Maux dits d’yvan

Sur tous les fronts

d'Lëtzebuerger Land du 21.06.2024

La maire de Paris avait à peine annoncé qu’elle allait se baigner dans la Seine le 23 juin, que fleurissait le hashtag #jechiedans laseinele23 juin. Mais plutôt que de déshonorer notre Fête Nationale, les Français, impatients, préféraient faire leurs besoins dans le fleuve dès le 9 juin, jour des élections européennes. Depuis, la Seine charrie des eaux brunâtres et le caca facho y fluctuat, nec mergitur.

C’est bien connu, mais plus actuel que jamais : la France a la droite la plus maladroite, la plus gauche et la plus bête du monde. Ainsi c’était bien la peine de virer du parti LR Eric Ciotti qui prônait une alliance avec l’extrême-droite, pour, dès le lendemain, entendre un François-Xavier Bellamy, tête de liste des mêmes LR aux élections européennes, claironner qu’au deuxième tour, « bien sûr », il voterait pour l’extrême-droite face à l’union des gauches. Avez-vous remarqué d’ailleurs que l’union de la gauche et leur programme commun des années 1970 et 1980 a fait place aujourd’hui à l’union des gauches et à leurs programmes pas si communs ? Mais à côté de la droite ou de ce qu’il en reste, la France possède une extrême-droite dont l’adresse n’a rien à envier à celle de sa consœur italienne. À croire que le RN aurait chargé un psychiatre de disséquer la personnalité de Macron, afin d’utiliser ses traits de personnalité pour qu’il continue d’aller de faute en erreur, de bourde en maladresse. Gageons que ce psychiatre n’aurait aucun mal à diagnostiquer chez l’occupant de l’Élysée une mégalomanie constitutionnelle. Cette mégalomanie était plutôt utile au début du premier quinquennat pour redorer le blason de la fonction présidentielle, lourdement amochée après les présidences « normale » de Hollande et bling-bling de Sarkozy. Mais teintée de perversité, elle s’avérait dangereuse dès le début du deuxième quinquennat. Car le sujet pervers considère l’autre non pas comme un sujet individuel et autonome, mais comme un objet qu’il est incapable d’investir d’amitié, d’amour, de haine même, de reconnaissance et d’estime aussi. Et c’est ainsi que Macron, incapable d’éprouver de l’empathie pour ses électrices et ses collaborateurs, peut jeter à la meute électorale les (rares) députés qu’il avait installés il y a moins de deux ans et abandonner comme un vieux godillot son premier ministre qu’il vient à peine d’adouber. Mais les foudres que le Jupiter pervers mégalomane a jetées sur le pays en dissolvant l’Assemblée Nationale, risquent de se retourner, tel un boomerang, en balle qu’il s’est finalement tirée dans le pied. Et Jupiter, comme Vulcain, va se traîner en boitant jusqu’à la prochaine présidentielle. En lame duck, comme disent les Américains.

Depuis la Révolution, la France avançait tant bien que mal sur ses deux jambes, s’appuyant souvent sur la droite, parfois sur la gauche. Elle se reconnaissait dans un parti, un syndicat, une Eglise qui se disputaient le pouvoir. Cela s’appelait la politique et la démocratie. Macron, aujourd’hui, se veut un manager apolitique. Son en même temps ayant cassé la jambe droite et paralysé la jambe gauche, la France est désormais condamnée à claudiquer à trois pattes, croyant devoir prendre appui sur une canne appelée Rassemblement National. Elle est livrée de front à une politique frontale. Les neurologues savent bien que le cerveau frontal ne fonctionne pas avec la raison, mais avec l’impulsivité. Le front républicain est bel et bien mort, le Nouveau Front Populaire espère un remake de son ancêtre et le Front National est droite dans ses bottes. Car en voulant débattre avec la seule Le Pen, en envoyant Attal au combat contre le seul Bardella, Macron a installé le RN comme son seul adversaire, bardellisant littéralement la France en collant un sparadrap sur sa canne. Un Yes, we canne à la française avec un bâton qui ne tardera pas à battre la main qui s’y agrippe. Macron, in fine, ne semble pas peu fier d’avoir imposé le degré zéro de la politique, en privant son pays du nécessaire débat avant les élections, en clamant aussi que les Jeux Olympiques seront un facteur important dans ce non-débat. On ne saurait mieux signifier que le peuple ne mérite guère mieux que des jeux et des pains. Reste à savoir si Macron tient du gambler de poker ou du joueur d’échecs. Il y a fort à parier que c’est un joueur de poker qui court à l’échec. Ce que Mbappé, le capitaine des joueurs français, a très bien compris en déclarant que l’Europe est plus importante que l’Euro. À bon entendeur, salut ! (À suivre).

Yvan
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