CD 259 de Eric Rosenfeld

Street credibility

d'Lëtzebuerger Land du 31.07.2008

L’insatiable Eric Rosenfeld frappe à nouveau! Non content d’être le leader et pour l’instant seul songwriter de Versus You, formation pop-punk qui connaît un joli succès en dedans et en dehors du Luxembourg avec un deuxième album sorti récemment, le voilà qui repointe le bout de son nez avec un projet solo intitulé 529 sous son propre nom et paru sur Winged Skull Records, qu’on ne présente plus. Laissant de côté le patronyme Communicaution utilisé durant ses précédentes escapades solo, le bonhomme semble prendre de l’ampleur à chaque sortie.Sa voix avec ce timbre caractéristiquement nasal, qui rappelle, par moments, Manu Chao, a encore gagné en assurance, tout en gardant ce ton sincère qui fait sa marque de fabrique. C’est que l’éthique punk et son aspect no bullshit traverse encore toujours le gaillard, même si on est globalement assez loin des chevauchées perpétrées avec Versus You, son chant évitant ici ses inclinaisons rageuses. Ici, une écriture intelligible, âpre et ramassée s’inspire d’une vie sentimentale terre-à-terre, faite de hauts et de bas, donc tangible et extrêmement identifiable où tout un chacun se reconnaît dans une ligne ou l’au­tre. Cette mise à nu se déroule avec sobriété et dignité, évitant tout larmoiement et excès de fleur bleue qui aurait nui à la force de ces textes simples mais évocateurs. Cette volonté de se livrer à hauteur d’homme devrait se bonifier avec l’expérience, et permet de le placer, actuellement, comme unique songwriter à la crédibilité d’airain de ce pays.Musicalement, il est épaulé par Charel Stoltz à la basse et aux claviers, qui a aussi enregistré et mixé ces neufs morceaux, tandis que Dirk Kellen, en vacances prolongées de Couch­grass, prête ses baguettes et ses fûts, Rosenfeld se chargeant des voix et des guitares. À trois, ils instillent une atmosphère légère, bon enfant et positive qui habille efficacement ces compositions énergiques, mais où la distorsion se fait discrète. On reconnaîtra au rayon influences certains ténors du rock US ou de la powerpop comme Weezer, Nirvana, REM ou Jets to Brazil, avec quelques franches œillades du côté d’un rock FM main­stream, comme le pratiquent, en tout bien tout honneur, Bruce Springsteen ou Tom Petty dans leurs bons jours par ce côté blue collar revendiqué. Parmi ces neufs morceaux d’une durée d’un peu plus d’une demi-heure, on retient A thousand miles to your heart qui convoque le rock US façon Sugar avec une pincée de shoegazing, après une entame que n’aurait pas renié Hole période Live through this. Bus stop pourrait être la réponse de Rosenfeld aux nerds de Weezer d’Island in the sun, Feet et son motif de guitare entêtant, Not the one qui sample Woody Allen en guise de conclusion à ce morceau de rupture et le Quiet conversation piece, pièce instrumentale rythmée par un dialogue d’un couple en dispute, qui clôt l’album en l’enveloppant d’une tristesse sourde, qui tranche avec le reste de l’album. Certes, ceux qui connaissent This is the sinking, deuxième opus de Versus You, reconnaîtront l’une ou l’autre ficelle de composition, mais cette relative lacune est éclipsée par une justesse, une sincérité et une absence de calcul réjouissantes qui assoient un peu plus la place qu’a pris ce gaillard dans la scène locale.

Pour plus d’infos : www.myspace.com/ericrosenfeldmusic, www.wingedskull.com

 

David André
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