CD Asleep or awake de Dust Dive

Timidement romantique

d'Lëtzebuerger Land du 19.01.2006

Own Records, le label indépendant eschois, continue à enfiler des perles en distribuant l'album de The Dust Dive, groupe folk atypique venu d'outre-Atlantique. Paru en fin d'exercice 2005, cet album est une réédition pour l'Europe de l'album initialement sorti en 2004 sur Free103point9, une structure américaine. Autant dire tout de suite qu'Asleep or awake walk est drapé d'une aura de mystère. L'impression d'opacité du groupe est renforcée par l'extrême sobriété du livret composé de photos de paysages bucoliques et urbains déprimants (on n'est pas là pour rire! est le leitmotiv qui traverse tout le disque), où les notes de pochettes ne confient que le strict nécessaire et une adresse de site Internet défaillante. Tel un sphinx qui égrène ses énigmes, The Dust Dive nous entraîne morceau après morceau dans son monde en s'effeuillant à son rythme lancinant et contemplatif, ne dévoilant que ce qu'il veut bien dévoiler. C'est comme si le groupe souhaitait se protéger derrière la musique qu'il a enfantée et qui la laissait parler d'elle-même! On pourrait qualifier une telle démarche de timide, mais il nous semble qu'elle en dit long sur l'extrême humilité des musiciens (une femme et deux hommes se partageant tous les trois instruments et voix) en présence, artisans effacés derrière leur œuvre. Celle-ci peut alors prendre son envol sans que des histoires d'ego ombrageux viennent ternir son épanouissement. Mais quels sont ces saveurs et parfums développés par The Dust Dive? Awake or asleep est une longue complainte à la fois urbaine et pastorale qui sonde les méandres les plus profonds de notre âme. Réminiscence de musiques proposées par des pairs tels que The Dirty Three (l'utilisation du violon rappelle plus d'une fois les contrées désolées esquissées par l'archet de Warren Ellis), Palace et Sparklehorse, les voix ont à quelques reprises des inflexions deusienne première période (Tom Barman et Stef Camil Carlens ne sont jamais loin!) donnant un côté européen à l'ensemble. Dès les premières notes de Olathe north parking lot, on est happé par l'insondable profondeur des compositions crépusculaires, où le chant n'est pas que mélodie et/ou complainte, mais entre chien et loup et ressemble à un commentaire qui ne transpire pas (mais alors là surtout pas!) la joie de vivre. Le côté commentaire est exacerbé par l'utilisation parcimonieuse d'un vocoder, qui semble être le contrepoint d'une conscience malmenée par ses démons intérieurs. Bien ancrée dans une tradition low-fi, l'orchestration âpre axe ses textures monochromatiques sur des fragiles équilibres reposant sur des arpèges de guitares, un violon des plus torturés, un orgue tout en pesanteur et des samples de bruits de ferme et de chants d'oiseaux, pour n'en citer que quelques-uns. Et ça marche! L'ensemble prend une pertinence insoupçonnée malgré un songwriting parfois erratique et quelques fautes de goût ça et là. Le magnétisme est bien présent et on se retrouve à imaginer des drames sociaux au fin fond de l'Amérique white trash, faite de banlieues désolées où des allées de caravanes font office de quartiers d'habitation miséreux (pour ma part en tout cas!). Vous l'aurez compris, cet album est le parfait complément à une petite déprime de début d'année, à écouter absolument quand il fait moche et gris, et que les gens le sont aussi! Non, blague à part, Awake or asleep walk de The Dust Dive mérite plus qu'une écoute circonstanciée car il recèle un romantisme noir palpable qui fait mouche et qui constitue une valeur refuge de plus en plus rare dans les sorties discographiques. Plus qu'un os à ronger en attendant les sorties d'autres oiseaux de mauvais augure, une très agréable surprise qui ouvre ses ailes au fil des écoutes!

Le CD peut être commandé sur Internet sous www.ownrecords.com.

 

 

David André
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