Merde alors, peut se dire le chef de l’exécutif Xavier Bettel (DP) au vu du sondage Politmonitor (RTL/Wort) paru mercredi. Depuis un mois, le gouvernement prend un maximum de risques au niveau sanitaire pour limiter autant que possible les atteintes aux libertés, perçues dans l’imaginaire collectif comme négatives d’un point de vue électoral, et son action est jugée plus mauvaise que lors du confinement de mars-avril, heure des mesures spectaculaires devant une situation inédite. Aujourd’hui, restos et bars restent ouverts jusqu’au couvre-feu de 23 heures, restriction soft adoptée localement. Ils sont fermés dans les régions alentours où il est même souvent interdit de voir des proches, si bien que les voisins s’encanaillent dans les établissements luxembourgeois, eux-mêmes bien contents de profiter d’une telle manne en cette année noire. Le maintien de l’ouverture des commerces dits « non-essentiels » enchante également professionnels et clients. Et l’on constate, comme samedi dernier, des artères commerçantes bien vivantes avec des terrasses garnies malgré des températures normalement rédhibitoires. Seul le port du masque par une grande partie des piétons rappelle la pandémie.
Comment expliquer ce désamour que même Paulette Lenert (LSAP) peine à endiguer ? Les raisons sont multiples et plus ou moins légitimes. D’aucuns estiment que le gouvernement cède aux sirènes des lobbys de l’horesca et du commerce. Une étude publiée mardi dans la revue Nature par des chercheurs de Stanford et Northwestern University donne pourtant raison à l’approche granulaire consistant à appliquer des doses de précaution comme la limitation des personnes présentes dans les lieux publics ou le port du masque quand on se lève. « Restricting maximum occupancy at each POI (les points of interest comme les bars ou les restaurants, ndlr), is more effective than uniformly reducing mobility », expliquent les chercheurs qui ont basé leur travail sur le big data des mouvements de population et des lieux de contamination.
L’impression d’inaction devant les chiffres d’infections et de décès précipite sans doute aussi dans l’incompréhension. L’amplitude de la deuxième vague dépasse de loin la première. Sa longueur également. Et tout laisse penser que le nombre de décès va croître concomitamment, longuement. D’autant plus que les hôpitaux saturent. Une note de la cellule de crise du Centre hospitalier Emile Mayrisch (Chem) que le Land a pu consulter, dépeint mardi « une situation précaire » avec le nombre croissant d’occupation de lits et de personnel écarté par rapport à des ressources limitées. « Le psychisme a horreur du vide. Le psychisme veut avoir des clartés », analyse le psychologue Gilbert Pregno. L’expectative et la fébrilité dans lesquelles, non seulement le gouvernement, mais aussi tout un chacun, sont astreints du fait d’un savoir encore lacunaire après neuf mois de crise sanitaire transforment le désarroi en défiance. Et la communication parcellaire et de type pravdienne comme Claude Meisch (DP) qui affirme, péremptoire, ce jeudi que « l’école n’est pas responsable de la propagation du virus » au moyen de données discutables, n’invite guère à la confiance. Alors maintenant que l’on sait que le risque ne paie pas ici, se pose la question de savoir quel intérêt l’exécutif a à privilégier l’approche des mesures ciblées à l’application généralisée du principe de précaution.