Le LSAP l’avait demandée pour faire pression, la majorité l’avait accordée pour sauver la face. Trois mois plus tard, la commission spéciale Caritas s’enlise. Personne ne semble respecter cette commission qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Et cela commence à devenir embarrassant pour les députés qui y siègent. La CSSF est passée pour dire qu’elle ne pouvait rien dire. « Mir sinn hei net an enger Enquêtëkommissioun, mir sinn hei an enger normaler Kommissioun », a expliqué son directeur général, Claude Marx, rappelant que loi organique de la CSSF lui interdisait de partager les conclusions qui seraient envoyées aux banques (et à la BCE) avant la fin-mars. PWC n’est pas certain d’accepter l’invitation. Rappelant être soumise au « secret professionnel », la Big Four pose six conditions, dont « l’accord préalable de notre client » ainsi que « l’absence d’enregistrement » lors des échanges de vues qui devraient se limiter « aux meilleures pratiques de gouvernance » et à des questions transmises en amont. (PWC dictant à la Chambre comment rédiger ses PV ; on se croirait au bon vieux temps des rulings sous Marius Kohl...)
La Caritas a répliqué à l’invitation de la commission par une discourtoise remise en cause de l’hôte : « Nous nous interrogeons sur la possibilité même pour la commission de mener une instruction sur des faits, pour lesquels des affaires sont pendantes devant les juridictions pénales luxembourgeoises ». Et de poser des limites très restreintes à d’éventuels échanges à venir, qui ne pourront porter ni sur « des faits concrets de l’espèce, ni même sur l’organisation en général (de Caritas) ». (Reste la question qui représentera la Caritas en public, après la démission de Marie-Josée Jacobs.) Les juristes de Caritas ont identifié le point sensible de la commission. Ils remarquent que sa présidente, Stéphanie Weydert (CSV), est inscrite chez Arendt & Medernach, la même étude qui conseille une des deux banques impliquées dans l’affaire : « Un conflit d’intérêts qui entache les travaux de la commission ».
La députée récuse l’accusation, arguant qu’elle n’est plus active chez Arendt depuis les élections législatives, même si elle y reste inscrite. Pour lever les ambiguïtés, la commission a finalement décidé de saisir les trois sages du « comité consultatif sur la conduite des députés », ainsi que le Barreau. Un mois plus tôt, le député Laurent Zeimet (CSV) avait lâché la présidence après que Schiltz & Schiltz, l’étude d’avocats où il est inscrit, l’eut (tardivement) informé qu’elle représentait une des parties dans l’affaire Caritas. Le député CSV évoquait alors « une mesure de précaution » pour éviter « toute trace de soupçon ». Un précédent que Weydert a refusé de suivre.
Face à cette accumulation de couacs, l’option d’instaurer une commission d’enquête est évoquée de plus en plus ouvertement par Franz Fayot (LSAP), Djuna Bernard (Déi Gréng) et Marc Baum (Déi Lénk). Elle aurait les prérogatives d’un juge d’instruction, ce qui créerait évidemment de grands risques d’interférence avec les procédures judiciaires en cours. Arithmétiquement, elle est envisageable si les Pirates la soutiennent : Une commission d’enquête aurait besoin de vingt voix. Pour rappel : La commission spéciale est censée reconstruire ce qui s’est passé durant l’été 2024 (lorsque les députés étaient partis en vacances). La question politique est évidente : Quand et pourquoi Luc Frieden a-t-il décidé de laisser tomber Caritas ? Comment l’option HUT s’est-elle imposée ? Parmi les questions connexes : L’hypocrisie du cardinal, l’incompétence du CA de Caritas, ainsi que le rôle de ceux que Jacobs appelait « déi Lekt va PWC ».