Nordine Zidoun et Audrey Bossuyt

Pas de deux : entrée

d'Lëtzebuerger Land du 22.11.2013

L’espace, beau et sobre au parquet noir, a longtemps pu être perçu comme l’endroit qui allait amorcer la mutation de la rue Adolphe Fischer en quartier tendance. À défaut, c’est la galerie Zidoun-Bossuyt qui pliera bagage en 2014.

Nordine Zidoun et son associée Audrey Bossuyt quitteront les lieux pour s’établir dans un espace plus prestigieux dans un quartier ayant pignon sur rue : au Grund. Si tout se passe comme prévu, l’importante rénovation sous les ordres de l’architecte Stefano Moreno sera finalisée au printemps prochain et l’espace de 400 mètres carrés ouvrira ses portes avec l’inauguration d’un show des artistes luxembourgeois Martine Feipel et Jean Bechameil. « Le lieu sera à l’image des grandes galeries new-yorkaises, annonce Audrey Bossuyt, les plans d’architecte à la main. Il y aura plusieurs étages, de la place  – l’espace nous ouvrira d’autres dimensions, aussi en termes de relations avec les clients ». L’ambition pour les années à venir est de taille, la fébrilité palpable : « Nous avons l’intention d’être présents à davantage de foires, parmi les plus prestigieuses. Faire partie des grands... »

Audrey Bossuyt et Nordine Zidoun se sont associés le mois dernier, après des années de coopération au sein de la galerie Zidoun née en 2008. Dans la nouvelle configuration, Nordine continue à assurer la programmation artistique, tandis qu’Audrey est art advisor, métier qu’elle a exercé pendant six ans auprès de la galerie Xavier
Hufkens à Bruxelles et en tant qu’indépendante à Londres. Ensemble, le duo rayonne de professionnalisme et de détermination.

Depuis l’ouverture de sa première galerie à Paris, Nordine a cultivé sa passion des artistes new-yorkais et spécifiquement afro-américains. Avec succès – il détient l’exclusivité, pour l’Europe, d’artistes montants, dont certains sont déjà devenus des célébrités tel Terry Adkins, entré dans la collection permanente du Moma et représenté par les plus grandes galeries des États-Unis. Ou Mustafa Maluka, jeune star sud-africaine émergente vivant en Finlande, exposé rue Adolphe Fischer en avril dernier. « Souvent, ces artistes ont une approche moins commerciale, voire s’en foutent du marché, rajoute Audrey, non seulement faut-il avoir l’œil, mais aussi savoir les convaincre». « Si les artistes afro-américains cartonnent, explique allègrement Nordine, ça n’a rien à voir avec Obama ; c’est parce que l’art est cyclique. Les gens se lassent de l’art abstrait qu’ils ne comprennent pas toujours – l’ère du message à faire passer est de retour, et les artistes afro-américains ont des choses à dire ». Tel David Hammons, dont le travail reflète son engagement pour les droits civiques et le mouvement Black Power. Son chandelier et panier de basket symbolisant la collision de deux univers, la bourgeoisie américaine et la street culture de la communauté noire, vient de battre des records en se faisant arracher à huit millions de dollars.

Le Luxembourg, mine de rien, est un marché porteur. « Quand je me suis installé ici avec ma famille, j’étais étonné des œuvres formidables qu’il y a, bien cachées dans les maisons de collectionneurs, se souvient Nordine. Souvent, des objets qu’on ne voit pas facilement à Paris ». Pour Audrey, « un des avantages du grand-duché, paradoxalement, est le fait de ne pas passer pour un haut lieu de l’art contemporain et de ne pas faire peur, en termes de rivalité, aux galeristes de l’autre côté de l’Atlantique. Il est donc plus facile d’avoir accès aux grands noms… un peu comme c’était le cas à Bruxelles il y a quinze ans ». Vu son offre de niche, la clientèle de la galerie est aussi suisse, belge, allemande, anglaise,… mais « reste européenne, si ce n’est dû au fait que certains artistes interdisent la vente de leurs œuvres à des Américains en dehors des États-Unis ».

Pour les associés, un des éléments-clé du futur développement de la place sera le port franc dont l’ouverture est prévue pour la fin de l’année 2014. « Nous pensons que le port boostera le marché de l’art local. Nous l’utiliserons pour entreposer des œuvres de valeur et pour les montrer aux clients. Nous avons déjà des demandeurs ».

Malgré sa spécialisation afro-américaine, l’intention de Nordine Zidoun a été depuis le début d’intégrer des artistes luxembourgeois dans son catalogue. « Le rôle d’une galerie, je trouve, est aussi de faire découvrir l’art du pays. Le moment en est venu. Le nouvel espace sera notre outil pour le faire ; notre méthode de les exposer en même temps que d’autres ». De belles perspectives pour les artistes du pays qui auront le don de convaincre ce duo hyper-dynamique.

La Galerie Zidoun-Bossuyt héberge actuellement une exposition de groupe de David Deroo, Gregor Hildebrandt, Rashid Johnson, Robin Rhode, Ryan Sullivan and Kelley Walker.

Béatrice Dissi
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