Le 14 février 1990, la sonde spatiale Voyager 1 qui se trouvait alors à près de six milliards de kilomètres de notre planète a pris une série de soixante photographies qui sont entrées dans la légende. Parmi cette série surnommée Family Portrait, on retrouve une image de la terre, un minuscule pixel perdu dans un rayon de soleil mais bel et bien visible. Cette photographie connue sous le nom de Pale Blue Dot est le point de départ du premier album du Veda Bartringer Quartet. C’est en regardant un documentaire dédié sur Arte que la guitariste luxembourgeoise et fondatrice de la formation a eu l’idée de composer un morceau en hommage à cette vision unique. Une composition en amenant une autre, tout un album concept tourné autour de l’espace a finalement vu le jour. Ce projet Deep Space Adventure est paru le vendredi 19 avril et la release de l’album a eu lieu le même jour dans le foyer du CAPE (Centre des arts pluriels d’Ettelbruck). L’occasion de revenir sur ce disque et sur le concert de lancement où l’ensemble des morceaux ont été interprétés.
Avant tout, il convient d’évoquer le parcours de la formation. Le Veda Bartringer Quartet a été fondé en 2021 et se compose de la guitariste et compositrice Veda Bartringer, du saxophoniste Julien Cuvelier, du batteur Maxime Magotteaux et du contrebassiste Boris Schmidt. Leur premier EP The Butterfly Effect paru en 2022, aux retombées modestes mais positives, a fait son petit bonhomme de chemin et leur a permis de se produire sur plusieurs scènes locales et notamment lors de la dernière édition du festival Like a Jazz Machine. Deep Space Adventure c’est donc un album concept dont le visuel signé Henri Schoetter, très inspiré et très réussi, annonce la couleur. Sur onze titres, pour 46 minutes de musique, la formation brode un récit cohérent et tout en nuances.
L’introduction Lift Off est une courte pièce d’ambiance qui permet aux artistes de s’accorder, à l’image d’un orchestre en début de concert lorsqu’est donné le la. Search for Light est un morceau lumineux et qui atteint son objectif. Boris Schmidt, le doyen de la formation a de la bouteille et cela s’entend. Sur scène, ses solos font de l’effet et sa constance n’est pas remise en cause. No Edge in the Sky offre à la guitariste un terrain d’expression propice aux variations. Avoid the Asteroid débute sur des notes free avant de décoller. La structure du morceau suit un schéma classique qui n’étonne guère. Arrive toutefois Sun Rays, un titre hommage au batteur de jazz américain Brian Blade, dont la musique a accompagné la guitariste tout au long de ses études à Bruxelles. Veda Bartringer qui développe ici sa palette de jeu est particulièrement inspirée sur scène. Julien Cuvelier, Maxime Magotteaux et Boris Schmidt ne sont pas en reste. Le saxophoniste en particulier trouve son rythme et fait une proposition musicale à laquelle on ne peut qu’adhérer. Le morceau suivant Pale Blue Dot, single de l’album et pièce centrale, fait ralentir la cadence. La guitare légèrement réverbérée sonne presque comme un marimba, ce qui donne au titre une certaine rondeur. Pale Blue Dot est la bande originale d’un film sur un ballon qui s’envole petit à petit jusqu’à quitter l’atmosphère.
On remet les pieds sur terre avec Shuttle Stuck. On retient quelques moments de bravoure et une mélodie toute en progression, peu impactante sur disque mais qui trouve sa raison d’être sur scène. Lazy Space Walk est fidèle à son titre. C’est une pièce détendue qui ferait un parfait écrin pour une chanson. Io’s Volcan et Cosmic Particles constituent une sorte de diptyque de compositions aux antipodes et pourtant complémentaires. Elles apportent toutes les deux une fraicheur à un album qui n’est pas exempts de certaines longueurs. Le projet se termine comme il a commencé, par une courte pièce free. Plus profond qu’aventureux, Deep Space Adventure ne réinvente pas le genre du disque de jazz spatial, magnifié par d’innombrables artistes, de Sun Ra à Benoît Martiny. Pour autant, ce premier opus a le mérite de la cohérence, d’une certaine candeur et offre aux auditeurs la possibilité d’avoir, ne serait-ce que pour un court instant, la tête dans les étoiles.