La première exposition monographique de Golnaz Afraz sublime le quotidien pour le rendre universel. À Dudelange, galerie Dominique Lang

Révélation

d'Lëtzebuerger Land du 17.05.2024

Une artiste qui expose pour la première fois aux Deux galeries de la Ville de Dudelange, se voit automatiquement attribuer l’espace Dominique Lang, dans l’ancienne gare de l’arrêt Dudelange Ville. Une surprise de taille y attend le visiteur : la forte expressivité et le monde très coloré et personnel de celle qui se définit elle-même sur son site en ligne comme « artiste peintre » : Golnaz Afraz.

On ne sait pas où Marlène Kreins, qui dirige le service culturel de la Ville de Dudelange, a connu les œuvres de Golnaz Afraz, née à Téhéran en 1981. On suppose que c’est l’année dernière, suite à l’obtention par Golnaz Afraz du prix de la Villa Seurat Foundation. Où serait-ce sur le site en ligne de Saatchiart, la célèbre galerie londonienne devenue depuis 2019, une plate-forme en ligne spécialisée dans la découverte d’artistes ? Golnaz Afraz, en 2015, remportait le Saatchi Art Showdown prize, dont le thème était cette année-là « Painted World ».

Un monde peint. Ou de peintures. On ne peut mieux résumer les scènes montrées par celle qui a étudié la peinture à partir de 2007 à Téhéran et y a aussi exposé –un fait suffisamment étonnant vu le destin des femmes au pays des mollahs, que Marjane Satrapi a si bien fait connaître dans ses BDs. Puis, à partir de 2011, elle a étudié à Strasbourg, où elle vit. Dans les grandes toiles au rez-de-chaussée de la galerie Dominique Lang, sont accrochés des grands formats, dont Last woman, La dernière femme qui donne aussi son titre général à l’exposition.

Cette grande toile – Golnaz Afraz les travaille toutes à la gouache et à l’acrylique– est juste épinglée au mur, comme Green lemon. Cela leur donne un flottement libre qui correspond mieux à l’esprit général du trait souple de l’artiste et de ses univers également mouvants nous a-t-il semblé, qu’aux pièces tendues sur cadre. L’atmosphère est généralement donnée par l’espace extérieur naturel, sauf par exemple la scène d’intérieur Party Time. Le point de vue de l’artiste y est suffisamment éloigné des personnages, de sorte que l’on sent le mouvement de la fête, alors que par ailleurs et systématiquement, les personnages sont de face, ou de face et de profil, immobiles, les traits figés, parfois les yeux clos comme des statues, des totems…

Il s’agit majoritairement de femmes, les cheveux couronnés de lauriers qui se perdent dans le restant de la végétation du tableau. Elles sont hiératiques, portent parfois des collerettes finement dessinées comme de la broderie. Énigmatiques, on ne sait pas si elles rêvent d’un monde tel le paradis, si elles se souviennent d’hier ou se projettent dans l’avenir comme dans le portrait Futur, où le visage aux yeux masqués de fleurs, porte un casque d’astronaute.

D’autres portraits sont à voir à l’étage, dont Son regard, qui lui, transperce le spectateur droit dans les yeux. Sinon, des éléments sont récurrents – des fruits, une barque – parfois une partie du tableau est inachevée, une deuxième composition peut être placée en bordure. Et puis encore et toujours, ces couleurs qui claquent. On n’a pu s’empêcher de penser – et c’est un compliment – à des courants de l’histoire de l’art, d’ailleurs antagonistes : expressionnisme allemand, impressionnisme français, hyper-réalisme anglo-saxon.

S’il s’agit de toute évidence d’un travail qui relate quelque chose de personnel, on peut aussi y voir comme dans la toile Bages, qui fait irrépressiblement penser au jardin de Monet à Giverny, le storyboard d’une projection vers l’avenir. Car, de toute évidence, le souci écologique fait aussi partie de l’œuvre que peint Golnaz Afraz. Comme la couleur rouge du feu dans la forêt en arrière-plan de Cold fire. On ne serait pas étonnée que cette strasbourgeoise d’adoption, dont le CV révèle une carrière internationale, mais qui semble depuis quelque temps plus limitée à la France, soit rapidement revue au Luxembourg.

Golnaz Afraz - Dernière femme est à voir jusqu’au 16 juin à la galerie Dominique Lang à Dudelange

Marianne Brausch
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