Placebo de Walter Robinson

L’effet placebo des biens de consommation

d'Lëtzebuerger Land du 23.03.2012

Les œuvres d’art véhiculent aujourd’hui souvent une critique sociale, que ce soit de manière latente ou de façon manifeste. L’artiste Walter Robinson s’attaque avec une bonne portion d’humour et d’ironie à la société de consommation occidentale et plus particulièrement américaine. Ses œuvres exposées actuellement à la Galerie Zidoun analysent d’une manière très franche les mécanismes de la publicité utilisés par les grandes entreprises pour manipuler les consommateurs.

La première œuvre de l’exposition frappera plus d’un visiteur : les lettres « LUX » sont accrochées au mur en forme de donuts dotés d’une couche bleue glacée et saupoudrés de vermicelles en sucre multicolores (Lux, 2011). La référence au Luxembourg et au luxe est incontestable. Aux États-Unis, ces beignets produits en masse constituent un stéréotype ; ils sont devenus le symbole d’un certain style de vie que l’on pourrait qualifier de « malsain » et qui est repris et popularisé dans bon nombre de films ou de séries animées.

Dans son travail artistique, Walter Robinson (né en 1950 à San Francisco) reprend des objets du quotidien (comme les donuts, des figures de bandes dessinées et des symboles de la culture populaire) et les déplace dans un autre contexte. L’œuvre Souvenir (2008), par exemple, se compose d’une tête de sanglier empaillée, de deux désodorisants pour voiture en forme d’arbre sur lesquels il y a marqué « Hope » et « Fear » ainsi que de différents symboles, notamment des smileys et le symbole de la paix. Ces éléments se contredisent : paix et mort, espoir et peur. YES (2010) est une autre œuvre qui ne manque pas de sarcasme. Les trois symboles monétaires « ¥ € $ » sont découpés dans des plaques de plexiglas en jaune fluo et évoquent de façon enthousiaste une coalition de ces trois devises monétaires.

Les œuvres de Robinson visent avant tout la société américaine. Ceci devient notamment visible dans la série Transport (2008), pour laquelle l’artiste juxtapose des emblèmes de voitures américaines en chrome (« Volaré », « Riviera », « Futura » et « Continental ») avec des tableaux réalisés à la manière de Mark Rothko. Symboles de réussite sociale, ces voitures de luxe renvoient aux assertions des producteurs d’automobiles certifiant que le conducteur atteindra plus de prestige avec l’achat d’une telle voiture. Tout comme ces voitures ont marqué l’évolution de l’automobile en Amérique au cours des soixante dernières années, Rothko a marqué la peinture abstraite. Face au matérialisme, l’art agit aussi comme moyen d’atteindre la transcendance. Cette juxtaposition osée – le travail entier de Robinson d’ailleurs – fera sourire les uns et irritera les autres.

Ce n’est pas un hasard si Robinson se sert surtout de couleurs pastel et de surfaces brillantes. Avec ces surfaces plastifiées au finissage parfait, il se situe dans la tradition du « finish fetish », un sous-courant minimaliste qui s’est développé à la côte ouest des États-Unis avec des artistes comme John McCracken, Craig Kauffman ou Robert Irwin. Tout comme Jeff Koons qui se sert des surfaces miroitantes pour séduire le spectateur et le renvoyer à sa propre image, Robinson s’en prend à la société de consommation par les mêmes méthodes publicitaires employées par des firmes pour attirer un maximum de consommateurs.

Le titre de l’exposition, Placebo, est à interpréter dans le même sens. Désignant aujourd’hui des médicaments qui n’ont pas de substance active mais qui sont censés provoquer un effet psychique favorable, le terme « placebo » est dérivé du latin « placere » qui veut dire « plaire ». Les œuvres de Robinson, souvent simples dans leur approche et leur interprétation afin que le consommateur crédule puisse les comprendre, fonctionnent alors comme mise en garde contre la séduction facile par les produits de consommation.

L’exposition Placebo de Walter Robinson est à voir jusqu’au 21 avril à la Galerie Zidoun, 101, rue Adolphe Fischer à Luxembourg, ouverte du mardi au septembre de 11 à 19 heures ; informations : www.galeriezidoun.com.
Florence Thurmes
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