Essai transformiste

d'Lëtzebuerger Land du 09.02.2018

Tapis rouge, statuettes, petits fours et crémant à gogo... Tout le monde l’a attendu pendant deux ans, la fébrilité se faisait sentir auprès des agences et – dans une moindre mesure – des annonceurs depuis des semaines : l’édition 2018 des Media Awards se tenait enfin le 1er février dernier au Grand Théâtre, rassemblant le gratin grand-ducal de la communication et du marketing pour répondre à la fameuse question : Qui aura le Gold ? Une cérémonie haute en couleur sur scène, mais malheureusement bien plus terne dans son palmarès...

Ouverture des hostilités habituelle : un meeting point glamour au premier étage, des claquages de bises autour un petit verre non-alcoolisé, un premier gong complètement ignoré, des retardataires festifs qui n’ont pas pu s’empêcher de s’arrêter à la Brasserie Schumann adjacente pour un apéritif sur le pouce... Ouverture de rideau : la mise en scène est superbe, plaçant l’action académique de ces awards dans le cadre d’un cabaret d’antan, celui de Peggy Lee Cooper, drag queen toute en rondeurs et en strass qui ouvre le bal de sa voix rauque de fumeuse de gitanes. Un parti pris audacieux, qui semble alors augurer de prix qui le seront tout autant, sachant de plus que le terrible Joe La Pompe fait partie du jury et que Maurice Levy, grand patron de Publicis et figure incontournable de la publicité, est présent en tant qu’invité d’honneur. Peggy sera malheureusement la seule touche osée de cette efficace cérémonie – qui pour une fois n’a pas dépassé l’heure et demie – tant le palmarès et la modération se sont avérés finalement fades.

C’est en effet une Nathalie Reuter en costume noir, très sobre et très en dessous de son énergie habituelle qui enchaîne annonces de lauréats et courtes interviews avec ceux-ci et les sponsors. Si les deux grands gagnants de la soirée que sont Mikado Publicis et BeeToCee, notamment grâce à un double prix du jury et du public pour la campagne « Source of me » de Rosport pour ces derniers, n’ont plus leurs preuves à faire, le reste des réalisations mises à l’honneur sur scène s’est révélé très classique, institutionnel, ennuyeux. La catégorie radio, en outre, était à rougir de honte et le digital manquait aussi visiblement que cruellement d’une campagne audacieuse, le jury ne remettant d’ailleurs qu’un prix bronze pour cette catégorie. Il est franchement incompréhensible qu’à l’heure du « Let’s make it happen ! » et du Luxembourg qui se veut digital et figure de proue de secteurs novateurs, un état des lieux aussi passéiste de la publicité luxembourgeoise soit offert aux yeux de Maurice Levy, qui n’a d’ailleurs pas caché sa déception dans un magazine spécialisé belge. Où est l’innovation ? Pourquoi des agences pointues et travaillant avec de grand clients internationaux comme Vanksen, Bunker Palace ou le collectif Ludwig étaient-ils complètement absents la liste des nominés ? Les annonceurs disruptifs au Grand-duché sont-ils vraiment les ministères et autres institutions étatiques ? Autant de questions qu’ils serait peut-être pertinent de se poser suite à cette édition 2018 des Media Awards...

Une campagne grand public a tout de même su briller autant par sa simplicité que par son ton léger et second degré : celle du boucher Kirsch réalisée par la Graphisterie Générale et mettant tout simplement en scène son emblématique patron, musclé et tatoué à souhait, avec une baseline simple : « Le métier dans la peau ». À point. Grand absent de l’événement : le Premier ministre Xavier Bettel (DP), retenu en Floride pour le lancement du satellite GovSat-1, qui devrait s’adjoindre sous peu pour sa communication les talents de Mélanie Delannoy, ancienne Binsfeld et qui supervise depuis plusieurs années et de main de maître l’image de la sulfureuse Docler Holding.

Enfin, le cocktail a quant à lui su tenir ses promesses, car s’il y a une chose que Maison Moderne et RTL savent faire, c’est de réunir toute la place luxembourgeoise lors de leurs grands événements. Malgré l’absence de musique, l’ambiance festive – notamment grâce à l’enthousiasme de Comed, qui fêtait là ses quarante ans – fut une fois de plus propice au networking et aux confidences. Tout le monde se donne rendez-vous dans deux ans. Mission accomplie.

Fabien Rodrigues
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