Il y aurait d’un côté ceux qui veulent continuer d’exploiter sans retenue les ressources de la planète et, de l’autre, les protecteurs des espèces menacées et gardiens émérites de la biodiversité. C’est l’image quelque peu simpliste que projettent les grandes organisations internationales dédiées à ces causes telles que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ou le World Wide Fund for Nature (WWF), attelées aux projets des Nations Unies d’augmenter la surface des réserves naturelles sous le concept 30x30 (mettre trente pour cent de la surface du globe sous le statut de réserve d’ici 2030). Or, tant ce concept que l’action de ces organisations sont fortement contestés.
La conférence des parties de l’accord international sur la biodiversité prévue cette année ayant été reportée à 2022, la rencontre annuelle de l’UICN qui se déroule du 3 au 11 septembre à Marseille est le point de ralliement de ceux qui participent à ces efforts de conservation. En marge de cette grand-messe, des activistes qui prônent une redéfinition de ces efforts se sont aussi donné rendez-vous à Marseille. Sous la bannière Our Land, Our Nature, ils ont clamé que « les peuples indigènes sont les meilleurs agents de la conservation des espèces », mais que « leurs voix sont étouffées, leurs droits violés et leurs vies toujours menacées », tandis que « les vraies causes de la destruction environnementale sont ignorées lors des grandes conférences de conservation : l’exploitation des ressources naturelles à des fins lucratives et une hyperconsommation croissante poussée par les pays industrialisés ». Au lieu de ce modèle néocolonial, ils prônent des solutions qui mettent les populations tribales au cœur de la conservation et des efforts pour résoudre les crises du climat et de la biodiversité.
Ces militants ne contestent pas la nécessité urgente de préserver la vie sauvage. Mais ils critiquent vertement la vision élitiste et raciste qui sous-tend selon eux 30x30, dont ils craignent qu’elle ne débouche sur l’éviction de millions d’habitants des régions ainsi placées sous protection. Pour eux, le modèle classique des réserves de vie sauvage, qui fait appel à des rangers armés censés lutter contre les braconniers et endiguer les trafics en tous genres (individus vivants, ivoire, cornes...) est en échec.
« La façon dont cela fonctionne aujourd’hui est une forme militarisée de conservation », explique Alejandro Argumedo, militant quechua en charge de la région Amazonie auprès de la Fondation Swift. « Vous avez des gardes avec des fusils, des gens qui imposent des amendes, construisent des clôtures et expulsent les gens de leurs terres traditionnelles. Et si des communautés réagissent pour se défendre, ils sont perçus comme anti-conservation ».
Ce qui inquiète particulièrement ces militants est la potentielle financiarisation de ces réserves, fondée sur l’illusion que l’on pourrait protéger la biodiversité en vendant des forêts comme crédits carbone ou créer dans la foulée des marchés internationaux de compensation de la biodiversité.