CD de Sun Glitters

Glittering threats

d'Lëtzebuerger Land du 19.05.2011

Après dix ans d’activités musicales et de défrichages sonores, Sug(r)cane se range. Si Victor Ferreira, pionnier électronique au Luxembourg, met son projet fétiche au placard, il ne baisse pas les armes pour autant. Au fait des dernières tendances en musiques électroniques et détenant un savoir-faire indéniable en programmation, il lance Sun Glitters. Et là, la machine s’emballe grâce à un zeitgeist qui fait mouche. Une certaine blogosphère s’empare du projet avec le même enthousiasme que pour un Mount Kimbie, nouvelle coqueluche du post-dubstep. Le label californien Ufolk Records signe alors Sun Glitters. Cet engouement valait bien ces quelques lignes, mais qu’en est-il vraiment ?

Everything could be fine, crédo d’un optimisme tenace qui paie enfin, après tant d’années passées dans l’obscurité, ou laconisme cynique et sans fards d’une époque vouée à l’éphémère ? Ni l’un ni l’autre. Le titre du mini-album (huit morceaux pour une petite demi-heure) et du morceau de clôture de Sun Glitters ne donne aucune indication.

Si Victor Ferreira s’est offert un nouvel alias, l’identité sonore garde ses caractéristiques, à savoir un amour pour les ambiances évasives et vaporeuses, héritées du shoegazing. Toujours et encore friand de nappes difficiles à identifier, il agrémente celles-ci de beats lourds qui oscillent entre le downtempo et un dubstep ralenti, voire titubant comme A dragonfly in the city. Autre élément récurrent, l’usage de basses aquatiques et d’échantillons vocaux passés à la moulinette (surtout des timbres trafiqués vers les aigus) et à la chambre d’écho. D’où un va-et-vient des sons, qui semblent se faire aspirer pour mieux revenir vous hanter deux à trois mesures plus loin. Cet effet désarçonnant inscrit ces morceaux dans l’ère du temps, tout en se réclamant de Burial et de Boards of Canada, pour ces ambiances entre une candeur avouée et une sombre menace sourde.

Jusque-là rien de nouveau, rien qui ne sorte des chemins balisés par d’autres, mais ce qui distingue Sun Glitters d’autres moines copistes, c’est cette capacité à faire tenir un album là où beaucoup se contentent d’un ou deux titres forts, le reste étant voué aux remplissages, sous couvert d’expérimentations. Et ce, avec assez de personnalité et/ou d’obsessions propres à mener à bien cette entreprise ! Au fur et à mesure des écoutes, Everything could be fine distille une atmosphère floue, lugubre, mais aussi romantique qui, parfois, se permet de tutoyer les voûtes célestes. Des mélodies minimales et spectrales ajoutent une couche au désordre des sens. En effet, l’apaisement et le malaise se livrent, tout au long des morceaux, à une belle foire d’empoigne, cherchant la mainmise sur la majorité de ces huit plages. Exception faite de Too much to lose, qui lui, baigne résolument dans une nostalgie embrumée.

Everything could be fine montre un artiste en pleine possession de ses moyens. Les années de turbin ont permis à Sun Glitters de s’approprier avec une déconcertante facilité les codes en vigueur dans un sous-genre par essence éphémère, la chillwave, mais sans perdre une once de sa personnalité. Face aux sirènes, la résistance demeure.

Sun Glitters se produira en première partie de Darkstar ce soir, vendredi 20 mai, à l’Exit07. Pour plus d’informations : www.sunglitters.com, www.sunglitters.bandcamp.com, www.ufolk­records.com.
David André
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