Ticker du 22 octobre 2021

d'Lëtzebuerger Land du 22.10.2021

Ceci n’est pas une pub

Le Luxemburger Wort publie samedi (l’édition la plus lue sur la semaine) une double page sur le « développement » de la banque privée Edmond de Rothschild. « Nous voulons doubler la taille du groupe » est-il titré. La présidente Ariane de Rothschild est citée. Elle a été interviewée lors d’un passage à Luxembourg, non daté dans l’article. La patronne de l’établissement apparaît sur la photo principale au côté de François Pauly, le nouveau directeur exécutif de l’établissement et ancien président de la maison d’édition Saint-Paul. Il n’en est plus administrateur depuis que l’éditeur a été racheté en 2020 par le groupe de presse flamand Mediahuis… mais il en reste proche. La baronne Ariane apparaît dans un encadré en bas de page « Une femme de convictions » avec une photo en médaillon. Il n’est jamais question de son départ en trombe de la présidence de la filiale luxembourgeoise lorsqu’il a été rendu public que la banque avait accueilli pas loin de 500 millions d’euros détournés du fonds souverain malaisien 1MDB, a contrario des « activités art de vivre, les Fondations philanthropiques et la voile ». La banque Edmond de Rothschild Europe a été inculpée par la juge d’instruction en charge. Associé à l’héritage et la « valeur de la marque », le terme « prestigieux » est répété trois fois dans un même paragraphe. « Notre conviction est que la finance doit servir à construire le monde de demain. Cette conviction s’incarne dans des investissements visionnaires, pionniers, qui ont un impact positif sur l’économie réelle ». Le site internet francophone du Wort, n’a pas publié l’article pourtant écrit en français (alors que le quotidien de Gasperich germanise ses pages imprimées)… une langue mieux maitrisée que l’allemand sur les marchés visés par Edmond de Rothschild. La banque détient le record de la plus grosse amende prononcée par la CSSF. Le gendarme financier a condamné l’établissement en 2017 à payer neuf millions d’euros pour déficience dans sa gouvernance conformité et de lutte contre le blanchiment, un problème pris en considération par l’établissement après les révélations médiatiques en avril 2016. pso

Symphonie en chut majeur

Encore une audience qui fera date. La Cour de justice de l’Union européenne (photo : sb) s’est réunie mardi matin dans son format grande chambre pour écouter les plaidoiries dans les affaires WM et Sovim contre Luxembourg Business Registers. Ces deux sociétés luxembourgeoises s’opposent au groupement d’intérêt économique et surtout à son service de Registre des bénéficiaire effectifs mis en place en 2019. Les personnes physiques derrières ces entités basées au Grand-Duché souhaitent garder l’anonymat et ont demandé au LBR une demande en limitation d’accès aux informations relatives à leurs bénéficiaires économiques. Il est aujourd’hui possible pour toute personne d’entrer anonymement sur le RBE et de prendre connaissance des personnes morales derrière toute société. En principe, car dans la pratique de nombreux écueils se posent (comme la nécessité de posséder un quart des parts). Dans le dossier WM, un pseudonyme prêté par la Cour à la société, le bénéficiaire effectif use du prétexte sécuritaire pour voir son nom oblitéré. Sovim, qui n’a accédé à l’anonymat, a elle toujours fait en sorte de cacher ses bénéficiaires effectifs. Elle a été créée au Luxembourg en 1998 et a pour actionnaire une holding née à la même date et qui est elle-même principalement détenue par Société Générale Bank & Trust, une banque qui s’y connaît en discrétion (voir page 9). Les deux sociétés ont déposé un recours devant le tribunal de commerce pour faire entendre raison au LBR. 

« Le juge luxembourgeois a décidé de renvoyer cette affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne pour poser des questions préjudicielles notamment sur la validité des textes européens, avec comme conséquence que toutes les affaires similaires au niveau luxembourgeois sont laissées en suspens », fait-on valoir au cabinet Elvinger-Hoss-Prussen qui représente Sovim. Yves Gonner, le directeur des LBR informe en effet que 625 affaires devant les juridictions luxembourgeoises sont suspendues à la réponse de la CJUE aux questions préjudicielles. Les associés d’EHP, Katrien Veranneman et Pierre Elvinger, expliquent que « l’accès public au registre des bénéficiaires effectifs sur base anonyme viole certains droits fondamentaux ». Devant la Cour de justice de l’UE mardi, les avocats ont aussi défendu l’obligation de respecter le principe de proportionnalité. Le régime d’accès ne pourrait aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir la lutte contre le blanchiment. C’est un aspect de la cinquième directive européenne antiblanchiment qui est remis en question. Celle-ci impose l’accès du grand public au registre des bénéficiaires effectifs de sociétés, tandis que celui au registre des trusts et fiducies reste limité aux personnes ayant un « intérêt légitime ». La publicité des informations est à apprécier au regard de l’objectif de la lutte antiblanchiment (notamment contre l’évasion fiscale), mais aussi des principes du règlement général de la protection des données (RGPD). Les juges européens placeront le curseur entre ces différents intérêts. L’avocat général donnera des premières indications sur l’interprétation des débats de mardi en livrant ses conclusions le 20 janvier prochain. pso

Finexis perquisitionnée

Selon les informations du Land, les locaux de la société de gestion Finexis ont été perquisitionnés mardi dans le cadre d’une instruction judiciaire portant sur des soupçons de blanchiment. La société établie sur le Boulevard Royal avait été sanctionnée fin avril par la Commission de surveillance du secteur financier et dénoncée ensuite au Parquet. Finexis a payé une amende de 240 000 euros, une amende record pour ce type de professionnel, entre autres pour ne pas avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux. Finexis domicilie et gère des fonds d’investissement, mais la CSSF (d’Land, 7.5.2021) a mis le doigt sur de nombreuses pratiques douteuses dans le cadre d’une procédure administrative non contentieuse. Elle s’est notamment interrogée sur de l’argent en provenance de Chine. La justice déterminera le cas échéant d’éventuelles infractions pénales. pso

Ça casse ou ça casse pour Wedely 

La Cour d’appel du Luxembourg a rendu mardi son arrêt dans l’affaire H.T. Layer Europe, société qui gère la marque commerciale Wedely, et confirmé les peines prononcées en première instance. Les trois gérants de l’enseigne et l’entreprise elle-même avaient été condamnés le 14 juin à des amendes de 5 000 euros pour travail clandestin. Comme le tribunal, la Cour considère illégal le recours quasi-systématique à des chauffeurs-livreurs (photo : sb) sous le régime d’indépendant, et donc sans contrat de travail, alors qu’ils exercent essentiellement pour ladite société. Les livreurs, principalement des jeunes ou des personnes sans emploi, se seraient « régulièrement inscrits et la rémunération perçue aurait servi à pourvoir à leurs besoins, à assurer leur existence matérielle », avait fait valoir le ministère public dans ses conclusions, sur base d’un rapport de l’Inspection du travail et des Mines. La défense avance elle la difficulté à prédire, au recrutement d’un chauffeur, s’il va effectuer « une activité ponctuelle ou non et, dans ce dernier cas, s’il a besoin d’effectuer les démarches pour obtenir une autorisation d’établissement ». La Cour a retenu que les éléments du dossier répressif selon lesquels « les prévenus redemandaient très régulièrement les services des chauffeurs-livreurs pendant une période continue ». L’avocat de la défense, Philippe Penning, occupé cette semaine dans l’affaire CSV Frendeskrees, estime « probable », de se pourvoir en cassation. pso

Cordon santitaire

Le vote d’un Covid-Check facultatif dans les entreprises a été vécu comme une humiliation par les syndicats, le gouvernement ayant fait fi de leurs doléances, puis de leur « ultimatum ». En représailles, l’OGBL, le LCGB et la CGFP avaient menacé d’« actions juridiques ». Un à manifester serait une option hasardeuse, les syndicats risquant de se voir débordés par les antivax, fortement mobilisés. Le cordon sanitaire commence déjà à craquer. La semaine dernière, le président de la Fédération générale de la fonction communale, Marco Thomé, était ainsi l’invité sur la chaîne de Bas Schagen, tandis que le président de l’Apess, Gilles Everling, participait à la marche blanche, « à titre privé », comme il le précise au Land. bt

Proximité

Jusqu’ici seulement 10 000 personnes se sont fait vacciner par leur médecin traitant, nous informe le ministère de la Santé. À la fin août, le ministère de la Santé avait misé sur les relations de confiance supposés unir les patients et leurs « Hausdokteren » pour booster la campagne de vaccination.  La semaine dernière, sur Radio 100,7, le directeur de la Santé Jean-Claude Schmit expliquait qu’on s’était attendu à « un grand et rapide succès », mais « il faut dire que cela a démarré lentement. » Un échec qui pose des questions plus fondamentales sur la médecine de proximité au Luxembourg, notamment le manque de généralistes et leur faible implantation dans les communautés où ils exercent. bt

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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