Mélange de plantes et de silhouettes humaines à la galerie Reuter Bausch.
Une expérience apparemment simple

Revoir le naturel

d'Lëtzebuerger Land du 25.11.2022

L’un peint avec délicatesse – Clément Davout – seulement des vues rapprochées de plantes qui ont l’air surdimensionnées, l’autre extrait à la tronçonneuse – Laurent Turping – des petites silhouettes humaines de troncs de hêtre, de châtaignier, de noyer, de cerisier.

On pourrait se raconter une histoire. C’est d’ailleurs vrai concernant les portraits de plantes de Clément Davoud. Ce jeune artiste français (il est né à Flers en 1993), se promenait le soir dans les rues de Bruxelles et regardait la vie des gens du rez-de-chaussée à travers la fenêtre, derrière un rideau de plantes en pot. La lumière électrique faisait particulièrement ressortir leurs ombres. Clément Davoud ne s’est pas installé en voyeur dans la rue, avec un chevalet mais il a conservé l’idée, partant de prises de vues photographiques et travaillant ensuite dans son atelier.

On pourrait aussi dire que ses tableaux évoquent un cycle de quatre saisons. Le fond des tableaux, peints à l’huile sur toile, a quatre couleurs : bleu clair comme à la naissance du printemps, vert gras comme au début de l’été, rouge comme aux derniers feux de l’automne, brun comme ce qu’il reste de luminosité en hiver. Ces tableaux dans le tableau sont donc un exercice de peinture sur le souvenir des promenades nocturnes de Clément Davout mais aussi un rendu de son ressenti, comme les délicates tons violets d’une branche aux feuilles arrondies.

L’éclairage vient de derrière, d’une atmosphère bleutée. Le tableau s’appelle Ma pensée est légèrement nuageuse. Les titres des œuvres de Clément Davout sont des phrases de poèmes qu’il prend en note. Elles sont indissociables dans Un instant au bord du monde, où, contrairement aux autres plantes, souvent comme collées à la vitre ou éclairées par derrière – la branche est reproduite avec une grande précision naturaliste sous une boule dorée hypnotique. C’est un tableau à accrocher seul au mur et à regarder pour un instant de lâcher prise. Pareil pour Elle devient ses yeux avec ce reflet lunaire dans la fenêtre. Avec des plantes en pot, un sujet très banal, Clément Davout a séduit Julie Reuter. Ainsi des espaces interstitiels d’une feuille d’un caoutchouc. La phrase titre est Réflecteur des rêves. À chercher où placer ce jeune homme de 29 ans dans l’histoire de l’art, on constate que son travail résiste pour l’instant à toute classification.

La galerie Reuter Bausch, pour la fin du cycle des expositions de sa première année d’existence montre qu’elle n’a pas peur de l’éclectisme. Les silhouettes humaines de Laurent Turping, ce sont – peut-être - les personnes que Clément Davout a observées derrière les plantes dans leur intérieur. On n’en voit nécessairement que les silhouettes, leurs contours. On sait que ce n’est pas le premier métier de Laurent Turping. Né en 1967 à Ettelbruck, il a suivi des cours de sculpture avant de s’adonner à la découpe de ses personnages. Solitaire et les mains dans les poches, hiératique et les bras collés au corps, plus rond et tenant un enfant par la main. Est-ce de l’art brut ? On préfère dire spontané.

On revient à notre promenade dans une histoire. Treize personnages, plus un chien, ont été serrés comme pour une photo de famille par Laurent Turping, immobilisés sur une mince planche sous Ses yeux sont des trous de lumière de Clément Davout. C’est ce qu’on aperçoit par la vitrine de la rue Notre-Dame.

L’exposition de Clément Davout & Laurent Turping, est
à voir jusqu’au 26 novembre à la galerie Reuter Bausch,
14 rue Notre-Dame à Luxembourg

Marianne Brausch
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