steinfort, qu'il a créé avec sa femme, Eva Paulin, Jean-Paul Maes a écrit une pièce sur mesure. 

Après neuf ans de pièces du répertoire luxembourgeois classique, le festival s'est réorienté l'année dernière avec leschten enns kaë liewen de Nico Helminger, une pièce qui avait une vingtaine d'années bien qu'elle n'avait jamais été jouée avant. Cette première pièce véritablement écrite pour le festival permettra de mesurer la santé du théâtre populaire luxembourgeois. « Nous restons dans notre ligne, qui est de jouer du théâtre populaire de qualité, ancré dans le milieu rural, » affirme Jean-Paul Maes. 

E Stéck Vollék s'intitule la pièce, comme on dirait « e Stéck Véi » : « une part(ie) du  peuple », pars pro toto, mais avec un certain dédain. Comme si, après An hannendrun den Hiwwel, puis Mir gesin eis jo nëmmen all Joer eng Kéier, hei am Abrëll, Jean-Paul Maes continuait à brosser son portrait épique du Luxembourg contemporain en en analysant certaines couches sociales. « Mais la pièce est nettement moins abstraite que Mir gesinn eis... » précise-t-il. 

E Stéck Vollék joue dans les classes moyennes : Roland, qu'il incarne lui-même sur scène est un homme d'affaires qui est dans l'import/ export de marchandises qui ne sont jamais spécialement définies. Issu d'une famille de riches paysans, il est resté dans son village natal, où il est « devenu quelqu'un », une personnalité reconnue. 

Roland sait ce que la société de petit-bourgeois attend de quelqu'un de son standing et il remplisse toutes les conditions de l'ascension sociale, une à une : il a une jeune femme, est dépensier, va à la chasse en Pologne... et, comme ultime faire-valoir, il « fait dans la  charité ». Chaque année, il fait venir des groupes d'enfants orphelins de régions de l'Est en guerre ou en crise. Au village, les bien-pensants se battent pour être les plus charitables, accueillir le plus d'enfants. Parallèlement, un ami de Roland, Guy (Jean-Claude Majerus), riche agriculteur, cherche une femme ; Roland lui conseille de faire une petite annonce dans un journal russe. Arrive Svetlana (Jamma Kalantaj), qui sera vite perçue comme une concurrence par Roman, le valet polonais qui travaille au noir. 

Les deux histoires s'entremêlent, « pour moi, ce sont deux formes de relations Est/Ouest, explique Eva Paulin, qui assure la mise en scène ; d'un côté, on fait dans la charité condescendante avec les enfants, et de l'autre, on exploite les travailleurs adultes au noir. » Pour elle, il s'agit d'une pièce extrêmement méchante mais souvent très drôle en même temps, démasquant certaines classes sociales qui ne vivent que pour le paraître au détriment de l'être. Et la mise en scène ? « La pièce est écrite dans un style et une langue extrêmement concrètes, mais dans de nombreuses scènes très courtes. Il faut donc à tout prix que nous évitions de tomber dans le naturalisme ou dans le cabaret. Non, au contraire, j'ai opté pour un décor abstrait où le lieu est défini par l'entrée et la sortie des personnages. » 

Deux plate-formes identiques, habillées de gazon synthétique vert pomme, entre les deux, une sorte de pont avec des sièges d'autobus qui peuvent se tourner sur leur axe. La pièce joue aujourd'hui, dans un village quelque part au Grand-Duché. La première a lieu mercredi prochain, 10 juillet.

 

E Stéck Vollék de Jean-Paul Maes, mise en scène par Eva Paulin, musique : Luciano Pagliarini ; avec Jean-Paul Maes, Isabelle Constantini, Mike Tock, Josiane Fritz, Jean-Marc Calderoni, Nadine Schweitzer, Jean-Claude Majerus, Manfred Olek Wit, Jamma Kalantaj, Christiane Durbach, Marcel Heintz, Dan Kirpach, Josée Hoss et Corinne van der Zande sera jouée au Festival de Steinfort / Al Schmelz, les 10, 12, 16, 18, 19, 23, 24, 26, 27 et 30 juillet ainsi que les 1er et 2 août, à 20h30 ; téléphone pour réservations : de 14 à 16 heures du lundi au vendredi au 39 93 13 1 et de 17h30 à 19 heures au 39 98 70.

 

josée hansen
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