Tzeedee

Vers un avenir radieux

d'Lëtzebuerger Land du 01.12.2023

C’est un album qui tombe à pic. Au moment où les jours se raccourcissent et où l’ambiance générale n’annonce rien qui vaille, Michel Reis fait paraitre chez CAM Jazz son nouveau projet en solo, résolument optimiste et appelé à juste titre For a Better Tomorrow. Que ce soit dans sa conception, ou par son esthétique, formelle et musicale, For a Better Tomorrow s’inscrit dans la continuité de Short Stories (2019). Tout comme son prédécesseur, l’album a été enregistré à Cavalicco, dans le nord-est de l’Italie, sous la houlette de Stefano Amerio. Les photographies du livret, élégantes et en noir et blanc sont toujours signées Elisa Caldana. Ce onze titres propose cinquante minutes d’une musique introspective, pudique et nuancée. Allant de l’écriture pointilleuse à l’improvisation la plus totale.

L’introduction Bound Together est une jolie entrée en matière mélodique et entêtante. On pense, probablement à tort, percevoir des imperfections qui renforcent l’émotion du titre. Le morceau éponyme, tout en progressions, précède Point Dune, une composition profonde, aussi mature que candide, empruntant son titre à un célèbre promontoire californien. Coal Harbour est un crescendo à la Michel Reis qui doit gagner à être joué en live. Entièrement improvisés, After The Winter, Aquene et Surfacing illustrent à merveille la palette de jeu du pianiste qui sait jongler avec les ambiances et impacter la physionomie même des auditeurs. Sur ces parties improvisées, on fronce les sourcils ou bien on écarquille les yeux mais on ne reste pas de marbre. Velvet Dust est un brin classique. On retient par contre Paper Feathers, qui coche toutes les cases d’un morceau inoubliable.

Le projet contient encore deux reprises de compositions signées Bob Dylan, Simple Twist of Fate et Chimes of Freedom. L’artiste américain est l’une des idoles de Michel Reis, qui l’a vue une quinzaine de fois en live. « Il est surtout vu comme un grand lyriciste, mais sa musique aussi est très intéressante. Il y a beaucoup de matériel pour de la musique instrumentale, même dans ses derniers projets. Cela me paraissait évident de jouer du Bob Dylan ». For A Better Tomorrow a déjà été présenté au public luxembourgeois il y a quelques semaines à Opderschmelz, lors d’une release party dont les échos sont unanimes. « Ce projet me semble plus personnel et les gens aiment ça. C’est aussi l’effet du piano en solo qui permet d’ouvrir ma musique à d’autres personnes qui ne sont pas forcément des amateurs de jazz ».

L’année 2024 s’annonce à nouveau chargée pour le pianiste avec notamment deux sorties assurées. La première avec son incontournable trio qu’il forme avec Marc Demuth et Paul Wiltgen et en collaboration avec l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, Vince Mendoza et Joshua Redman, excusez du peu. Et une seconde avec Pit Dahm, Benoît Martiny et le regretté Michel Pilz, disparu le 2 novembre dernier. Ce quatuor qui réunissait la crème de la crème de la scène locale, s’était produit lors du festival Like a Jazz Machine en 2021, pour une performance qui restera dans les annales, comme souvent avec ceux-là. L’occasion de rappeler, encore et encore, à quel point Michel Pilz, ce grand clarinettiste, colosse du jazz Grand-Ducal, va manquer au paysage musical européen. Reste la musique des quelques très grands jazzmen locaux qui ont repris le flambeau, dont Michel Reis fait assurément partie.

For a Better Tomorrow est disponible sur toutes les plateformes de streaming. (Plus d’informations sur : michelreis.com)

Kévin Kroczek
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