Malgré le titre Nothing Is Permanent, les 23 sculptures, d’un bout à l’autre
de la ville d’Esch, sont quand même faites pour rester jusqu’au 11 novembre

Périple au fil des sculptures

d'Lëtzebuerger Land du 01.07.2022

Des sculptures dans l’espace urbain, cela ramène inévitablement à la ville allemande de Münster, aux Skulptur Projekte, initiés en 1977 par Kasper König. Et le souvenir revient de suite, ce fut vingt ans après, parmi les nombreuses interventions artistiques, du vol d’hélicoptère imaginée par l’artiste turque Ayse Erkmen, autour de la cathédrale, avec une statue pendant au bout d’un long câble. Bien sûr, il s’agissait de marquer une aire dans cette ville très liée à la religion. Était-ce effronté d’interpréter autrement : le survol de l’espace urbain pour trouver la bonne place pour déposer la sculpture. Mettant ainsi en avant la problématique de l’intrusion de l’art à une époque où la représentation de souverains ou autres notabilités n’ont plus guère cours.

L’initiative eschoise et l’engagement d’Alex Reding n’en sont que plus bienvenus, avec ce qu’ils comportent comme interrogation et, de la façon la plus pointue, de confrontation d’un public le plus vaste possible avec l’expérimentation contemporaine. Car l’éventail des sujets, des styles, des matériaux, est on ne peut plus large. On trouve de tout, depuis l’entrée d’Esch en provenance de Luxembourg jusqu’à sa sortie en direction de la frontière française. On ne peut d’ailleurs que recommander au moins deux visites, des parcours ou périples organisés à partir de ces deux points de départ. Et vous en aurez pour deux fois deux heures à peu près.

Il y a bien de la figuration, avec Balkenhol par exemple, ou plus enlevée, avec Delvoye, mais la plupart du temps vous constaterez que la sculpture a pris d’autres voies, où la géométrie tend vers l’architecture. Ailleurs, elle offrira du répit, voire de l’enjouement, de l’amusement, avec Wurm et son camion, avec Bijl. Est-il utile, l’exercice qu’on imposerait au critique de trouver un qualificatif à chacune ou chacun des 23 artistes, à leurs œuvres ? Nous dirons seulement que Barthélémy Toguo a bien choisi ou trouvé son emplacement, pour son tampon à l’inscription heimatlos, au pied du palais de justice de paix, surtout au lendemain de la liesse de la fête nationale où la sculpture se trouvait bien prise entre les grillages. Cela avait été plus amusant, lors d’une visite antérieure, de voir les torsades de Tony Cragg, ses deux tours entortillées, rivaliser avec les mouvements des manèges de la kermesse. Au contraire, quelle tristesse pour Bernar Venet dont l’œuvre est à peine visible, dans le fatras qui l’entoure.

C’est dire combien il est difficile de faire se concilier les choses entre elles. Du moment qu’on s’éloigne d’un espace plus ou moins clos, à l’abri, comme peut l’être le Schlassgoart. À moins également que les artistes ne se soumettent (façon de parler, car ce n’est pas faire preuve de moins d’invention, de moins d’imagination) à l’environnement, on dit aujourd’hui travailler in situ. Vera Kox et Claudia Passeri le font avec beaucoup de justesse dans la verdure, dans l’eau, il y a de la rigueur, il y a de la poésie.

Les temps sont tels qu’il est recommandé de faire attention aux quotas des artistes qu’on invite. Question d’origine, de genre, etc… Des artistes internationaux confirmés ou émergents. Côté luxembourgeois, des orientations esthétiques connues, mais pour un public moins au fait l’occasion est belle, au long de l’été et de l’automne, avec les changements que cela entraîne aussi, de faire l’une ou l’autre découvertes. Nous n’y compterons pas, hélas, le tableau de Michel Majerus accroché à la Konschthal, alibi, ou acte de justification pour l’emprunt du titre de l’exposition. Nous n’insisterons pas sur le seul hommage qui aurait valu en l’occurrence l’imposante et magnifique rame de skateboard.

Jusqu’au 11 novembre dans les rues d’Esch-sur-Alzette. Plans et visites sur nothingispermanent.lu

Lucien Kayser
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