Commission européenne

Un paquet « télécom » très controversé

d'Lëtzebuerger Land du 27.09.2013

C’est un texte dense mais très controversé qu’a adopté la Commission européenne le 12 septembre en vue de réformer en profondeur la régulation des télécommunications en Europe pour mettre en place un réel marché unique dans ce domaine encore très fragmenté. Elle déplore que ce marché fonctionne toujours « sur la base de 28 marchés nationaux distincts » et représente « à peine neuf pour cent de l’économie numérique européenne ».

Pour tenter d’y remédier, elle propose un ensemble de mesures clés pour faire de l’UE « un continent connecté ». Selon son président, José Manuel Barroso, il s’agit du projet « le plus ambitieux » proposé par l’exécutif européen en 26 ans de réformes du secteur.

L’une des mesures consiste à instaurer une autorisation unique – et non plus 28 autorisations distinctes – pour les opérateurs afin qu’ils puissent exercer leurs activités dans l’ensemble des 28 États membres. Une est également envisagée pour libérer l’innovation et « garantir aux Européens un meilleur accès aux réseaux mobiles 4G et WiFi ». Complément de la proposition, la recommandation sur « les obligations de non-discrimination et les méthodes de calcul des coûts » vise à augmenter les niveaux d’investissement et limiter les divergences entre régulateurs, notamment pour ce qui touche aux conditions d’assignation des radiofréquences

La mesure la plus notable du « paquet télécom » réside dans la baisse programmée des coûts d'itinérance (ou de roaming). Un combat que mène la Commission depuis près de six ans et surtout la commissaire Neelie Kroes en charge de ce dossier. En mai dernier, celle-ci envisageait purement et simplement de supprimer ces tarifs facturés par les opérateurs de sorte que les consommateurs ne soient plus pénalisés financièrement pour l’usage de leur mobile à l’étranger et pour favoriser l’émergence d’un marché des télécoms ouvert. Mais devant le tollé provoqué par cette intension – et le lobbying des opérateurs –, elle a fait marche arrière. Donc à compter du 1er juillet 2014, ces frais applicables aux appels mobiles entrants – seulement – lors de déplacements dans l’UE seront abolis. Les opérateurs pourront toutefois choisir entre deux options : proposer des formules d’abonnement s’appliquant partout dans l’UE à des tarifs d’itinérance basés sur les tarifs nationaux, ou autoriser le choix d’un opérateur différent pour les services d’itinérance proposant des tarifs moins élevés, et ce sans changer de carte Sim.

De plus, l’exécutif européen souhaite supprimer aussi les majorations sur les appels fixes et mobiles passés à partir de l’État membre d’origine de l’abonné vers d’autres États membres. Dès lors, les tarifs facturés par les opérateurs pour un appel fixe intra-UE ne devront plus être plus élevés que ceux d’un appel national longue distance. Pour les appels mobiles intra-UE, le prix ne pourrait dépasser 19 centimes la minute (hors TVA). Néanmoins, lorsque les opérateurs fixent leurs tarifs, ils pourraient récupérer des coûts « objectivement justifiés », indique le texte.

Malgré ces aménagements par rapport à l’intention initiale, les opérateurs se sont clairement élevés contre cette mesure. Ils soulignent que dans un contexte concurrentiel très tendu, la suppression de sources de revenus induite par ces mesures va menacer les capacités d’investissement des opérateurs. Surtout au plus mauvais moment, puisqu’on assiste au déploiement de la 4G qui implique beaucoup d’investissements. Selon l’Etno, le représentant européen des opérateurs, « globalement, ces mesures ne vont pas créer l’élan nécessaire pour atteindre les objectifs de l’agenda numérique et contribuer à la croissance économique ». L’association enjoint la Commission « de s’écarter des mesures qui vont freiner les investissements dans les infrastructures ».

Parallèlement, la proposition confère de nouveaux droits aux consommateurs qui leur permettront notamment de renoncer à un contrat si les débits annoncés ne sont pas respectés. Les contrats devront aussi être « clairement rédigés » et contenir des informations « plus comparables ». Le changement de fournisseur ou de contrat sera facilité et il sera possible de conclure un contrat d’une durée de douze mois maximum. Enfin, le transfert des courriels vers une nouvelle adresse e-mail après un changement de FAI serait encouragé.

Autre volet contesté : celui visant à assurer la protection de l’Internet ouvert (la neutralité de l’internet). Il s’agit pour la Commission d’interdire le blocage ou le ralentissement de certains services par les opérateurs. Néanmoins, les opérateurs et FAI auraient toujours la possibilité de fournir (contre paiement) des « services spécialisés » à qualité de service garantie (IPTV, VoD, Cloud pour applications critiques d’entreprise…), à la condition qu’ils « ne freinent pas les vitesses d’accès promises à d’autres clients ». Pour les défenseurs d’un internet libre, cette réserve favorisant les opérateurs vide le principe de neutralité de son sens. « Elle autorise explicitement la discrimination commerciale par le biais de priorisation », écrit la Quadrature du Net, qui souhaite désormais que le Parlement européen fasse barrage et sanctuarise enfin la neutralité du net.

Sophie Mosca
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