Falafel(icidad)

d'Lëtzebuerger Land du 26.01.2018

Le quartier de Hollerich n’en finit pas de surprendre par de nouvelles initiatives en matière de restauration. Depuis quelques semaines, c’est Chiche qui fait des émules en proposant les falafels et plus généralement la savoureuse cuisine moyen-orientale de son chef Chadi Bekdach, juste en face d’Autocenter Goedert. Mais ce nouveau lieu de rencontre multiculturelle est loin de n’être qu’un restaurant : entreprise sociale et à vocation d’intégration et de brassage, c’est bien là que Chadi a l’intention de trouver son bonheur à Luxembourg...

Ce souriant quadragénaire a toujours été celui que ses proches sollicitaient derrière les fourneaux. Depuis toujours, il cuisine en famille, avec ses amis ou encore dans les différents établissements qu’il a gérés lorsqu’il habitait en Syrie et au Liban. Sa cuisine est celle de la générosité, du partage et vecteur de lien social : « Je dis toujours que tu gagnes le cœur des gens en passant d’abord par l’estomac ! ». Lorsqu’il arrive en Europe il y a deux bonnes années, Chadi se destine initialement à rejoindre des connaissances en Finlande, mais une rencontre amicale fortuite le convainc de s’orienter plutôt vers un petit pays dont il n’a jamais vraiment entendu parler : le Luxembourg. Il lui dit que l’on y parle anglais mais aussi français, le natif de Beyrouth y voit alors un signe et se décide... À peine débarqué depuis quelques heures dans la capitale grand-ducale, il en est certain : il va y faire sa place, il va s’y sentir bien.

Chadi aime tout sauf rester à ne rien faire, il s’engage donc très vite dans différent projets, dont Hariko auprès de Marianne Donven, où il recycle du vieux bois pour en faire des meubles. Il y cuisine aussi pour lui-même, ses collègues et les artistes de passage : « Souvent les gens s’arrêtaient juste grâce à l’odeur et me complimentaient sur mes plats... J’ai su qu’il y avait quelque chose à faire ». Il se fait alors faire une petite carte de visite et cuisine bientôt pour différents ateliers et autres événements privés avant de poser ses pénates dans son nouveau propre restaurant, Chiche, lorsque Frédérique Buck et Pitt Pirrotte rejoignent l’aventure et investissent le local disponible à l’angle de la rue Baudoin et de la route d’Esch que Pirrotte possède.

Au menu, des falafels bien sûr – le sous-titre de Chiche étant Chadi’s falafel pop-up –, mais aussi différents plats tantôt typiques de Damas, la région d’origine du chef syrien, tantôt issus plus généralement du Moyen-Orient. L’objectif de Chadi est simple mais double : tout d’abord faire ressentir à ses clients les sensations culinaires qu’il a toujours connues et chéries, mais aussi – et pourquoi pas – amener certaines nouvelles traditions dans la culture food déjà très éclectique de Luxembourg, à l’instar de ce yaourt arabe servi pour le déjeuner, qui semble faire plus d’adeptes chaque jour : « Ce n’est pas du tout habituel en Occident de manger un tel plat le midi, c’était assez osé de le proposer ici, mais j’ai voulu tenter le pari... Les gens appellent pour le réserver maintenant ! ». La décoration très réussie de l’endroit a été confiée à Isabelle Dickes, qui a réuni un mélange savant de pièces très désuètes et plus branchées, masculines ou plus féminines, le tout en deuxième main, équilibré et donnant une véritable chaleur au restaurant, et c’est Pitt Pirrotte qui s’occupe de la sélection musicale, aussi pointue et agréable que l’atmosphère du lieu.

En cuisine, il y a aussi Ahmad et Ihab, véritables bras droits du chef et que ce dernier a connus dès son arrivée à Luxembourg. Mais que l’on ne s’y trompe pas : Chiche n’engage pas que des personnes déplacées et Chadi met un point d’honneur à profiter du savoir-faire de toutes et tous, peu importe leur origine ou leur âge. Il aime l’expérience d’une vieille dame syrienne, mais aussi la volonté d’un jeune chercheur d’emploi local, il aime que l’équipe de Chiche soit à l’image de sa clientèle idéale : diverse, enthousiaste, transgénérationnelle, amicale. Il la veut à l’image du pays qu’il aime et qui est aussi le sien à présent.

Chiche, 99 route d’Esch à Luxembourg.

Fabien Rodrigues
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