L’an dernier, Péitruss, le deuxième long-métrage de Max Jacoby a connu un joli succès critique. Un thriller ultra-sombre, plein de tension aussi bien sexuelle que meurtrière ; la première étant montrée, la seconde principalement suggérée. Avant d’en arriver là, le réalisateur et scénariste grand-ducal, diplômé de la London International Film School, a réalisé trois courts-métrages et le long-métrage, Dust (2009). Parmi ses courts de jeunesse, Butterflies est sans aucun doute le plus abouti.
Le film de 13 minutes, sorti en 2005, est l’adaptation de la nouvelle éponyme d’Ian McEwen. Il suit – ne le lâche pas d’une semelle pourrait-on dire – Patrick, un homme solitaire au regard triste et à la vie monotone. Il doit se rendre à la police, car il est la dernière personne à avoir vu une petite fille de son quartier vivante. La gamine s’est noyée dans le canal ; comme il ne sait pas nager, il n’a pas pu la sauver, et les secours qu’il a appelés sont arrivés trop tard. Cela n’empêchera pas la culpabilité. D’autant plus quand il apprendra que la petite était la fille d’une ancienne camarade de classe.
Un drame aux choix artistiques marqués, osés même pour un film de jeunesse. Un film en noir et blanc, aux contrastes saisissants, filmé en scope anamorphique ce qui donne un cadre très large et des nombreux espaces flous à l’écran qui isolent le personnage principal. Un court qui expérimente, au niveau du montage et du son, sans jamais perdre son fil, sa tension dramatique et, surtout, sans jamais perdre le spectateur. Un récit pendant lequel le réalisateur, comme à son habitude, ne répondra pas à toutes les questions et laissera le spectateur finaliser un matériau précis en son centre, mais aux bords volontairement bruts.
Tourné en anglais, avec un casting très majoritairement britannique – ce qui ne sera pas sans créer quelques problèmes au niveau du financement du Film Fund –, mais dans lequel on retrouve un très jeune Jules Werner – « j’avais très envie de travailler avec lui car c’est un énorme acteur », note Max Jacoby –, Butterflies a réuni, il y a quinze ans déjà, de nombreux techniciens qui ont depuis fait la fierté du septième art luxembourgeois : Christina Schaffer, Amine Jaber, Carlo Thoss, Uli Simon ou encore Laura Schroeder. Le réalisateur revient sur cette époque.
D’Land : Comment est né le projet Butterflies ?
Max Jacoby : Après mon premier court-métrage, The Lodge, je cherchais une autre histoire courte à adapter. J’ai alors rencontré un acteur à Londres qui m’a dit qu’il fallait absolument que je lise ce recueil d’Ian MacEwen (First Love, Last Rites, 1975, ndlr) et qui m’a traîné dans une librairie pour l’acheter. Je n’étais pas vraiment fan de l’écriture de MacEwen, mais je l’ai lu. Là encore je n’ai pas spécialement aimé les nouvelles, sauf Butterflies où le sentiment de culpabilité du personnage m’a marqué.
Quinze ans après, quel regard portez-vous sur ce film ?
Je pense que c’est le film dont je suis le plus fier parce qu’il fonctionne du début à la fin. Sur certains plans, je me dis désormais que j’aurais pu opter pour des focales un peu plus courtes, mais je reste très content de mon travail, du travail du directeur photo, du casting, etc. Le dernier plan du film marche très très bien et laisse une bonne impression au spectateur. Et puis, le film a été primé au festival de Venise, nommé aux European Film Awards. Le fait qu’il ait eu du succès me donne de bons souvenirs en repensant à ce film.
Quel rôle a joué Butterflies dans la suite de votre carrière ?
Le fait que le film a été vu et primé à Venise a tout changé. Sans ça, il n’aurait pas été vu tant que ça. Butterflies m’a ouvert beaucoup de portes, il a beaucoup facilité le financement de Dust mon premier long métrage (2009). Trop peut-être : c’est allé très vite alors que j’aurais dû plus travailler le scénario, plus travailler le concept pour avoir un meilleur film. Depuis j’ai fait deux épisodes de routwäissgro assez drôles et le long-métrage Péitruss (2019). Actuellement, je travaille sur une mise en scène de théâtre, Cleansed de Sarah Kane, avec la Volleksbühn, prévue pour janvier, février au Gudde Wëllen car, j’ai toujours eu envie de m’essayer au théâtre et puis, le Film Fund ne semble plus vraiment intéressé à faire des films avec moi, ils m’ont refusé mes cinq derniers projets.