L’étau des taux se desserre

d'Lëtzebuerger Land du 21.06.2024

« Enfin », la Banque centrale européenne a abaissé ses taux directeurs, souffle (de soulagement) le Statec dans sa note de conjoncture publiée mercredi. Après une année en récession (-1,1 pour cent en 2023), les agrégats du premier trimestre rassemblés par l’Institut national de la statistique indiquent un basculement avec un retour annoncé à la croissance en 2024, à 1,5 pour cent, confirmé en 2025, à 2,3 pour cent. Ce retournement conjoncturel tient largement à la politique monétaire de Francfort. L’augmentation éclair des taux avait précipité l’économie européenne dans le rouge. Le retour à la croissance dépendra de l’intensité de la baisse. Ces enjeux sont considérables au Luxembourg. La note de conjoncture révèle ainsi que la hausse des taux a particulièrement affecté le secteur de la construction (et par extension de l’immobilier). « Les entreprises jugent l’état de leur carnet de commandes de plus en plus insuffisant, la durée d’activité assurée est en baisse et plus de la moitié des entreprises témoignent en mai d’une demande insuffisante (bien plus que dans les pays voisins et en zone euro) », écrit le Statec.

Le secteur du bâtiment est celui qui a le plus souffert des faillites et qui a le plus licencié. Les services de Serge Allegrezza soulignent notamment que les entreprises luxembourgeoises, plus exposées au taux variable (95 pour cent des crédits) qu’ailleurs (85 pour cent), ont particulièrement souffert de la politique monétaire avec 62 pour cent de charge d’intérêt en plus entre 2021 et 2023, « ce qui est bien plus élevé que les autres pays de l’UE ». Or, les entreprises du bâtiment sont celles qui ont le plus recours à des financements bancaires (deux tiers d’entre elles contre vingt pour cent dans les autres secteurs). La baisse des taux d’intérêt « devrait redynamiser la demande, mais cela prendra du temps », fait valoir le Statec. La reprise des transactions concernerait d’abord les logements existants « dont les prix ont bien plus baissé que pour les logements vendus en construction ». Mais le retournement est sensible après plusieurs exercices en baisse : au 1er trimestre, les crédits immobiliers aux ménages ont augmenté de 21 pour cent.

D’ailleurs, les résultats du secteur bancaire continuent de progresser après des résultats records en 2023 (augmentation des bénéfices de 67 pour cent sur un an) « portés par la remontée des marges sur intérêts et la baisse des provisions pour couvrir les risques (liés en 2022 aux engagements envers des contreparties russes) ». Au classement des entreprises économiques contributrices aux recettes publiques, les établissements de crédit (36 pour cent contre 23 en 2022) dépassent donc les soparfis (29 pour cent contre 39 un an plus tôt) et les sociétés de gestion de fonds (27 et 28 pour cent).

Pierre Sorlut
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