Téléphonie mobile

BlackBerry tente de rebondir

d'Lëtzebuerger Land du 13.07.2012

Research in Motion (RIM), le constructeur du légendaire BlackBerry qui a révolutionné le monde de la téléphonie mobile et peut être considéré comme l’ancêtre des générations actuelles de smartphones, est en perte de vitesse, pour dire les choses gentiment. Certains n’hésitent pas à dire que la compagnie canadienne, qui a renouvelé sa direction, il y a quelques mois, après avoir perdu 95 pour cent de parts de marché depuis 1998, est au bord du gouffre, après s’être endormie sur ses lauriers et avoir raté plusieurs mutations technologiques majeures. Les BlackBerry sont-ils appelés à être supplantés pour de bon par leurs concurrents et à disparaître du marché ?

La nouvelle direction du groupe ne le voit pas de cet œil. Selon le blog E27, qui suit en particulier l’actualité technologique asiatique, elle s’apprête à investir 100 millions de dollars pour faire éclore une communauté de programmeurs écrivant des applications pour la nouvelle plateforme BlackBerry 10, attendue d’ici la fin de l’année. Ainsi, RIM paierait 10 000 dollars à un programmeur pour mettre au point une application payante à la seule conditions qu’elle génère 1 000 dollars de revenus durant sa première année de disponibilité sur l’App World de BlackBerry. RIM fournira aussi quelque 12 000 versions beta de ses nouveaux téléphones Alpha 10 aux programmeurs intéressés, pour leur permettre de tester leurs projets.

Ces annonces ont été faites lors d’un événement organisé cette semaine à Singapour par RIM. Le blog technologique TechCrunch met en perspective cette initiative, en rappelant par exemple qu’elle intervient au moment où Research in Motion lance un programme d’économies d’un milliard de dollars et serait en train, pour réduire ses coûts opérationnels, de se défaire de l’avion privé dont se servait jusqu’ici sa direction. En même temps, le groupe engage des développeurs, avec l’intention de porter son équipe de 40 à 130 personnes d’ici l’automne.

Historiquement, c’est en s’imposant dans les entreprises comme solution sûre et fiable pour les communications mobiles que les BlackBerry sont devenus emblématiques de la révolution des portables. Depuis, BlackBerry s’est tourné vers le marché des consommateurs individuels, avec un certain succès grâce notamment au prestige que lui a conféré ce statut d’objet professionnel culte. Ceux qui continuent de ne jurer que par BlackBerry sont souvent des utilisateurs qui ont adopté la marque en entreprise et restent aficionados, même lorsque d’autres solutions commencent à s’imposer sur leur lieu de travail.

En pariant ainsi sur les applications, BlackBerry reconnaît implicitement que ce sont désormais les consommateurs individuels qui sont son cœur de cible, puisque ce sont eux avant tout qui s’intéressent aux applications disponibles sur sa boutique App World. Ses efforts commenceraient déjà à payer, avant même la sortie du nouveau système d’exploitation, selon une étude de VisionMobile citée par TechCrunch : ses applications payantes généreraient près de 3 900 dollars par mois en moyenne pour leurs programmeurs, quatre pour cent de plus que pour ceux qui écrivent pour le système d’exploitation des iPhones, iOs, ceux-ci gagnant eux-même 35 pour cent de plus que ceux qui conçoivent des applications pour les smartphones Android. Mais la même étude signale que BlackBerry est graduellement abandonné par cette communauté de développeurs, qui se tournent de plus en plus vers d’autres plateformes. Offrir des récompenses significatives pour que des programmeurs s’intéressent au nouveau système d’exploitation et tentent leur chance en concevant et en commercialisant des applications dédiées aux nouveaux smartphones sur sa boutique en ligne, est-ce le bon pari pour RIM ?

C’est en tout cas un pas dans la bonne direction, car par rapport à l’iPhone et aux Android, qui l’ont largement dépassé, l’absence d’un univers foisonnant d’applications comparables sur le BlackBerry est indiscutablement un facteur qui contribue à son délaissement. Mais force est de se demander si cette démarche n’arrive pas trop tard. « Je n’ai jamais rencontré un utilisateur de BlackBerry qui avait acheté le téléphone pour les applications », a fait valoir un commentateur sur TechCrunch. Un autre a ajouté que c’est en 2010 ou en 2011 que RIM aurait dû prendre cette initiative.

Jean Lasar
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