Man of steel
Le Spëtzekandidat CSV aux législatives, Luc Frieden, a publié mercredi une photo de lui (photo : Twitter), « in London », serrant la pince à Aditya Mittal, CEO d’ArcelorMittal et fils de Lakshmi qui avait mené en 2006 l’OPA sur Arcelor. Luc Frieden, alors ministre de la Justice, du Budget et du Trésor, avait hâté la transposition d’une directive qui pouvait, avait cru la presse de l’époque (y compris internationale), bloquer l’offre « hostile » sur le sidérurgiste européen, lequel employait alors 6 000 personnes au Grand-Duché et dont l’État possédait six pour cent du capital. « À ce jour, le modèle industriel et social d’Arcelor a donné pleine satisfaction au gouvernement luxembourgeois. Le gouvernement utilisera tous les moyens juridiques et politiques à sa disposition pour veiller, dans le respect du droit européen, aux intérêts industriels, sociaux et financiers du Grand-Duché en tant que pays hôte et actionnaire stratégique d’Arcelor, qui est le premier employeur privé au Luxembourg », lisait-on dans un communiqué diffusé en février 2006 par les services de Jean-Claude Juncker (CSV). De son côté, Luc Frieden prétendait vouloir laisser le marché œuvrer. Mais l’homme politique attaché au secteur financier (avocat d’affaires, il deviendra ensuite banquier) ne voulait surtout pas donner l’impression aux investisseurs internationaux et aux multinationales qu’il devenait difficile de faire du business au Luxembourg. La transposition est de toute façon intervenue trop tard et Mittal a mis la main sur Arcelor.
Aujourd’hui Luc Frieden se présente comme l’homme d’un Standort compétitif, pour le centre financier, mais aussi pour l’industrie (il a lancé en 2013 le Haut comité pour l’industrie avec le ministre de l’Économie socialiste, Etienne Schneider), avec notamment une volonté d’offrir des taux d’imposition moins élevés que dans les juridictions concurrentes, a-t-il dit récemment expliqué dans un panel à la Chambre de commerce. « We need a pro-industry environment in Europe to create jobs and be less dependant on other parts of the world. Incentives for sustainable growth, innovation and decarbonisation are necessary. I discussed those issues in London with Aditya Mittal », a ainsi gazouillé mercredi celui qui, sur Linkedin, se présente comme candidat CSV et EPP (famille européenne). pso
Château en friche reprend du service
« Château à louer » à Schengen, lit-on sur atHome.lu et chez d’autres agences immobilières. 4 470m2 répartis sur plusieurs bâtiments, dont la tour esquissée par Victor Hugo en 1870 durant son exil (illustration: licence CC), entourés de 130 ares de terrain en bord de Moselle. Un site premium en friche depuis 2016. Il venait d’être acheté pour onze millions d’euros par Regus. Le groupe exploitant des centres d’affaires, devenu IWG et dont François Pauly est administrateur, avait racheté le bien à la congrégation des sœurs hospitalières Sainte-Elisabeth. Ces dernières avaient tenté ici, en 2010, une incursion dans le business hôtelier avec le groupe Goeres, mais l’association avait tourné au vinaigre en 2014. Le château n’est jamais devenu un centre d’affaires.
Le 3 octobre 2018 (dix jours avant les législatives), les socialistes Nicolas Schmit (ministre du Travail) et Francine Closener (secrétaire d’État au Tourisme) ont présenté leur projet de faire racheter les lieux par l’État, Regus ne souhaitant pas les conserver. Le but ? En faire un hôtel-restaurant et centre de formation pour l’Horesca. Le concept, éminemment social, s’appuyait sur le modèle développé par le chef étoilé français Thierry Marx, avait rapporté la presse à l’époque. Une manière de faire passer la pilule pour le groupe de centre d’affaires basé en Suisse ? Le 28 octobre, un arrêté du conseil de gouvernement avait placé le château sous le régime de la protection nationale.
Le gouvernement a changé. Nicolas Schmit est parti à Bruxelles. Le projet de centre de formation n’a jamais vu le jour. Le château a été repris en 2020 par le groupe immobilier luxembourgeois Guy Rollinger, pour quatorze millions. Il devait devenir un hôtel-restaurant-bistrot, explique le Tageblatt lundi, relevant lui aussi les annonces sur sa location. Ces dernières étonnent. Car depuis 2021, le groupe Guy Rollinger s’oppose devant le tribunal administratif aux contraintes imposées par le ministère de la Culture sur le bâtiment et qui l’empêchent d’y développer son projet. Le secrétaire d’État Guy Arendt (DP) puis la ministre Sam Tanson (Déi Gréng) ont défini un cahier des charges, explique cette semaine au Land Patrick Sanavia, Monsieur Monuments nationaux et patrimoine architectural au Grand-Duché. La procédure devant les juges administratifs est pendante depuis deux ans. Voilà deux mois, le groupe Rollinger a entrepris un rapprochement à l’amiable avec l’État par l’intermédiaire de leur avocat Guy Loesch (Linklaters), pour discuter d’un projet sur site. Une rencontre pourrait avoir lieu à la mi-juin. À suivre. pso
Trois mois au moins pour Liberty Dudelange
Dans trois mois, on y verra plus clair pour Liberty Steel, à Dudelange et partout dans le monde, confie au Land ce jeudi Roland Junck, President & Interim CEO, Europe & UK du sidérurgiste en crise et conseiller officieux de son patron, Sanjeev Gupta. Depuis mars 2021 et la faillite de son bailleur de fonds, Greensill Capital, le groupe sidérurgique Liberty Steel stagne dans l’antichambre de la faillite. Au début de l’année en Belgique, le tribunal de commerce a recalé les projets de reprise du site de Liège dont dépend celui de Dudelange dans la chaîne de production (pour son approvisionnement). La région Wallonie a cependant annoncé apporter vingt millions d’euros d’argent frais pour relancer les opérations sous le giron Liberty et le tribunal doit statuer sur l’avenir du site en tenant compte de ce soutien politique. « Il y a eu des négociations énormes avec les créditeurs : le plus important (Credit suisse, ndlr) est entré en faillite. Tout cela n’a pas facilité les choses », constate l’expérimenté Roland Junck, premier CEO d’ArcelorMittal après la fusion en 2006. « Une fois la restructuration terminée et le refinancement repris, on aura un groupe sidérurgique mieux positionné et un financement plus sain, installé sur la voie de la décarbonisation », promet-il, regrettant au passage l’incertitude dans laquelle le personnel est placé. Dans les prochaines semaines, Liberty Steel devrait ainsi lever des capitaux en s’appuyant sur ses unités de production rentables (comme Galati en Turquie) et non plus sur des montages financiers. À Dudelange, les quelque 180 employés continuent d’être payés à ne presque rien faire. Le site est en stand-by depuis l’automne dernier. Ils ont reçu leur salaire de mai ce mercredi, informe Robert Fornieri (LCGB) qui précise que redémarrer la production exigerait trois mois de préparation. pso
Malinowski chez l’ACD
Le Comité des Cahiers de fiscalité luxembourgeoise et européenne vient de lancer un projet de recherche au croisement de l’anthropologie et de la fiscalité. Les jeunes chercheurs s’intéressent au contrôle fiscal au Luxembourg, une pratique « mystérieuse » sur laquelle il n’existe presqu’aucun écrit. Justement, les sources doctrinales et administratives dédiées à la question étant minimes, les juristes ont mis au point un questionnaire anonyme et invitent les personnes qui ont déjà connu un contrôle fiscal à le compléter. Le projet propose de « mettre en évidence les droits et obligations des contribuables et de l’administration fiscale durant l’enclenchement de ces procédures de vérification ». Les personnes qui veulent participer à cette étude de terrain peuvent s’adresser à fatima.chaouche@ext.uni.lu. bt
Nuances
Entourée d’une délégation restreinte, la ministre des Finances, Yuriko Backes a passé la semaine en Chine. Au programme : « des entrevues avec des hauts responsables politiques et des dirigeants d’institutions financières chinoises ». À part l’une ou l’autre photo de réceptions à Pékin et à Shanghai, le ministère n’aura pas communiqué sur le détail de cette mission. Le directeur de Luxembourg for Finance, Nicolas Mackel, s’est fendu d’un court passage dans les studios shanghaiens de la chaîne d’info BFM Business (l’interview est passée vers 23h30 ; CET). La Bourse de Hong Kong retrouvera-t-elle son influence, après les « difficultés » politiques, s’inquiétait l’intervieweur.
« On peut faire confiance et aux dirigeants de Hong Kong et aux dirigeants chinois pour travailler ensemble, pour soutenir effectivement Hong Kong, canal international de la Chine », a répondu le diplomate luxembourgeois. Interrogé sur les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis, il a estimé que les Européens pourraient « amener un peu de nuance » : « Au lieu de parler d’un découplage, ils parlent de dé-risquer les chaînes d’approvisionnement, ce qui n’est rien d’autre que du bon sens. Par contre, dire ‘friendshoring’, ce n’est pas quelque chose qui a beaucoup de sens, ni économiquement ni stratégiquement ». bt