Jeunes et politique

C'est pour ton bien !

d'Lëtzebuerger Land du 15.06.2000

Jeune = problème. Le gouvernement PCS/PDL semble baser toute sa politique dans le domaine sur cette équation simpliste : on parle « des jeunes » comme d'une minorité en crise qu'il s'agit de bien encadrer pour qu'ils trouvent le droit chemin, i.e. qu'ils deviennent des fonctionnaires ou employés de banque comme tout le monde. Lorsque le ministre de la Justice, le procureur d'État et la ministre de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse se retrouvent une après-midi pour inaugurer la « maison de la jeunesse », galerie Konz à Luxembourg-gare, leurs discours sont gauches et maladroits, on veut se montrer ouvert et compréhensif. Mais tout indique qu'un centre qui accueille toutes les associations de jeunes est plutôt une maison où l'on gère des crises. Un jeune ne viendra pas forcément là pour s'éclater. 

Ce n'est pas un hasard que ce gouvernement ait aboli un ministère jeune d'une législature seulement. Même si le ministère de la Famille est désormais en charge de la « politique de la jeunesse » (derrière les handicapés, les personnes âgées et les demandeurs d'asile), toutes les mesures qui sont énoncées dans l'accord de coalition visent à encadrer les jeunes, à les 

« guider », à les encourager au bénévolat, à la politique, au travail... Comme des parents, qui les bichonnent bien trop souvent à la maison et font dans le jeunisme forcené pour les impressionner. Le voisin pourtant verra toujours dans le jeune d'à côté un criminel en herbe, qui ne lui cède pas sa place dans le bus et a pris en flagrant délit de jeter un chewing gum sur la voie publique.

Deux messieurs vieillissants annoncent que la Caravane 2000 fera office d'« états généraux de l'utopie » et mettent à disposition de jeunes des « murs d'expression » où ils peuvent tagger au pinceau (!) sans rien salir ou du super-matos vidéo ou radio pour qu'enfin les jeunes leur disent qu'eux aussi aiment écouter Jacques Brel ou Gast Waltzing. (Mais pas qu'ils aiment fumer des pétards, parce qu'alors, censure !) Résultat des courses : chapiteau souvent vide. 

Bien sûr que l'incompréhension entre les deux mondes est totale. Mais les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas plus crétins ou plus futés que leurs parents. Ni plus criminels d'ailleurs. Qu'un pays qui roule sur l'or enferme ses jeunes délinquants dans la prison de Schrassig est un scandale que le Luxembourg doit se faire reprocher par le Comité de prévention de la torture... Si, pour les adolescents en situation de crise, beaucoup d'efforts sont faits ces dernières années, surtout dans le domaine de la médiation, le gouvernement et autres conseils communaux semblent complètement oublier les jeunes « normaux », sans problèmes autres que l'ennui.  Car on s'ennuie ferme dans ce pays, quand on est jeune. C'est probablement une des raisons de la consommation exagérée d'alcool et de médicaments lors des sorties du week-end. Car en semaine, y'a rien à faire, on se fait fermer les bars sur le nez. Le Luxembourg est un pays de vieux schnocks qui commencent à trente ans à lutter pour leur retraite. Un pays où toute une génération manque, celle des 18-25 ans, les jeunes qui pètent la forme et qui en veulent, partis à l'étranger pour leurs études.

Que le gouvernement décide de « réfléchir » à nouveau sur l'opportunité de construire une 

« salle de concerts pour jeunes », pourtant votée à la Chambre des députés, ou au moins sur le site prévu de Esch-Belval - i.e. qu'il ne la fera pas construire dans l'immédiat - ne restera pas sans conséquences. Pas que les rockeux descendent dans la rue, cela semble définitivement une pratique du siècle dernier. Mais des conséquences à plus long terme : une désillusion supplémentaire pour eux, une perte de crédit de la parole politique. Pourtant, ce sont les jeunes adultes d'aujourd'hui, les boutonneux de seize à vingt ans qui ont grandi entre leur console de jeux et la télévision, qui pourraient créer toutes ces magnifiques start-ups mirifiques avec lesquelles le gouvernement luxembourgeois et les ministres européens espèrent construire l'e-Europe. Alors, pourquoi n'ont-ils pas le droit de s'éclater ? 

josée hansen
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