Simply sustainable

d'Lëtzebuerger Land du 25.11.2022

Elle a pris un virage professionnel pendant le confinement, convaincue par l’urgence. Pendant que d’autres paniquaient pour les pâtes et le papier toilette, Stéphanie Lamberty a pondu un concept de courses qui permet d’éviter le supermarché et de dynamiser la distribution de produits locaux. Elle a gardé le cap. Peu après la période de pandémie, elle quitte le cocon du secteur bancaire qui l’a occupée pendant 18 ans pour se consacrer à une activité où elle peut « rendre à la société » (et à la planète). Celle qui a été pendant un moment membre du conseil d’administration du feu magasin Ouni fonde sa propre boîte en janvier 2022 : Kilogram. Cette entreprise, vise à la fois la promotion d’aliments bio et régionaux et une distribution sans emballage jetable. « Je travaille sans arrêt », dit-elle, les yeux pétillants et le visage serein. Issue de l’intersection entre économie et informatique, des études menées à Bruxelles, Paris, Madrid et Oxford, et forte de son expérience en projets de digitalisation, elle s’occupe elle-même du site internet. Elle démarche les producteurs dans un rayon de cent km (principalement au Luxembourg et en Belgique) ; elle reconditionne les produits dans des bocaux consignés dans son atelier et, last but not least, elle gère l’administration. Côté finances, c’est encore la traversée du désert pour la start-up, même si depuis quelques mois la courbe des clients monte en pic. Stéphanie l’attribue à une campagne de pub réussie. La triste fermeture de Ouni n’y est toutefois pas pour rien, Kilogram étant désormais une des rares enseignes au Luxembourg qui propose aux clients écosensibles de faire leurs courses sans baigner dans le plastique. Stéphanie s’étonne que ce genre d’entreprise durable ne soit pas plus spécifiquement encouragée par l’État, alors que le Luxembourg est, après le Danemark, le pays de l’UE qui génère le plus de déchets par habitant (790 kg par tête en 2020). Son sàrl, attend pour l’instant l’agrément SIS (société d’impact sociétal).

Chez Kilogram, tout se passe en ligne, avec livraison possible dans le pays entier – en voiture électrique – ou via des points de collecte à Steinfort et Belair. « Consommer sans déchets, c’est simple pour chacun qui sait effectuer une commande sur internet », souligne celle qui se voit, depuis ses boulots d’été à l’agence bancaire paternelle, comme une facilitatrice entre le public et la technologie. Cette fois-ci, c’est dans l’intérêt de l’environnement, des petits producteurs et des clients. Ces derniers n’ont même pas besoin de laver les bocaux dans lesquels arrivent les produits en vrac ; Kilogram les reprend, les traite selon les standards d’hygiène et les remet en circulation. Les livraisons s’effectuent avec des cartons récupérés auprès de commerces partenaires qui les auraient jetés. Tout est réutilisé et recyclé suivant les principes de l’économie circulaire.

Kilogram propose à peu près 250 produits. Un catalogue que Stéphanie veut étendre à 800 références l’année prochaine. 98 pour cent des produits alimentaires proviennent de l’agriculture biologique, sans qu’elle soit une radicale des certifications et labels, si le savoir-faire du producteur lui plaît et lui inspire confiance. Pour sa part, elle a commencé à consommer bio après la naissance de son premier bébé. « Comme beaucoup d’autres femmes à ce moment particulier, je me suis interrogée sur la composition, la provenance et l’impact de la nourriture ». Le fait que cette « Ardennaise » ait grandi à la campagne en région frontalière belgo-luxembourgeoise a probablement aidé à développer son intérêt pour la production agricole organique. « Enfants, une bonne partie de notre table provenait du jardin familial. C’est un luxe simple auquel tout le monde devrait avoir accès ».

La démarche s’inscrit aussi dans une revalorisation des produits du terroir. On trouve ainsi les connus Téi vum Séi, les chocolats des Ateliers du Tricentaire et pâtes de Dudel Magie, mais aussi des œufs bio de Kahler, des bières brassées à Arlon ou la farine bio de la ferme d’Hamawé près de Virton. Dans la gamme produits d’hygiène, elle propose les lingettes durables de Puéri-Couture (Alsace), les savons du Colibri de Hobscheid ou encore la lessive concentrée de Wasch, made in Luxembourg. Un vrai parcours gastronomique et artisanal de la Grande Région élargie. Si Stéphanie ne trouve pas le produit dans ce rayon de référence, elle passe par un grossiste, mais tente d’éviter ce qui implique nécessairement un recours à un moyen d’emballage, même limité. Elle mise haut sur la transparence, son site regorgeant d’informations sur sa méthode, la provenance des produits et leurs qualités, arborant même un filtre qui permet d’appliquer des critères tels que « anti-gaspi », « local », mais aussi d’évacuer les différents allergènes. Plus que durable, archipratique !

Béatrice Dissi
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