Jean-Paul Friederes

Jean-Paul et les pommes

d'Lëtzebuerger Land du 18.10.2013

Eppeldorf, littéralement le village des pommes, porte bien son nom. La tentation de croquer est partout, du panier des promeneurs aux vergers débordants de fruits. On suit les panneaux qui nous mènent à l’Eppelpress du village, devenu depuis quelques temps un lieu culte pour tous les amoureux de l’automne. À peine entré, l’odeur de pommes nous embaume les narines.

Dans ce hangar, plusieurs caisses de 320 kilos de Boskoop, Reinettes et autres Golden font la queue devant le pressoir, devenu la star du village. Depuis cinq ans, c’est lui qui a fait connaître du grand public Jean-Paul Friederes, jusqu’alors producteur de lait et de viande bovine à Eppeldorf. En 2008, il fonde l’Eppelpress, une entreprise qui propose de presser les pommes des détenteurs d’arbres fruitiers pour ensuite leur en fournir le jus, prêt à être consommé. Une idée simple en somme, encore fallait-il l’avoir.

« Mon frère avait vu ce concept en Allemagne et comme il y a beaucoup de vergers dans le coin, on a eu envie de se lancer », se souvient Jean-Paul, casquette estampillée Eppelpress sur la tête. « On a commencé en distribuant des tracts publicitaires le premier week-end de septembre au marché des Lëtzebuerger Produkter à Medernach et quinze jours après on a ouvert. C’était de la folie, d’autant que 2008 a été une bonne année de pommes ».

Plus que ça, le concept plaît. Boire le jus de ses propres fruits, c’est bon, c’est bio et en plus c’est beau. Car Jean-Paul n’a pas choisi n’importe quel packaging pour livrer son jus fraîchement pressé. « Nous ne connaissions rien au design mais nous avions repéré deux choses. D’abord, un prospectus qu’on avait eu un jour dans notre boîte aux lettres et dont le style nous plaisait bien, ensuite un système d’emballage de jus de fruit sous vide permettant une longue conservation », explique Jean-Paul.

Un coup de fil pour connaître le créateur dudit prospectus et un rendez-vous plus tard, Tom Gloesener signe le design d’Eppelpress. Rien que ça. « On ne le connaissait pas avant, mais on a vite réalisé la chance qu’on a eue. D’autant qu’on est parti de rien et qu’on a dû tout créer », souligne Jean-Paul. Logo, identité visuelle, emballage écologique en carton… tout est soigné et la marque ne tarde pas à se faire connaître dans la Grande Région. « Pour notre design, on a gagné un prix à Eindhoven en 2009 et le Grand Prix Paperjam de 2010, ce qui nous a fait pas mal de pub ».

Mais la pub, Eppelpress s’en passerait presque. Chaque année, quand vient l’automne, Jean-Paul et sa famille, toute impliquée dans l’affaire, ne compte plus ses heures. « Entre l’accueil des clients, la réception des fruits, au minimum 200 kilos, et le pressage, le rythme est intense ». Car la machine ne fait pas tout. Les pommes doivent être suivies à la trace,l’entreprise garantissant à ses clients du jus uniquement issu des pommes livrées par leurs soins. L’origine étant certifiée, tout doit donc être judicieusement surveillé.

Une fois le pressoir en route, une caisse de pommes met en moyenne une heure trente pour se transformer en jus. Les résidus de fruits sont quant à eux récupérés par le voisin de Jean-Paul qui s’en sert pour son installation biogaz. Pendant ce temps, le jus est pasteurisé à 80°C puis emballé, facturé et retourné au client.

L’entreprise presse aussi ses propres fruits, dont l’essence est ensuite revendue dans différentes enseignes locales. « Le but n’est pas de faire du gros commerce, juste d’approvisionner certains magasins spécialisés dans les produits régionaux», précise Jean-Paul Friederes. Car c’est bel et bien dans la promotion des richesses du pays que réside l’objectif d’Eppelpress. « Nous faisons des jus cent pour cent naturels, pommes-cerises, pommes-sureau, pommes-carottes… Mais aussi des sirops et des confitures maison, réalisées là encore avec des fruits luxembourgeois, comme les cassis de Beaufort par exemple. Nous avons aussi d’autres projets avec les producteurs de miel du pays, bref nous avons encore plein d’idées mais trop peu de temps », conclut-il, sourire en coin.

Chaque année, Jean-Paul Friederes et sa femme accueillent également les écoliers luxembourgeois au sein de leur pressoir. L’occasion de leur faire voir, et boire, les fruits de notre pays, autrement que dans les briquettes du commerce. Une découverte pour la plupart mais surtout un premier contact avec ce goût si particulier, moins sucré mais plus parfumé, des bonnes choses dont il faut savoir profiter.

Salomé Jeko
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