CD Song for boats de Talons'

Take 2

d'Lëtzebuerger Land du 21.04.2011

Le label Own Records continue son petit bonhomme de chemin fait de coups de cœurs, mais aussi d’amitiés fidèles comme le prouvent à l’envie les deux sorties suivantes : le Songs for boats de Talons’ et The wounded beat de Mombi.

Talons’ revient donc avec Songs for boats. Après un premier Songs for girls (le bonhomme a de la suite dans les idées), également paru sur la structure luxembourgeoise, ce deuxième opus est un recueil de chansons d’amour apocalyptiques que Mike Tolan, tête pensante du projet, a écrit alors qu’il vivait en Espagne. Ces bateaux qui donnent le titre à ses morceaux sont autant de moyens de fuite et de sauvetage d’un monde en pleine crise. Empreints d’espoir, mais fébriles devant un futur plus qu’incertain. Tandis que la mer, cet espace aussi vaste qu’abyssal, peut être à la fois la quiétude tant recherchée aussi bien que l’objet de la fuite.

Musicalement, le cap est mis sur le slowcore, c’est-à-dire un folk joué au ralenti où s’égrènent des arpèges de guitare et des murmures, tel qu’il est été défini par les Red House Painters, Will Odlham, Sparklehorse ou encore Califone. Comme pour le précédent opus, Talons’ préfère la vignette instantanée à l’œuvre(tte) intemporelle et polie, la plupart des morceaux durant entre une et trois minutes, mis à part deux notables exceptions de cinq minutes. Minimalisme délicat des arrangements et l’utilisation d’une seconde voix féminine, celle de sa compagne Sommer, permettent à Mike Tolan de supplanter le précédent Songs for girls, car ces chansons-ci gagnent ici en limpidité et émotions. L’instrumentation est utilisée à bon escient, et outre les voix et les guitares acoustiques, on retrouve des autoharpes, des accordéons, des clarinettes, des cuivres, des cordes et autres lapsteel guitars œuvrant de manière éparse à l’éclosion des chansons.

Quant à Mombi, il s’agit du nouveau bébé de Kael Smith et de Matt Herron, que l’on a pu croiser avec Khale, groupe de Denver déjà repéré par Own Records le temps d’un Sleepworks. Depuis réduit à un binôme, leur musique a évolué elle aussi. Plus sombre et glaciale, tout en gardant une certaine élégance, elle se meut dans des registres étonnants pour la structure luxembourgeoise.

Prenons Moonsoon, l’oppressant morceau d’ouverture. Sur des samples minimalistes et quelques notes de pianos, Mombi parvient à créer un climat onirique et lynchien. Time goes se veut plus optimiste, malgré des beats et des ambiances toujours aussi sombres, ce qui permet de renforcer le contraste avec le phrasé maniéré de Kael Smith et quelques notes de guitares plus optimistes.

Tout au long de l’album, les ambiances sont rehaussées par des nappes et autres volutes racées, proches d’un shoegazing auquel on aurait enlevé ses aspérités. Comme ce très beau The misunderstanding qui met en place graduellement une virée nocturne et vénéneuse. A contrario, l’éthéré se taille la part du lion sur Cascade gliffs. Seul More coal for the miners… ne semble pas céder devant les textures omniprésentes. Cette approche n’est pas sans rappeler les travaux esthétisants et glacés de The Postal Service, Bark Psychosis ou de Japan à la fin des années 1980, cherchant ainsi à construire des climats propices au monde de rêve. Si la trame de tous les morceaux reste une ligne de chant accompagnée par une guitare sèche spartiate, on remarque une méticuleuse attention portée sur les atmosphères en trompe-l’œil, composés de faux-fuyants, qui renforce ainsi chaque mot égrené par le désabusé Smith.

Si Talons’ ne se démarque que peu des codes sonores qui ont fait la réputation d’Own Records en livrant un travail impeccable mais un peu classique, Mombi arrive à renouveler un peu le discours d’un label aussi discret qu’essentiel.

Pour plus d’informations : www.ownrecords.com, www.mombi.bandcamp.com, www.talons.bandcamp.com
David André
© 2024 d’Lëtzebuerger Land