Le Togo l’a vu naître ; la Chine grandir et le Luxembourg éclore en tant qu’artiste. Une drôle de vie que Taw Tchagbele doit, notamment, au parcours diplomatique de son père. Sauf pour l’étape grand-ducale en fait. « Là, c’est moi qui ai choisi le pays. Au lycée, à Pékin, j’avais flashé sur un prospectus qui présentait l’Uni. J’avais adoré l’architecture de l’université ! » Le destin tient parfois à peu de choses…
Aujourd’hui, ce n’est plus tant la licence d’Économie & Management obtenue ici qui guide les journées du jeune trentenaire. Plutôt une double passion : le dessin et la mode. Ainsi, sneakers, perfecto et blue-jeans qui lui tombent sous la main sont devenus ses supports d’expression favoris. Le cuir et le tissu sont la base de la plupart de ses créations quand il ne s’attaque pas à des murs ou à… des extincteurs !
Môme, ses stylos et feutres s’étaient déjà portés vers ses propres fringues. Un coup du hasard : « Pour ne plus me faire repérer par la maîtresse d’école quand je dessinais, je griffonnais sur le haut des cuisses de mon pantalon ! ». Les copains ont vite apprécié ce look improvisé sous la table de classe. Taw a su qu’il tenait là une originalité. Un style qu’il a peaufiné avec les années et qui, désormais, lui vaut « clientèle worldwide ».
Car les réseaux sociaux ont vite donné à ses pièces une visibilité artistique et une résonance commerciale internationale. Il ne se passe pas un jour sans que Taw Tchagbele ne reçoive une commande. Une universalité qui, selon lui, tient aux personnages qu’il a choisis de croquer sur les tenues ou accessoires de son choix. « Mes références piochent le plus souvent dans l’univers Disney ou du côté des mangas. Des mondes reconnus au-delà de toutes les frontières, géographiques comme générationnelles. » Sur les cuirs qu’il dégraisse préalablement avec soin, les pinceaux de Taw vont ainsi tracer et colorer, des Picsou autant que des super-héros sortis d’animés nippons. Avec un penchant pour les couleurs et l’énergie de Ken ou Ryu de Street Fighter.
Sur les peaux animales, le trait est précis, le coloris punchy. Et le détournement d’images pas rare. « Celui avec lequel je me suis le plus permis de choses, c’est Picsou. Je l’ai fait en mafieux, en moine, en espion. Je le vois comme un symbole bling-bling agressif assez éloigné du côté enfantin de la BD. » La candeur du jeune lecteur a fait place à la conscience du jeune adulte, le talent a fait le reste.
Car, du talent il en faut autant que de la dextérité pour prendre de la peau tannée comme base de travail. Jamais lisse, toujours souple. La main doit faire avec une surface rétive, les coutures, la mollesse du cuir. Des contraintes que Taw ne perçoit même plus comme telles. « Ma femme, est tatoueuse. C’est mille fois plus compliqué. Moi, tout se rattrape d’un petit coup de chiffon imbibé. Par contre, elle avec de la chair, elle n’a pas droit à la faute. »
Contacté de plus en plus souvent pour prêter ses vêtements customisés pour des séances de photos ou des expositions, recevant de plus en plus d’invitations pour telle ou telle fashion week, celui qui signe im_taw espère maintenant… un coup de téléphone. L’appel d’une maison de couture qui lui proposerait de créer une collection. Sa collection. « Je me sens prêt pour ce genre de défi. » En attendant que son mobile ne vibre, à Version Originale (la boutique de la capitale qui a flashé en premier sur son travail), Taw Tchagbele sonne déjà l’alarme : courant 2023, il sortira une ligne streetwear. Un autre chapitre multicolore de sa drôle de vie..