Taxes communales

La douloureuse

d'Lëtzebuerger Land du 17.01.2008

La Dexia devra-t-elle payer les 93 087,68 euros de taxes que lui réclame la Ville d’Esch-sur-Alzette ? En décembre 2006, la commune lui avait fait savoir le montant de la somme que la banque lui devait en taxe d’urbanisme et de participation aux infrastructures publiques pour la construction de la deuxième phase du bâtiment de Belval (d’Land 43/07). Ces deux missives avaient été envoyées pour info – il ne s’agissait pas encore de la facture officielle.

C’est la raison pour laquelle le tribunal administratif vient de juger irrecevable le recours introduit contre la Ville d’Esch-sur-Alzette. Comme les lettres ne revêtaient qu’un caractère informel et qu’elles devaient uniquement fournir des précisions quant au montant provisoire et au calcul des taxes, les juges ont estimé qu’il ne s’agissait pas encore d’une décision formelle susceptible de créer unpréjudice et que le courrier signé par la bourgmestre LydiaMutsch (LSAP) « ne constitue pas une décision administrative susceptible de recours ». L’administration communale avait avancé l’argument que « la taxe communale ne deviendrait définitive qu’au moment de la sommation de payer ». La banque a donc dégainé trop vite.

L’avocat de la Dexia, Me Laurent Mosar, député CSV, ne l’entend pas de cette oreille et a obtenu le mandat d’interjeter appel. D’une part, il estime que le jugement est contradictoire – d’abord, la banque aurait attendu trop longtemps pour introduire un recours en annulation des délibérations du conseil communal pendant lesquelles les taxes, tarifs et redevances ont été fixés, ensuite, elle aurait attaqué une décision qui n’avait pas encore été officielle et qui ne pouvait donc pas encore porter préjudice à la banque.

D’autre part, l’avocat a la fâcheuse impression que les juges ont voulu se défiler de leur responsabilité de trancher le fond de l’affaire. Ce qui rend au dossier sa couleur politique, car il met en cause le principe de garantir une participation équitable et solidaire de tous les résidents au financement des infrastructures publiques locales.Or, le mode de calcul de ces taxes n’est pas transparent, a estimé la banque, et la commune n’a ni respecté les principes de la loi concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ni la circulaire du ministre Jean-Marie Halsdorf (CSV) appelant lescommunes à une « certaine retenue et ne pas exiger l’intégralité du montant qu’elle pourrait exiger ».

En outre, la banque avance l’argument qu’il ne s’agit pas ici de laconstruction d’une nouvelle unité d’habitation, distinction qui avaitaussi été faite par le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire. Ce qui signifie en clair que les communes doivent se montrer moins gloutonnes envers les entreprises qu’envers leurs habitants – ce qui ne manque pas de piment au vu des prix exorbitants sur le marché du logement et qui met une bourgmestreà vocation socialiste dans une bien mauvaise posture.

« Ce qui m’interpelle dans ce jugement – pas seulement en tant qu’avocat, mais surtout en tant que politicien –, c’est que le tribunal fixe l’instant à partir duquel les citoyens ont le droit d’ester en justice, ajoute Laurent Mosar, le fait qu’ils aient juste la possibilité de se défendre à partir du moment où ils ont un préjudice concret est à mes yeux inadmissible. » Le député est d’avis que tous les citoyens doivent pouvoir intenter un recours dès qu’une décision d’un ministre ou d’un conseil communal a été prise et non pas seulementau moment où ils ont été lésés par cet édit. « Si cette jurisprudence-ci est confirmée en appel, il est difficile d’imaginer comment lescitoyens pourront saisir le tribunal dans d’autres matières comme toutce qui touche au domaine des autorisations de construire par exemple, », poursuit-il. À la Cour administrative de trancher cette question. 

Dans l’intervalle, si la Ville d’Esch-sur-Alzette devait présenter une facture définitive à la Dexia, elle risque une nouvelle contestation auprès des juridictions administratives. Ce qui met la bourgmestre sous haute pression. Surtout que d’autres entreprises qui souhaitent développer leurs activités sur le site Belval sonten attente de ce qui se trame.  

anne heniqui
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