Après une saison minée par les annulations de concerts imposées par l’épidémie, et en espérant que la situation sanitaire du pays continue d’évoluer dans le bon sens, comme c’est le cas à l’heure où nous écrivons ces lignes, force est de constater que le pharaonique complexe musical de la Place de l’Europe, si l’on en juge à l’aune de la brochure des programmes 2021-2022, met, comme on dit, les petits plats dans les grands pour reconquérir son public, avec, fidèle en cela à son ADN, des affiches aussi alléchantes qu’éclectiques, où des valeurs sûres et prestigieuses côtoient de prometteuses étoiles montantes.
Côté symphonique, le programme a tout d’un défilé de géants. Parmi les temps forts, signalons la venue - entre autres - des on ne peut plus illustres phalanges de Vienne, Munich, Londres et autres Budapest, dirigées de main de maestro par de sacrées pointures qui ont pour nom - excusez du peu ! - Blomstedt, Metha, Gergiev, Rattle, Gardiner, Robertson, Fischer, Harding, Saraste, Christie, Chailly, Herreweghe, Paavo Järvi, Barenboim, Manze, Nelsons, Nézet-Séguin ou Hengelbrock. De quoi faire pâlir d’envie plus d’une grande métropole étrangère.
Côté solistes, la liste des artistes invités ressemble, elle aussi, à l’annuaire planétaire du gotha musical : Bronfman, Levit, Tharaud, Grimaud, Zimerman, Melnikov, Sokolov, Hiromi, Wang, Lang Lang, Kissin, Schiff, Opitz, bref, le best of du piano. Qui plus est, à côté de ces valeurs sûres, on pourra découvrir de nouveaux visages, comme celui de la jeune slovène Zala Kravos, pour ne citer qu’elle.
Le violon, quant à lui, est superbement illustré par Faust, Shaham, Kopatchinskaja, Jansen, Skride, Mutter (avec son ensemble de chambre rassemblant de jeunes talents promus par sa fondation) ; l’alto, par Zimmermann, « l’une des meilleures altistes du monde » (Die Zeit) et dont nul mélomane averti n’ignore les liens privilégiés qu’elle entretient avec notre pays ; le violoncelle, par Gabetta,
Queyras, Mørk, Capuçon ; la guitare, par Gil et Metheny ; la trompette, par Nakariakov ; l’orgue, par Trotter ; la flûte, par Pahud ; l’accordéon, par Galliano. Tous des champions de leur discipline. En fait, quasi aucun des grands noms ne manque à l’appel.
Bartoli, DiDonato, Damrau, Devieilhe, Kaufmann, Villazón, Flórez répondront présent pour combler les amateurs de belles voix. Qui dit mieux ?
Les férus de musique de chambre, laquelle bénéficie de l’une des plus belles « petites » salles d’Europe, ne seront pas en reste, gâtés qu’ils seront avec les Quatuors Ébène, Belcea, Arod, Pensis et le Schengen Trio : soit autant de rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte. Les deux derniers ainsi que la pianiste Cathy Krier, l’organiste Maurice Clément et le chef Carlo Jans représenteront brillamment la grande famille des artistes de chez nous. Sans oublier les ensembles autochtones qui ont pignon sur rue : à commencer, bien sûr, par l’Orchestre Philharmonique du Luxembourg, dont le titulaire,
Gustavo Gimeno, poursuit, à coup de projets originaux, le travail de fond qu’il mène depuis six ans pour concocter des affiches à la fois alléchantes et exigeantes, tout en se fendant d’un programme ambitieux à destination du jeune public ; ensuite, les Solistes Européens, Luxembourg, qui frappent fort, cette saison, pour faire revenir leur public après de longs épisodes de silence ; l’ensemble United Instruments of Lucilin, qui, fidèle à sa mission, continue de célébrer le bel aujourd’hui ; enfin, l’Orchestre de Chambre du Luxembourg, qui vient de se doter d’une nouvelle directrice artistique et musicale en la personne de Corinna Niemeyer, pour laquelle - je cite - « chaque concert est un monde, un voyage, une aventure ». Ça promet !
Au chapitre des festivals, à côté de celui déjà traditionnel de Rainy Days, dédié aux musiques nouvelles, une mention spéciale revient à Fräiraim, un festival inédit, ouvert aux artistes professionnels et amateurs de la Grande Région.
Dans le genre lyrique, grâce à sa collaboration de plus en plus étroite avec La Monnaie, l’Opera Philadelphia et le Festival d’Aix-en-Provence, le Grand Théâtre de Luxembourg conforte, chaque saison un peu plus, sa position de maison lyrique de création et de découvertes au cœur de l’Europe, sans pour autant négliger le répertoire mainstream. Bien au contraire. À côté des risques, il y a en effet l’assurance de passer de belles soirées lyriques, tant la grande maison du Rond-Point Schuman multiplie les distributions luxueuses dans des productions au succès déjà éprouvé. Ainsi, l’on ne manquera pas de signaler une Carmen de derrière les fagots, alignant une brochette de stars, portée par la baguette experte et survoltée de José Miguel Pérez-Sierra, et dont la mise en scène sera réglée de main de maître par Dmitri Tchermiakov. Alors, comment résister à l’irrésistible, à une programmation qui en mettra plein la vue et les oreilles aux mélomanes d’ici et d’ailleurs ?
Quant aux cinéphiles, ils seront ravis de retrouver leurs chers Ciné-Concerts, dont Carl Davis, en spécialiste patenté de l’accompagnement de films muets, assurera le succès au pupitre de l’OPL.
Question innovation, on notera les « Délicieuses prolongations », sorte de « troisièmes mi-temps », à la faveur desquelles Sir Simon Rattle et Magdalena Kozena, Sabine Devielhe et Vladimir Jurowski, le violoniste Pekka Kuusisto, l’Artiste en Résidence Isabelle Faust ou le joueur de tabla Zakir Hussain se fendront d’un supplément de musique – prolongations, dont le public est autorisé à jouir en toute décontraction (et pourquoi pas ?) un verre à la main.
Enfin, fidèle parmi les fidèles, l’intarissable et inénarrable Jean-François Zygel animera du piano, comme par le passé, ses classiques « Dimanches », à l’occasion desquels il excelle à susciter et combler la curiosité du public en l’emmenant à la découverte du cœur d’Euterpe et en répondant à tout ce que ce public a toujours voulu savoir au sujet de la muse de la musique, sans jamais oser le demander.
Que demander de plus ?