L’argent de l’Angolagate, du nom d’un « scandale » de ventes d’armes avec l’Angola dans les années 1990, au Luxembourg met toujours aux prises l’ex-banque IBL (devenue en juin 2010 une simple société commerciale sous le nom de Miret) aux deux anciens gestionnaires de l’homme d’affaires franco-russe Arcady Gaydamak que la Cour d’appel de Paris a condamné fin avril à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment. Et au milieu du gué, d’autres intermédiaires qui se placent en embuscade dans l’espoir eux aussi de récupérer la mise, Gaydamak s’étant brouillé avec ses anciens gestionnaires, il en a trouvé d’autres qu’il actionne désormaisà sa guise. Sur le contrat de 790 millions de dollars entre Gaydamak, entre autres, et le gouvernement angolais de l’époque, une partie importante fut recyclée dans les banques luxembourgeoises et l’argent (à travers notamment le fonds d’investissement Doxa) fut un temps gelé par le Parquet avant d’être relâché dans la nature par le procureur, sans d’ailleurs la moindre enquête nationale sur son origine ni sa destination.
Ces flux financiers de l’Angolagate ont alimenté à leur tour une série d’intermédiaires luxembourgeois qui réclament encore aujourd’hui des commissions prétendument impayées. Vinton Finance, une société écran logée à Tortola (Iles vierges britanniques ou BVI), derrière laquelle se dissimulaient deux hommes d’affaires du Luxembourg, réclame ainsi le montant de 10,306 millions de dollars à IBL/Miret. Les anciens dirigeants de cette banque, qui n’en finit pas de panser ses plaies, avaient négocié le « deal » avec Gaydamak. Ils ont été virés sans égard en 2005 pour malversations présumées. Dans l’intervalle, et découvrant peu à peu l’ampleur de son implication dans l’Angolagate, les nouveaux dirigeants d’IBL décident de résilier le contrat avec ses intermédiaires (Vinton), soupçonnés d’être de mêche avec les dirigeants limogés, à l’insue des intérêts de la banque. Le montant de 10,306 millions de dollars correspondrait à une commission de un pour cent sur la valeur nette d’inventaire des actifs du fonds Doxa Global Fund II, qui a servi lui-même de « réceptacle » aux commissions de Gaydamak sur la vente d’armes à l’Angola (d’ailleurs jugées légales par la Cour d’appel de Paris). Le contrat entre Vinton et IBL aurait été rompu indûment par cette dernière, selon la société des BVI. Les (nouveaux) responsables de la banque estiment, eux, que ce contrat était de « pure complaisance » et qu’il n’aurait d’ailleurs jamais trouvé le début d’une exécution, argument qui leur donne une bonne raison de ne pas mettre la main au pot. Les fonds provenaient de Doxa auquel IBL fournissait des prestations de gestion de portefeuille des investissements. La banque percevait en contrepartie 1,75 pour cent de la valeur nette des portefeuilles ainsi gérés. IBL s’était également vue confier un mandat de gestion sur Doxa Global Fund prévoyant une rémunération de un pour cent supplémentaire sur la VNI des actifs. Un sous-contrat avait été signé entre la banque et Vinton, celle-ci devant l’assister dans les investissements, en échange d’une commission de un pour cent sur la VNI. Un vrai jackpot pour Vinton, qui ne s’arrêtait pas là puisque la banque s’était engagée à lui rétrocéder (la moitié d’abord, puis 66,6 p.c. ensuite) des commissions de courtage relatives aux transactions supérieures à cent euros sur le portefeuille de Doxa.
Ce sous-contrat entre Vinton et IBL n’a « eu pour seule finalité que celle de servir l’enrichissement personnel de leurs bénéficiaires ultimes », argue désormais IBL /Miret, qui « soupçonne que le litige se mouvant entre parties est en réalité l’émanation d’une sombre histoire de montages financiers, vraisemblablement à caractère criminel, destinés à permettre l’appropriation – via des sociétés écran domiciliées aux BVI et à Panama – de sommes importantes ». Quel aurait d’ailleurs été l’intérêt financier d’un tel montage pour la banque qui rétrocédait presque intégralement les juteuses commissions à Vinton, mais assumait toute la responsabilité des curieux montages ? Une plainte avec constitution de partie civile avait d’ailleurs été déposée par l’établissement le 7 mai 2008 sur le caractère suspect des montages. Ceci dit, cette plainte n’a pas eu d’incidence sur le traitement du volet civil pour le tribunal, qui a par ailleurs jugé non fondée la demande de Vinton qui aurait obligée la banque à lui payer les dix millions de dollars de commissions. Les juges ont trouvé qu’il y avait trop d’intermédiaires à se disputer la mise et n’ont pas voulu trancher pour l’un ou pour l’autre. Le chemin risque d’être encore long pour récupérer à Luxembourg les miettes de l’Angolagate.